Les travailleurs sociaux et médico-sociaux se sont greffés à la grève des professionnels de la santé, ce 11 janvier. Après la mobilisation massive du secteur le 7 décembre, les syndicats espèrent tenir le rythme, dans l’attente d’un calendrier sur la revalorisation des salaires et la refonte des conventions collectives. Dans le viseur également : la prochaine Conférence nationale des métiers du social et du médico-social, tout juste repoussée, pour la seconde fois, par le gouvernement.
Une nouvelle fois, les travailleurs du social et du médico-social (salariés des champs du handicap, protection de l’enfance, accompagnement des personnes âgées, hébergement d’urgence…) se sont rassemblés, le 11 janvier. Leurs métiers étaient représentés dans la vaste grève nationale des professionnels de la santé. La journée a été forte d’« au minimum une à deux mobilisations par département », recense Christophe Climaco, responsable du bureau de l’UFAS-CGT.
Mais cette mobilisation ouvrant 2022 aura été moins forte que celle, massive, du 7 décembre. En cause : un contexte sanitaire compliqué, mais aussi un appel moins unitaire. La CGT et Sud, soutenus par des collectifs de travailleurs sociaux, ont relayé l’appel. En décembre, la totalité des syndicats faisaient bloc ; et le rendez-vous avait été largement suivi. De 55 000 à 80 000 salariés, selon les décomptes des diverses organisations, avaient manifesté ce jour-là. « Le 7 décembre, c’était historique », résume Christophe Climaco.
Les syndicats et collectifs tentent de construire une nouvelle date unitaire aussi forte, le 1er février. La CGT ne s’est, pour l’heure, pas encore positionnée en faveur de cet appel.
D’ici là, la journée interprofessionnelle sur les salaires du 27 janvier sera également un rendez-vous pour les travailleurs sociaux. « Il y a un mouvement de convergence qui témoigne d’une grande colère et souffrance au travail. Et qui laisse à penser que ces journées vont se poursuivre, avec plus ou moins de réussite », décrit Ramon Vila, secrétaire fédéral SUD Santé Sociaux.
Le but : maintenir le rapport de forces vis-à-vis du gouvernement. « On a l’espoir d’avoir une nouvelle date qui fera consensus pour l’ensemble des syndicats et collectifs, pour mettre la pression et rappeler que les citoyens dont on s’occupe – et ceux qui travaillent dans ce secteur ! – ne sont pas des citoyens de seconde zone », conclut le responsable syndical.
La Conférence nationale des métiers plusieurs fois repoussée
La revalorisation des salaires est au coeur des revendications communes aux travailleurs sociaux et médico-sociaux. Depuis les accords du Ségur de la santé signés à l’été 2020, leur colère ne faiblit pas à ce sujet. « À quelques niches près, tout le secteur social et médico-social a été laissé de côté » de la revalorisation de 183 euros net prévus pour les soignants, résume Ramon Vila. La mission Laforcade a étendu la revalorisation à quelques niches supplémentaires, mais « c’est du saucissonage permanent », explique le responsable syndical. « On attend un geste : en 20 ans, la perte de pouvoir d’achat des travailleurs sociaux est de l’ordre de 20 à 25 % ».
Une Conférence nationale des métiers de l’accompagnement social et médico-social avait été promise par le Premier Ministre Jean Castex, d’ici le 15 janvier 2022, pour aborder ces sujets. D’où l’idée de se mobiliser le 11 janvier.
Mais cette conférence nationale vient d’être repoussée au premier trimestre 2022. La date reste « à stabiliser avec les acteurs en fonction de l’évolution de la situation sanitaire », explique le gouvernement dans un communiqué du 29 décembre.
Or, ce rendez-vous avait déjà été repoussée une première fois. Dans l’accord de méthode issue de la mission Laforcade, signé par les responsables ministériels, des organisations d’employeurs, l’UNSA et la CFDT, il était spécifié qu’elle devait se tenir d’ici décembre 2021.
Le sujet traîne, donc. Et laisse les organisations syndicales sans calendrier clair, ni invitation formelle à se mettre autour de la table. « Ils ont senti la colère du 7 décembre », croit Thibault, membre de la commission de mobilisation du travail social Ile-de-France et militant CGT. « S’il y a un décalage, c’est qu’ils ont besoin de consolider leurs orientations, de trouver des organisation syndicales prêtes à signer, de s’assurer que les départements pourront suivre sur la question des augmentations de salaire… »
L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) s’est vue chargée d’une mission sur la revalorisation des salaires et l’organisation du financement du secteur. Pour l’heure, les responsables syndicaux n’ont pas été auditionnés, et ne savent pas quel sera le calendrier d’avancée de la mission. Celle-ci est censée présenter des pistes pour la conférence nationale.
La revalorisation salariale conditionnée à la fusion des conventions collectives
La volonté du gouvernement est d’articuler toute revalorisation des salaires à une fusion des conventions collectives régissant les branches du social et médico-social. Cette volonté a été réitérée dans l’accord Laforcade, le descriptif de la mission donnée à l’Igas, ou encore le communiqué de décembre du gouvernement.
« Le problème n’est pas de fusionner : une seule convention pour tout le monde, pourquoi pas… Le problème, c’est que ce ne sera pas pour améliorer les conditions de travail ! » craint Thibault. « Ce sera forcément au rabais », complète Florence Pik, également membre de la commission de mobilisation travail social Ile-de-France.
Les deux principales conventions collectives du secteur sont concernées : la 51, régissant les « établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif » ; et la 66, regroupant les « établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées ». « Normalement, cela devrait relever de discussions entre les organisations syndicales et patronales », rappelle Thibault. « Or, le fait que ce soit encouragé par la mission Laforcade et par une future Conférence des métiers, c’est le signe que le gouvernement veut garder la main sur le dossier. Et c’est fausser ce qu’ils appellent le dialogue social », déplore-t-il.
De fait, alors que les travailleurs sociaux et médico-sociaux sortent régulièrement dans la rue depuis plus d’un an, leurs portes-parole n’ont jamais été reçus, comme ils le demandent, par le ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran. Y compris le 7 décembre, au plus fort de la mobilisation. La délégation syndicale, dont faisait partie Ramon Vila, a été reçue au ministère par « deux administratifs, qui ne connaissaient pas le dossier et n’avaient aucune proposition », raconte ce dernier. « Un mépris total de notre secteur ».
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