AESH grève 13 juin 2023

« Se loger, se nourrir, se chauffer, ça devient de plus en plus compliqué pour les AESH »

Malgré des primes et indemnités obtenues suite à une série de mobilisations et de négociations avec le ministère, les accompagnantes des élèves en situation de handicap (AESH) alertent toujours sur l’immense précarité de leur métier en cette rentrée 2023. Une nouvelle journée de grève nationale a été déclarée pour ce mardi 3 octobre.

 

Les AESH seront de nouveau en grève nationale ce mardi 3 octobre. Et pour cause : la rentrée 2023 est à nouveau placée sous le signe de la précarité du métier, exercé à temps partiel en grande majorité, avec un saupoudrage des heures d’accompagnement de plus en plus préoccupant.

Le 20 septembre s’est tenu le 8e Comité interministériel du handicap, visant à concrétiser les engagements pris lors de la Conférence nationale du handicap en avril. La Première ministre Élisabeth Borne, qui l’a présidé, a réitéré l’objectif d’une « école pour tous » et s’est félicitée d’une rentrée 2023 avec 460 000 élèves en situation de handicap scolarisés.

Mais dans quelles conditions pour celles qui les accompagnent ? Grâce à leurs mobilisations récentes, les AESH ont obtenu une série de mesures depuis un an, parmi lesquelles une nouvelle grille indiciaire, l’accès à une indemnité de fonction, à la prime inflation et à une prime REP. Ou encore, la possibilité d’accéder à un CDI au bout de trois ans d’ancienneté. Pourtant, un grand nombre d’entre elles – la profession étant très majoritairement exercée par des femmes – sont encore maintenues sous le seuil de pauvreté.

 

Des mesures salariales pour les AESH en-deçà de l’inflation

 

Comment l’expliquer ? Regardons dans le détail les mesures obtenues. Depuis la rentrée 2023, les AESH ont droit à une indemnité de fonction, d’un montant de 1 529€ brut par an. D’abord, rappelons que cette somme est « inférieure au montant qui nous avait été d’abord proposé en avril 2022 : autour des 1800 brut », retrace Virginie Schmitt, de la CGT Educ’action.

De plus, cette indemnité est versée au prorata des horaires de travail. Ainsi, pour une AESH travaillant 24 heures par semaine – comme la majorité d’entre elles et eux -, cette indemnité revient à 63€ net par mois.

La revalorisation de la grille indiciaire est à nuancer également. « Alors que 88% des AESH se situent entre le premier et le troisième échelon, ce sont finalement ces échelons qui sont les moins bien revalorisés, et qui seront rapidement rattrapés en cas de de relèvement de l’indice minimum de traitement », relève la FSU dans un communiqué de septembre (voir le tableau récapitulatif ci-dessous).

grille indiciaire AESH
Revalorisation de la grille indiciaire pour les AESH. Crédits : FSU

 

Initialement, la promesse gouvernementale était une augmentation salariale de 10 % pour les AESH à la rentrée 2023. Le compte n’y est pas, pour les syndicats. D’abord, parce que certains échelons restent ainsi trop peu revalorisés. Mais surtout, parce que le principal levier utilisé a été celui des primes et des indemnités ; non pas celui d’une véritable revalorisation salariale.

« Tout ceci cumulé ne couvre pas l’inflation », commente Manuel Guyader, de Sud Education. « On est toujours dans le domaine des annonces qui ne nous satisfont pas du tout, qui sont très loin de ce que l’on revendique en termes de mesures salariales… Et même de ce que l’on pourrait juger acceptable », dénonce-t-il.

« Le gouvernement a fait énormément de communication alors que sur la fiche de paie, ce n’est pas ça », complète Virginie Schmitt. « Avec l’inflation galopante et le prix du gasoil, se loger, se nourrir, se chauffer ou se déplacer, ça devient de plus en plus compliqué pour les AESH ».

 

Des PIAL aux PAS : un même « outil de mutualisation des moyens »

 

Dès la rentrée 2026, les Pôles d’inclusion d’accompagnement localisés (PIAL) seront transformés en Pôles d’appui à la scolarité (PAS), prévoit le ministère. Des équipes mobiles médico-sociales pourront intervenir à la demande des PAS dans les établissements.

Les PIAL avaient été mis en place suite à la Conférence nationale du handicap en 2019, au prétexte de mettre en lien les différents acteurs de l’accompagnement scolaire. « Nous avions prévenu qu’en fait, cela allait être un outil de mutualisation des moyens. Nous avions raison », rappelle Manuel Guyader. Depuis en effet, plusieurs rapports, dont ceux du médiateur de l’Éducation nationale, d’une mission d’information parlementaire ou de la Défenseure des droits, ont pointé la dégradation des conditions de travail engendrés par les PIAL.

Aujourd’hui, pour la Conférence nationale du handicap 2023, l’argument pour la mise en place des PAS est le même : améliorer « la coordination des solutions : aide technique, aide humaine, accompagnement par des professionnels du médico-social », soutient le ministère. Le schéma de 2019 se répète : « c’est comme quand un magasin change de nom », souffle Manuel Guyader.

« Ce n’est pas parce qu’on change de nom que l’on change de principe », abonde Virginie Schmitt de la CGT Educ’action. Or, les remontées de terrain depuis la rentrée alertent sur le saupoudrage grandissant des heures de travail. « L’indicateur le plus flagrant qui nous remonte des collègues, c’est la sur-mutualisation », nous indique celle qui est également coordinatrice du collectif national AESH. « Une sur-mutualisation qui devient très pesante… ». Car une AESH accompagne déjà six élèves en moyenne ; « avec de plus en plus de profils ayant des besoins très particuliers et qui relèveraient d’établissements spécialisés ».

 

« Il manque du monde, et on fait du bricolage »

 

Le gouvernement maintient aussi sa volonté de créer un nouveau métier : celui d’ARE, pour assistant à la réussite éducative. L’idée est de créer un nouveau cadre permettant aux AESH comme aux AED de compléter leurs temps de travail par d’autres missions, afin d’aboutir à 35 heures hebdomadaires.

Une « entourloupe » pour contourner les problèmes de fond de la précarité du métier, selon Manuel Guyader. « ils refusent de revenir sur la question du temps de travail et d’accéder à nos revendications sur le fait que 24h d’accompagnement équivalent à un temps plein de travail », décrypte-t-il. « Donc ils disent « il faut permettre aux AESH d’augmenter leur temps de travail jusqu’à 35h, en le complétant avec des missions d’AED »».

Dans le premier degré, un grand nombre d’AESH couplent déjà leur temps d’accompagnement des élèves avec des missions sur des temps périscolaires auprès des collectivités. Dans le second degré, ce temps périscolaire n’existe pas. Il s’agirait donc, pour le gouvernement, de proposer d’autres missions relevant davantage du champ des AED.

Pour certains syndicats, la crainte est que ce nouveau fonctionnement prenne une véritable forme de « fusion » entre deux métiers. « Il faut être déconnecté du terrain pour penser qu’on peut fusionner ces deux fonctions qui sont complètement différentes. Quand on voit les difficultés actuelles des AESH, et le fait que les AED n’ont jamais reçu l’ombre d’une formation sur le sujet des élèves en situation de handicap… », soupire Virginie Schmitt de la CGT.

Missions complémentaires ou véritable fusion des statuts : les contours des changements à venir s’éclairciront peut-être bientôt, puisqu’un groupe de travail ministériel doit plancher à partir de la fin d’année sur le sujet. Dans tous les cas, les syndicats s’accordent à dire une chose : « il manque du monde, donc on fait du bricolage », résume Virginie Schmitt. « Ces annonces successives masquent le fait qu’aucun moyen supplémentaire n’est mis pour permette d’inclure tous les élèves dans l’école publique », tranche Manuel Guyader.