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Grève du 13 octobre : pourquoi la CGT souhaite s’appuyer sur une date européenne

 

Ce vendredi 13 octobre, l’intersyndicale appelle à une journée de grève partout en France contre l’austérité et pour l’augmentation générale des salaires. Cette date s’inscrit dans un calendrier européen de mobilisation, mis en place lors du dernier congrès de la confédération européenne des syndicats (CES). Pourquoi ? Entretien avec Boris Plazzi, membre du bureau confédéral de la CGT et chargé des questions européennes.

 

L’année dernière, ils n’étaient que trois à demander l’augmentation des salaires lors d’une journée de grève de rentrée, le 29 septembre : Solidaires, la CGT et la FSU. Cette année, ils y sont tous. L’intersyndicale constituée pendant la lutte contre la réforme des retraites (CFDT, CFE-CGC, UNSA, Solidaires, FO, CGT, FSU, CFTC et les organisations de jeunesse) tient bon et appelle à une journée de grève et de manifestation le vendredi 13 octobre. Objectif : lutter contre l’austérité et réclamer l’augmentation des salaires. Outre cet élargissement, la journée diffère de la rentrée sociale de 2022 par un autre aspect : c’est une date de manifestation et de grève européenne. Des syndicalistes de toute l’Europe vont se réunir dans le cortège parisien ce jour-là pour une « euro-manifestation », comme on dit dans le jargon.

Or ce type d’appel n’a pas été lancé depuis avril 2019 par la confédération européenne des syndicats (CES). Et pour cause, l’étage européen de la lutte syndicale est toujours difficile à manier. Les grandes confédérations syndicales, quel que soit le syndicalisme qu’elles aiment à pratiquer, priorisent avant tout la structuration à l’échelle des entreprises, des branches, voire au niveau local ou national.

En France, la CES fait l’objet de nombreuses critiques, notamment de la part de la CGT, depuis sa création en 1973. Historiquement liée à la construction de l’Union Européenne, elle regroupe à l’origine des syndicats sociaux-démocrates et des syndicats chrétiens européens. Sur le plan économique, elle est plus à l’aise avec le keynésianisme qu’avec « l’expropriation capitaliste », telle qu’évoquée par la charte d’Amiens. D’ailleurs, la CGT n’y adhère qu’en 1999. Encore aujourd’hui, certaines unions départementales et fédérations de la CGT refusent de se réclamer de la CES. Pourquoi, dès lors, choisir une date européenne ce 13 octobre ?

 

 

Interview de Boris Plazzi, membre du bureau confédéral de la CGT et chargé des questions européennes et internationales depuis 2019.

 

Pourquoi choisir une date européenne pour la grève du 13 octobre, premier appel à la grève interprofessionnel depuis la rentrée ?

 

Cela faisait longtemps que ça ne s’était pas fait. La dernière euromanifestation remonte à avril 2019. C’était une manifestation contre l’austérité, c’est souvent le mot d’ordre qui rassemble à l’échelle européenne, notamment depuis la crise de 2008. La genèse de cette date remonte au dernier congrès de la CES, qui a eu lieu en avril 2023 à Berlin. À ce moment-là, la CES a adopté un programme d’action avec un agenda de mobilisation qui se veut détaché de celui de l’Union européenne. C’est quelque chose qui est évoqué depuis longtemps, notamment par la CGT. On pense que c’est le rôle du syndicalisme d’avoir son propre agenda pour porter ses propres sujets sans être forcément conditionné par ce qui se passe au parlement européen ou à la commission.

Le dernier congrès de la CES a aussi évoqué la nécessité de soutenir les initiatives syndicales nationales en organisant des euromanifestations. On s’est mis d’accord sur un agenda allant de juin jusqu’à cet automne. Pendant cette période, il y a plusieurs mobilisations en Europe, comme celles prévues en Finlande, les problèmes sur les salaires se retrouvent partout.

 

Organiser une date européenne est-il aussi un moyen de maintenir l’intersyndicale en France ?

L’intersyndicale aurait tenu même sans date européenne, car elle a été cimentée par la bataille contre la réforme des retraites, mais ça y participe. Le fait que l’intersyndicale appelle à une date commune sur les salaires ne s’était pas vu depuis 2009, ça aussi, c’est un bon signe. Un appel unitaire était nécessaire.

 

Quelles suites pourrait avoir ce mouvement européen ?

 

Bien sûr, ça dépendra de la réussite de la grève du 13 octobre. La dimension européenne de la manifestation du 13 va nous permettre d’emmener au moins 1000 syndicalistes européens à Paris : des Belges, des Turcs, des Italiens, des Suisses, des Luxembourgeois, des Portugais. On a déjà 200 lieux de manifestation prévus, c’est pas mal. Ce mouvement peut avoir des suites à l’échelle européenne. La commission exécutive de la CES a confirmé en septembre qu’il y aurait une autre date de mobilisation à Bruxelles le 13 décembre. Entre les deux, à nous de faire en sorte que la sauce prenne en France, que les salariés commencent à causer salaire en prévision des négociations qui arrivent. On sait que c’est là que ça va se jouer.

 

La CGT porte une voix singulière au sein de la CES, où le syndicalisme de transformation sociale n’est pas majoritaire. Cette position a-t-elle changé ?

 

La CGT siège à la CES pour faire en sorte qu’elle se rapproche de notre matrice idéologique. Depuis le dernier congrès, je considère que la CES est en train de bouger dans sa matrice idéologique, plutôt dans notre direction. Il y a une vraie volonté d’organiser des mobilisations à l’échelle européenne et de les faire converger, c’est un déplacement intéressant. Esther Lynch, la nouvelle secrétaire générale, semble avoir envie d’imprimer un rythme plus soutenu.

 

La CES peut-elle être un moyen de faire avancer les sujets portées par la CGT, bien que des pratiques syndicales très différentes coexistent en son sein ?

 

Les pratiques nationales de chaque confédération prédominent au sein de la CES et sont toujours respectées. Mais certaines discussions m’ont conforté dans l’idée que les choses pouvaient aller dans notre sens. Par exemple : la CES a adopté une position très claire sur le salaire minimum européen. Ce n’était pas simple car des syndicats, notamment nordiques, n’en voulaient pas. Les négociations collectives fonctionnaient très bien dans leurs pays, selon eux, et ils voyaient cette idée comme une ingérence de la CES dans leur syndicalisme. Après des discussions longues et complexes, d’autres syndicats, dont la CGT, ont souligné à quel point les écarts entre les différents SMIC européens favorisent le dumping social. Finalement, une position exprimée en pourcentage du salaire médian a été trouvée et sera défendue auprès du parlement européen.