La Poste a touché 69 millions d’euros de l’état pour acheminer, jusque dans les boîtes aux lettres, les professions de foi des candidats à l’élection présidentielle 2017. Une somme qu’elle n’entend pas redistribuer aux agents chargés de la distribution.
Une bonne affaire ! La Poste a reçu 69 millions d’euros pour acheminer les professions de foi des onze candidats à l’élection présidentielle. Les facteurs qui auront 45,6 millions de plis à distribuer, en plus du courrier quotidien, n’en récupéreront que des miettes. Un travail supplémentaire à réaliser quatre fois. Deux fois lors des deux tours de la présidentielle, puis deux autres au moment des législatives. Gratuitement, ou presque.
« Depuis trois ans, La Poste rogne sur la compensation des postiers pour les élections, en changeant le mode de rémunération », explique Pascal Panozzo, secrétaire fédéral du syndicat Sud-ptt. Initialement payée au forfait, la distribution des promesses électorales glisse vers une rétribution en heures supplémentaires. Fini la prise en compte de la pénibilité spécifique de cette distribution, dont au moins un quart des adresses n’est pas à jour. Une aubaine boostant les bénéfices de l’entreprise. En tout cas, du beurre dans les épinards qui disparaît pour des facteurs dont le salaire ne dépasse guère les 1300 euros par mois.
« Avant 2014, chaque agent recevait une prime correspondant au nombre et au poids des plis ». Variable d’un bureau à l’autre, au gré des rapports de force entre directions et facteurs, la prime pouvait correspondre à une heure payée pour 150 enveloppes, représentant une moyenne de trois à quatre heures payées par tour. Pour les présidentielles de 2002, la compensation était même montée à une heure pour 80 plis dans de nombreux bureaux. Cette année-là, il y avait seize candidats et un poids par enveloppe nettement plus important.
Aujourd’hui, au premier tour de la présidentielle 2017, chaque enveloppe pèse 110g. Le poids de la sacoche s’alourdit d ‘environ 60 kg par facteur. Pas de prime ce coup-ci pour prendre en considération la surcharge d’activité. « C’est intégré dans la tournée du facteur qui est rémunéré comme habituellement » explique la direction du groupe La Poste. « Nous avons choisi d’étaler la distribution sur plusieurs jours. Si jamais cela dépasse sur certaines tournées, nous payons des heures supplémentaires. »
La direction de la Poste justifie ce choix par la baisse de volume du courrier. « Il y a quelques années, cela représentait quasiment une deuxième tournée l’après-midi, ce n’est plus le cas aujourd’hui » argumente la communication du groupe. Une baisse de trafic déjà utilisée pour justifier des suppressions de tournées, des réorganisations incessantes et l’intégration de nouvelles activités de service dans la charge de travail. Une triple peine pour des factrices et des facteurs devant sans cesse en faire plus.
Comme une lettre à La Poste
A défaut de convaincre, les arguments de la direction ne suscitent pas une levée de bouclier des facteurs. La distribution des professions de foi a lieu, même sans rémunération. Enfin, pas dans tous les bureaux. En Haute-Garonne, à la suite d’un conflit, La Poste a concédé le paiement d’un forfait de cinq heures payées. D’autres conflits sont en cours. Quelques dizaines de bureaux sont concernés par des préavis de grève : à Marseille, dans l’Isère, les Yvelines ou la région nantaise. Mais assez peu. Seulement quelques dizaines de bureaux sur les 2600 existants.
Un manque de mobilisation dû en partie de la présence massive d’agents en CDD n’ayant jamais connu le paiement au forfait, selon Patrice Rouger, syndicaliste CGT dans l’Hérault. En dépit de l’annonce de sa direction d’étaler la distribution des plis électoraux sur une semaine et de ne rien payer aux titulaires, la colère n’est pas au rendez-vous. Une résignation qu’il explique aussi par une lutte perdue en 2014, dans son bureau, précisément sur cette question.
En plus des 69 millions d’euros déjà encaissés, La Poste touchera de nouveau une somme rondelette de plusieurs dizaines de milliers d’euros pour les législatives du mois de juin. La direction de La Poste n’a pas souhaité répondre sur le montant des bénéfices réalisés avec cette opération.
Photo : Commons Wikimedia et Flickr
Faisons face ensemble !
Si les 5000 personnes qui nous lisent chaque semaine (400 000/an) faisaient un don ne serait-ce que de 1€, 2€ ou 3€/mois (0,34€, 0,68€ ou 1,02€ après déduction d’impôts), la rédaction de Rapports de force pourrait compter 4 journalistes à temps complets (au lieu de trois à tiers temps) pour fabriquer le journal. Et ainsi faire beaucoup plus et bien mieux.