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Grève Jeux Olympiques : « l’occasion de négocier »


 

Du 26 juillet au 11 août, les Jeux Olympiques se tiendront à Paris. L’organisation colossale que nécessite ces jeux fait la lumière sur le rôle capital des travailleurs et permet d’instaurer un rapport de force par la grève. L’occasion de négocier des primes mais aussi des conquis de plus long terme.

 

« Nous qui subissons des dénis démocratiques depuis des années, en particulier l’année dernière avec le 49-3 sur les retraites : c’est normal que lors de ce moment où l’on nous demande de travailler d’arrache-pied, on demande à être écoutés », résume Adèle Tellez, responsable de la question des Jeux Olympiques pour l’Union départementale CGT 75.

Du 26 juillet au 11 août, les Jeux Olympiques se tiendront à Paris. Des centaines de milliers de salariés, qu’ils travaillent directement ou non pour mener à bien ces festivités, seront impactés dans leur travail quotidien. Et dans différents secteurs, la colère gronde et les premières journées de grève à l’approche des Jeux Olympiques se mettent en place.

Le 13 et 14 mai, la CGT FTDNEAA, qui syndique notamment les éboueurs et égoutiers parisiens, a mené deux jours de grève. Après négociation avec la direction des ressources humaines de la mairie de Paris, ils ont obtenu : « une revalorisation du régime indemnitaire a été entérinée : 50 euros bruts par mois à compter de juillet 2024 puis 30 euros bruts par mois à compter de janvier 2025 », assure la mairie socialiste, ajoutant qu’un « cycle de discussion sur des sujets plus spécifiques » a par ailleurs été acté.

La CGT FTDNEAA, qui se félicite d’avoir atteint 30 % de grévistes dans le secteur des égoutiers, éboueurs et conducteurs sur ces deux jours, a prévenu que « si les négociations étaient rompues », un nouveau préavis de grève serait déposé.

 

Grève des cheminots pour les Jeux Olympiques

 

Côté cheminots aussi, on fait monter la pression. Leur activité sera centrale cet été puisque la SNCF gère tous les trains de banlieue, et plusieurs lignes de RER. « Sur l’Île-de-France on sera à 1000 trains en plus sur la ligne D, par exemple. Il va y avoir une augmentation de la charge de travail avec un aspect sécuritaire renforcé », rappelle Julien Troccaz, secrétaire fédéral Sud-Rail.

Ainsi, la plupart des sections locales de SUD-Rail et de la CGT-Cheminots appellent à la grève le 21 mai pour peser sur les négociations autour des primes des cheminots pendant les Jeux olympiques, ont annoncé les syndicats.

« Ce sont des mobilisations construites localement, donc il n’y a pas toujours d’unité syndicale. Mais les revendication ce sont : des renforts dans les gares, aucun refus de congés, favoriser le télétravail, aucune modification des horaires de travail sans accord des agents, prime de 100 euros net par jour, et surtout, 400 euros net d’augmentation des salaires pour l’ensemble des cheminots », continue le syndicaliste. À l’heure actuelle, la SNCF propose une indemnité de 50 euros brut par jour de présence cet été.

 

Une grève des Jeux Olympique qui ne naît pas en mai

 

La mobilisation sociale liée aux JO n’est pas née au mois de mai. Depuis plusieurs mois, certains secteurs se mobilisent.

« Bien sûr on regarde ce qui se passe ailleurs. Il faut quand même voir qu’il y a eu un certain nombre d’endroits où il y a déjà eu des victoires : l’accord récemment obtenu sur les fins de carrière à la SNCF, je ne peux pas croire qu’il n’ait aucun rapport avec l’arrivée des JO ; ou encore à la RATP. On regarde aussi ce qui se fait à Marseille », assure Adèle Tellez.

Dans la 2e ville de France, à l’appel de la CGT (4e syndicat de la ville), les éboueurs se sont mobilisés par une grève reconductible quelques jours avant le passage de la flamme, sans que le conflit ne débouche sur une victoire pour l’heure.

De son côté, la CGT-RATP avait déposé un préavis de grève allant de février à septembre, pour peser sur ses négociations salariales. Les négociations, menées métier par métier, se sont conclues le 15 mai. Pour six métiers, des accords ont été signés avec les syndicats. Les conducteurs du métro et du RER ont, par exemple, obtenu une prime allant de 1600 à 2500 euros pour tous ceux qui travailleront entre le 22 juillet et le 8 septembre, en fonction du nombre de jours en service effectif pendant les épreuves.

 

 

De son côté, la CGT services publics a déposé un préavis de grève du 1er au 31 mai pour un établir un rapport de force dans un contexte plus large : celui du nouveau projet de loi « pour l’efficacité de la Fonction publique », qui prévoit une réduction des droits des fonctionnaires et l’introduction d’une rémunération « au mérite ». Elle demande l’abrogation de ce projet de loi, ainsi que l’augmentation immédiate de 10 % du point d’indice.

 

Avancer sur des problématiques anciennes

 

Au-delà des primes, l’important est de faire entendre des revendications plus anciennes. Les grèves à l’approche des JO s’inscrivent donc dans une stratégie revendicative de long terme. Plus que jamais ils font la lumière sur le rôle capital des travailleurs et permettent d’instaurer un rapport de force.

« Les JO vont pouvoir avoir lieu parce qu’il y a des gens qui travaillent pour, mais ces gens là ne sont pas reconnus et leurs revendications ne sont pas entendues de longue date. Nous qui subissons des déni démocratiques depuis des années, en particulier l’année dernière avec le 49-3 sur les retraites : c’est normal que ce moment où l’on nous demande de travailler d’arrache-pied, et bien nous, on demande à être écoutés », résume Adèle Tellez de l’UD CGT 75.

« On nous explique que les JO, c’est l’événement planétaire, qu’il faut une trêve. Mais pour avoir une trêve, il faut apaiser cette colère. Quand on voit qu’on liquide le FRET SNCF à la fin de l’année, quand on a fait du bashing cheminots, sur l’accord fin de carrière, en nous faisant passer pour les supra privilégiés, alors qu’en même temps on a la privatisation du TER et des centaines de cheminots qui vont basculer dans le privé et être confrontés au dumping social… On ne va pas s’excuser de défendre les intérêts des travailleurs ! », complète Julien Troccaz de Sud-Rail.

 

De nouvelles professions pourraient se mobiliser

 

Dans ce contexte, d’autres profession pourraient entrer en lutte dans les semaines à venir, notamment dans l’hôtellerie, secteur particulièrement mobilisé pendant les JO.

« Il y a aussi des hôtels qui, vu l’afflux de visiteurs, n’autorisent pas les congés payés pendant cette période. C’est inadmissible : on a des salariées monoparentales, des divorcées ou séparées qui ont des gardes alternées, comment s’occuper des enfants ? », souligne Didier Del Rey, responsable de la branche hôtels-cafés-restaurants à l’union syndicale CGT du commerce et des services de Paris.

Aussi, un mouvement de grève pourrait avoir lieu, notamment dans les palaces. « La profession est sinistrée ; les employeurs ont besoin de garder les salariés et en même temps ils savent que les JO vont faire monter leur chiffre d’affaires. Donc c’est une bonne occasion pour revendiquer », continue le syndicaliste.

 

Étudiants précaires expulsés pour les JO : le CROUS au tribunal

 

Bien sûr, les JO ne seront pas qu’une « bonne occasion ». Outre le poids de l’organisation que cet événement sportif a fait peser sur les habitants de Paris et sa banlieue, les syndicalistes craignent que le JO ne soient également un prétexte pour réduire les libertés publiques. « Si des salariés veulent manifester sur un sujet pendant les JO, on craint d’avoir des interdictions en prétextant un manque de forces de l’ordre pour sécuriser. Pour nous c’est hors de question. Donc on a une grosse vigilance là-dessus », conclut Adèle Tellez. La CGT réfléchit également à mettre en place des permanences physiques pour les salariés, pour éviter que le droit du travail ne soit mis de côté dans la période.

 

Guillaume Bernard et Maïa Courtois