Jean Castex a donné sa démission trois semaines après la réélection d’Emmanuel Macron à un second quinquennat. Une heure plus tard, le suspense sur le nom de son remplaçant était dissipé, après de longues spéculations dans la presse. Ce sera une remplaçante. Élisabeth Borne passe du ministère du Travail à Matignon.
« Je sais aussi que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi, non pour soutenir les idées que je porte, mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite […] J’ai conscience que ce vote m’oblige pour les années à venir », annonçait Emmanuel Macron devant ses partisans au soir du second tour de l’élection présidentielle. Une déclaration qui comme les promesses électorales n’engage que ceux qui y croient. Alors que le président de la République doit largement sa réélection au vote des électeurs de gauche, tel un pied de nez, il nomme Élisabeth Borne trois semaines plus tard au poste de Premier ministre pour conduire sa politique.
Élisabeth Borne : un lourd bilan antisocial
Derrière le symbole de la nomination d’une femme au poste de Premier ministre, donnant une apparence progressiste au second mandat d’Emmanuel Macron, se cache une politique sociale particulièrement brutale. Élisabeth Borne a déjà occupé trois maroquins ministériels au cours des cinq dernières années. Celui du transport de mai 2017 à septembre 2019. Puis ceux de la Transition écologique de juillet 2019 à septembre 2020 et du Travail au moment de la nomination de Jean Castex.
Si son passage à l’écologie n’a pas profondément marqué les esprits, elle a conduit deux des réformes emblématiques du quinquennat. La première en 2018 au ministère des Transports. Élisabeth Borne a porté le projet de loi « pour un nouveau pacte ferroviaire ». Si le Premier ministre de l’époque, Édouard Philippe, se défendait de privatiser la SNCF, le texte modifiait pourtant le statut de l’entreprise, la transformant au 1er janvier 2020 en société anonyme. Même si pour le moment, ses capitaux sont exclusivement détenus par l’État. À la même date, le statut de cheminot disparaissait pour les nouveaux embauchés. Avec les droits associés évidemment. Autre élément de cette réforme : l’ouverture à la concurrence. D’abord sur les lignes régionales dès 2019, puis sur les lignes TGV en 2020 et 2021.
L’autre réforme majeure de liquidation de droits sociaux de ce quinquennat restera bien sûr celle de l’assurance chômage. Celle qui déclarait en février 2021 « je suis une femme de gauche. La justice sociale et l’égalité des chances sont les combats de ma vie » a conduit à son terme la réforme la plus antisociale des cinq dernières années, initiée par Muriel Pénicaud en 2018. Ici, la possibilité d’ouvrir à une indemnisation est passée de 4 mois à 6 mois pour les chômeurs, pendant que la possibilité de recharger des droits entre deux petits boulots passait d’un mois à six mois. Et comme si cela ne suffisait pas, le décret final change complètement le mode de calcul du salaire journalier de référence permettant de calculer le montant des allocations. Évidemment pas au bénéfice des chômeurs.
Une méthode à craindre pour la réforme des retraites
Si Élisabeth Borne a un lourd bilan de dégradation des droits des cheminots et des demandeurs d’emploi sur le fond, elle se distingue également sur la forme. D’abord dans le dossier de la SNCF où elle n’a quasiment rien consenti à l’une des plus longue grève cheminote, durant plus de deux mois et portée par les quatre syndicats représentatifs de l’entreprise ferroviaire. Ensuite, dans le dossier de l’assurance chômage, elle a tenu son cap, malgré l’hostilité de l’ensemble des organisations syndicales de salariés. Et même face au désaveu du Conseil d’État en novembre 2020. Elle n’a pas ménagé sa peine pour imposer au forceps, quitte à mettre en œuvre quelques coups tordus, sa réforme de l’assurance chômage. Et ce, même lorsque l’Unédic mettait en cause les chiffrages du ministère pour présenter sous un jour moins défavorable sa réforme.
La gestion de ces deux dossiers ne présage rien de bon pour celui à venir des retraites. Même si à l’heure où nous écrivons rien n’est certain, les éléments distillés pendant la campagne électorale laissent supposer la tenue d’une grande conférence sociale au début de l’été pour lancer le projet. Au regard des multiples réunions que l’ancienne ministre du Travail a tenu, sans les écouter, avec les organisations de salariés, sur le dossier du chômage, il est à parier que ces réunions n’auront pour fonction que de dire au grand public : on discute. Même si évidemment, il est peu probable qu’Élisabeth Borne, la nouvelle Première ministre, négocie.
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