À un mois des longues vacances d’été, le nombre de manifestants ce 6 juin contre la réforme des retraites est en recul par rapport au 1er mai. Une décrue qui pourrait marquer la fin du cycle retraite tel que nous l’avons connu depuis cinq mois. Reste que les 250 manifestations du jour traduisent une colère persistante, qui pourrait rebondir plus tard, ou vers d’autres combats sociaux.
La mobilisation est en baisse, il ne sert à rien de le nier. Sans connaître encore les chiffres définitifs des syndicats ou du ministère de l’Intérieur à l’heure où nous écrivons, cette journée sera l’une des plus petites des 14 journées de mobilisation depuis le 19 janvier. Sans être négligeable pour autant, surtout en considérant que la loi a été promulguée il y a déjà 53 jours, le 14 avril. Le découragement d’une partie des opposants à la réforme aurait pu intervenir plus tôt : à aucun moment le pouvoir n’a laissé apparaître le signe qu’il comptait reculer, même au plus fort de la tempête sociale.
Ce mardi, le nombre de manifestants est en recul par rapport au 1er mai historique connu un mois plus tôt. De deux à quatre fois moins, selon les villes. De source syndicale, 20 000 personnes ont défilé dans les rues de Nantes, contre 80 000 annoncées le 1er mai. 27 000 à Lyon (8000 selon la préfecture), au lieu de 45 000 le 1er mai. Ou encore 50 000 à Toulouse (8000 selon la police) contre 100 000 annoncé par la CGT la fois précédente.
À Grenoble, les syndicats dénombrent 10 000 au lieu de 38 000 il y a plus d’un mois ; 5 000 contre 20 000 à Orléans. De même à Saint-Nazaire, la presse a compté 4 000 manifestants ce 6 juin, quand elle en avait vu 12 000 le 1er mai. Et ainsi de suite : à Montpellier, 2500 manifestants contre 8 000 (selon la police), 6 500 à Caen au lieu de 16 300, ou encore 5 550 à Rennes contre 7850 pour la journée de lutte des travailleurs.
Enfin, à Paris, la CGT annonce 300 000 manifestants ce mardi. Elle en avait annoncé 550 000 le 1er mai.
Taux de grève bas, sauf dans l’aérien
Les quelques chiffres de grève connus sont également d’un bas niveau. À l’exception de l’aérien : un tiers des vols ont été annulés à Orly, et un vol sur cinq dans les aéroports de Lyon, Marseille, Nice, Toulouse, Bordeaux et Nantes. À la SNCF, le trafic est « très légèrement perturbé » selon la direction qui dénombre 9 trains sur 10 en circulation en moyenne sur l’ensemble du territoire.
Dans l’Éducation nationale, le ministère annonce 5,67 % d’enseignants en grève, même si ce chiffre est toujours minoré. Les actions à côté des défilés, qui s’étaient multipliées au mois de mars et début avril, sont peu nombreuses ce mardi. À noter tout de même : le blocage d’un dépôt de bus à Rennes, et du site de transport le plus important du Nord, à Lille-Lesquin. Mais aussi les blocages de plusieurs lycées à Rennes, Marseille ou Brest. Enfin, des électriciens ont placé en « sobriété » le siège de nombreuses grandes entreprises à Issy-les-Moulineaux.
Quelles suites à la mobilisation contre la réforme des retraites ?
Avec une mobilisation en réel recul, mais encore relativement fournie, l’intersyndicale prendra-t-elle le risque d’une nouvelle date avant ou pendant l’été ? Tentera-t-elle au contraire d’enjamber cette période, pour rebondir à l’automne ? À écouter Laurent Berger ou Sophie Binet avant la manifestation parisienne, la seconde option semble tenir la corde. « C’est la dernière manifestation contre la réforme des retraites sur ce format-là, on ne va pas raconter d’histoire », a expliqué le leader de la CFDT. Tout en précisant ; « il y a toujours une colère et un ressentiment. Il va falloir qu’on cultive cette mobilisation pour continuer à travailler sur les salaires, le pouvoir d’achat, les conditions du travail et du dialogue social. »
« Nous voulons de vraies négociations » a déclaré pour sa part Sophie Binet, évoquant les salaires, l’égalité femmes-hommes ou les ordonnances Macron sur le code du travail, reprenant ainsi le contenu du dernier communiqué de presse de l’intersyndicale qui élargit les thèmes abordés. Tout en assurant que « les retraites resteront toujours un combat » et qu’il est « probable qu’il y ait d’autres manifestations au vu de la colère dans le pays ».
En effet, si la mobilisation est en baisse, l’opposition à la réforme est toujours largement majoritaire, selon le dernier sondage Harris Interactive. De même que le soutien au mouvement (66 %), et le souhait qu’il se poursuive (55 %). Par contre, 82 % des Français et 76 % des opposants à la réforme considèrent qu’elle entrera en vigueur. Dans ces circonstances, le risque est grand qu’une nouvelle journée de mobilisation dans quelques semaines, à l’approche des grandes vacances, soit trop faible et n’enterre définitivement le mouvement sans lui laisser de possibilité de rebond.
L’article 40 dégainé pour limiter le pouvoir parlementaire
En tout cas, l’intersyndicale se réunira en début de semaine prochaine, a déclaré Benoît Teste, le secrétaire général de la FSU, pour définir les suites qu’elle entend donner au mouvement. À la suite, donc, de la séance parlementaire du 8 juin, lors de laquelle sera examinée la proposition de loi transpartisane d’abrogation de l’allongement de l’âge légal de départ à la retraite. L’intersyndicale avait misé sur cette échéance pour un « débarquement » de la réforme : la date du 6 juin avait été choisie pour peser.
Mais cette stratégie devrait s’avérer infructueuse, puisque le gouvernement a décidé de l’écraser, encore une fois, en utilisant tous les outils disponibles dans la Constitution. Cette fois-ci, l’article 40. Celui-ci permet de limiter le pouvoir parlementaire en censurant le vote d’une proposition de loi au motif de son « irrecevabilité financière ».
Photo : Ricardo Parreira (retraites)
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