Saint-Denis

Mairie de Saint-Denis : le bras de fer des agents municipaux pour leurs conditions de travail


 

Dans un département où le service public est déjà mis à mal, les agents territoriaux de la ville de Saint-Denis luttent depuis le 2 octobre pour préserver leurs conditions de travail et leur rémunération.

 

Elles sont animatrices, auxiliaires de crèche ou encore agents d’office, et en colère contre le maire de Saint-Denis, Mathieu Hanotin (PS). En grève depuis le 2 octobre, elles protestent contre sa décision de revenir sur les acquis sociaux des agents municipaux, dont 70 % sont des femmes. La mairie s’attaque à une partie de leurs congés payés ainsi qu’à leur prime annuelle, au motif de faire correspondre leur temps de travail avec la loi de transformation du service public. Depuis presque deux mois, les débrayages, les blocages et les rassemblements s’enchaînent sans réaction de la part de la mairie, alors que le contexte sanitaire démontre que le travail des agents est essentiel au service public. « Certaines personnes ont fait grève en continu depuis octobre, mais la plupart d’entre nous font comme ils peuvent, avec des débrayages ou des demi-journées de grève pour limiter l’impact sur nos salaires », raconte Nadia, Atsem dans une école de Saint-Denis.

Votée en août 2019, la loi de transformation du service public prévoit la suspension de régime dérogatoire aux 35 heures dont bénéficiaient jusqu’alors les agents de certaines collectivités territoriales. Dans la pratique, les agents municipaux de Saint-Denis travaillent déjà plus de 35 heures par semaine, mais les trois jours de congés dont ils bénéficieraient « en trop » font redescendre le compte à environ 32 heures par semaine. « Selon Hanotin, les agents ne travaillent pas assez, c’est-à-dire neuf heures et demie de moins par an que ce que prévoit la loi. Neuf heures et demie, c’est  seulement quatre minutes par jour », s’insurge Samira, parmi les grévistes réunis le jeudi 12 novembre devant l’hôtel de ville de Saint-Denis avant le départ d’une marche autour du bâtiment.  « Les agents travaillent déjà plus que 1607 h par an. Il faut au contraire partager le temps de travail pour que ceux qui travaillent déjà ne crèvent pas au boulot et que ceux qui sont au chômage puissent travailler », suggère Théo, un représentant de la CGT Plaine commune en soutien aux agents Dyonisiens.

 

Une prime annuelle au mérite

 

Nadia est Atsem dans une école de la ville. « Toute la semaine, je suis auprès des enfants de 7 h 30 à 18 h . Je ne vois pas mes enfants autant que je vois ceux des autres. J’estime que je travaille déjà assez », détaille-t-elle. Encore plus que la suppression de trois jours de congés par an, ce qui inquiète particulièrement Nadia, c’est la mise en place du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel dans la fonction publique territoriale (Rifseep).

En appliquant ce décret daté du mois de février, le maire prévoit de conditionner une partie de la prime annuelle des agents à leur engagement professionnel, notamment au présentéisme. « Au pire, qu’il nous enlève des congés, mais qu’il nous laisse la prime de fin d’année qui sert à payer la taxe d’habitation. Là, c’est une prime au mérite qu’il veut mettre en place », dénonce Nadia. « C’est d’autant plus violent que le maire n’est pas contraint par la loi d’appliquer ce décret de cette manière. Il dispose par exemple d’une marge de manœuvre sur les plafonds applicables aux parts fixes et variables de la prime annuelle », précise Eliott, gardien d’école à Saint-Denis.

Pour des employés dont certains sont déjà précaires, l’application du Rifseep telle que le maire la prévoit représente une perte de pouvoir d’achat considérable. À Saint-Denis, 60 % des agents municipaux sont des fonctionnaires de catégorie C, soit les moins bien payés de la fonction publique.  « Pour nous, ça peut représenter jusqu’à 700 euros en moins par an, sur la base du présentéisme. Si nous ou nos enfants sont malades, notre prime sera réduite. C’est une somme qui impacte les courses alimentaires, ou encore les sorties culturelles des enfants. Il prend sur nos petits salaires, alors qu’il a augmenté son propre salaire de plus de 1300 euros par mois », s’inquiètent Slam et Dan, animatrices en centre de loisirs. En tête du cortège du 12 novembre, elles clament « Hanotin, si t’es un homme, descend nous affronter ».

 

Solidarité intercommunale

 

Le maire continue pourtant de faire la sourde oreille et refuse de recevoir l’intersyndicale (CGT, FSU, Unsa, Solidaires/Sud CT), malgré les grèves qui paralysent les cantines scolaires, les manifestations, les réunions tous les jeudis devant l’hôtel de ville et l’envahissement du conseil municipal le 8 octobre. « Il ne discute qu’avec Force Ouvrière, qui n’est pas le syndicat majoritaire chez les agents, mais qui va dans son sens en approuvant les nouvelles mesures », détaille Nadia. L’intersyndicale a de son côté refusé de participer au Comité technique qui s’est déroulé en visioconférence ce lundi. « Proposer une visioconférence, c’était une manière supplémentaire de refuser le dialogue. Officiellement, c’est pour des raisons sanitaires, mais le conseil municipal de ce jeudi se déroulera bien en présentiel, alors qu’ils seront plus nombreux », regrette Amel, du syndicat Sud CT.

Au-delà de Saint-Denis, ce sont aussi les agents des huit autres villes de Plaine Commune (Aubervilliers, La Courneuve, Épinay-sur-Seine, L’Ile Saint-Denis, Saint-Ouen, Stains et Villetaneuse) qui risquent de voir les mêmes menaces planer sur leurs conditions de travail, Mathieu Hanotin étant également président de cette structure intercommunale. « On essaye d’organiser des actions communes avec les agents de Plaine commune, comme le blocage du Centre technique municipal » raconte Eliott. Les agents de Saint-Denis soutiennent aussi ceux de Paris, qui se sont mis en grève le mardi 17 novembre. « On n’a pas le même employeur, mais c’est la même loi qui s’abat sur nous, il faut être solidaires », espère Amel, venu soutenir le rassemblement parisien. Si la suppression des congés payés et la mise en place du Rifceep ont de grandes chances d’être votés au Conseil municipal de Saint-Denis ce jeudi, les grévistes ne désespèrent pas et organisent un rassemblement devant la mairie à 19 h.