Le gouvernement avait fait adopter au forceps une réforme de l’assurance chômage rejetée par l’ensemble des syndicats de salariés en 2019. En préalable en ouvrant une négociation avec une lettre de cadrage, intenable pour les partenaires sociaux, qui réclamait 4 milliards d’économies, essentiellement sur le dos des chômeurs. Puis par une reprise en main par l’exécutif après l’échec des discussions pour imposer une régression des droits des demandeurs d’emploi.
C’est un coup de tonnerre. La réforme de l’assurance chômage, défendue contre vents et marrées par le gouvernement comme étant « une bonne réforme », ne verra pas le jour. En tout cas, pas dans son second volet. Et pas sous la forme adoptée en 2019 et dont les décrets d’application avaient été signés au mois de juin. Une décision du Conseil d’État vient de rendre illégaux plusieurs des articles de la loi, notamment sa disposition centrale, selon la CGT qui s’est rapidement fendue d’un communiqué de presse. Et ce, avant même la publication publique de la décision sur le site du Conseil d’État.
Au cœur de la réforme : un nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR) qui devait entrer en vigueur le 1er avril 2020. Et qui n’a eu de cesse d’être repoussé, de trois mois en trois mois, par le gouvernement à cause de la crise économique liée à l’épidémie de Covid-19. Ce nouveau mode prévoyait de calculer le montant des allocations sur le total des salaires divisés, non plus par le nombre de jours travaillés, mais par le nombre de jours de l’ensemble de la période couverte par les contrats de travail ouvrant les droits à allocation. Avec pour conséquence une baisse importante de celles-ci pour de nombreux chômeurs. Particulièrement celles et ceux alternant périodes de chômage et périodes travaillées.
Une nouvelle bataille commence
C’est cette inégalité entre deux chômeurs qui a motivé la décision du Conseil d’État, considérant qu’il y avait une rupture d’égalité, explique la CGT. Le syndicat avait saisi le Conseil d’État avec Solidaires, FO et la CFE-CGC. Plusieurs branches professionnelles patronales avaient fait de même sur des articles les concernant. L’audience a eu lieu le 4 novembre et laissait déjà entrevoir l’issue d’aujourd’hui selon nos sources. La décision rendue aujourd’hui par la haute juridiction suivant les arguments alors énnoncés par le rapporteur public.
Aux dernières nouvelles, le second volet de la réforme, celui qui est cassé aujourd’hui par le Conseil d’État, devait entrer en vigueur le 1er avril 2021. Ce ne sera pas le cas. Déjà, l’ancienne ministre du Travail Muriel Pénicaud avait expliqué que des aménagements rapides pourraient intervenir. C’était au mois de mai. Puis rien. Il a fallu attendre l’arrivée de sa remplaçante Elisabeth Borne au ministère pour que des négociations s’ouvrent enfin avec les syndicats de salariés et le patronat. Des discussions sans réelles avancées depuis de nombreuses semaines, alors que l’exécutif comme les syndicats étaient suspendus à la possibilité que le second étage de la réforme tombe.
« Il faut que cela ait un effet domino sur la réforme : il reste les cadres et surtout une réforme antijeunes avec le durcissement du seuil », avance Denis Gravouil, le négociateur de la CGT lors des réunions sur l’assurance chômage. Si le Conseil d’État a rendu illégales plusieurs dispositions de la réforme, celle-ci, notamment son premier volet en vigueur depuis le 1er novembre 2019, fait déjà des dégâts. Les syndicats doivent de nouveau être reçus début décembre au ministère du Travail pour poursuivre les négociations sur l’assurance chômage. Une réunion prévue avant la décision du Conseil d’État sans qu’une date précise ne soit encore fixée. Mais avec un rapport de force qui risque de changer de camp.
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