Ce 19 octobre, la grève nationale des AESH (Assistants d’Élèves en Situation de Handicap) marque le retour dans la rue des précaires de l’Éducation Nationale. Ces salariées (dans l’immense majorité des femmes) luttent contre la dégradation constante de leurs conditions de travail et pour l’obtention du statut de fonctionnaire.
Retour sur le terrain de la lutte pour les Assistants d’Élèves en Situation de Handicap (AESH). Ce mardi 19 octobre, jour de grève nationale appelée par une intersyndicale FSU, FO, CGT, SUD, Snalc et CNT, plus d’une centaine de rassemblements sont prévus partout en France. Dans certains départements, des bus permettront que les grévistes puissent se rendre à la manifestation parisienne qui partira à 13h de la place Edmond Rostand.
Après une année scolaire 2020-2021 marquée par la crise sanitaire et la dégradation des conditions de travail, ces salariées (en grande majorité des femmes) précaires de l’Éducation Nationale entendent bien arracher des avancées sociales conséquentes. En 2021, leurs syndicats ont déjà organisé trois journées de grève nationale. La dernière en date, le 3 juin, leur a permis de reprendre les négociations avec leur employeur, le ministère de l’Éducation Nationale, qui étaient alors au point mort depuis un an. « Nous avons obtenu une revalorisation salariale, mais ce sont vraiment des miettes. C’est pour ça qu’on repart dans la rue », estime Anne Falciola, AESH et représentante de la CGT Educ’action.
De fait, les dernières mesures prises par le gouvernement en faveur des AESH ne leur permettent même pas d’être payées au-dessus du SMIC : elles gagnent 1569 € brut (le SMIC se situe désormais à 1589 € brut) pendant les trois premières années de leur carrière. « Sans compter que les AESH qui travaillent à temps plein sont extrêmement rares », rappelle Anne Falciola.
Contre la mise en place des PIAL
Or les exigences des AESH vont bien au-delà de la question des salaires. Une de leurs revendications principales demeure l’accès au statut de la fonction publique. Elles souhaitent également obtenir une rémunération à 100% à partir de 24 heures d’accompagnement des élèves ainsi que l’accès à des primes auxquelles elles n’ont pour l’heure pas droit, comme la prime Rep+, allouée aux salariés qui travaillent dans des zones d’éducation prioritaires (notre article pour comprendre cette lutte).
De plus, les AESH s’opposent au nouveau système de management par les pôles inclusifs d’accompagnement localisé (PIAL), qui vient de leur être imposé. Mis en place sur tout le territoire depuis la rentrée 2021, il était déjà largement déployé en France depuis 2019. Avec les PIAL, les AESH ne sont plus affectées à l’accompagnement d’un ou plusieurs élèves en situation de handicap mais à une zone géographique. Résultat : le nombre de personnes dont elles doivent s’occuper a considérablement augmenté, au détriment de la qualité de leur travail. « J’accompagne désormais 9 élèves, alors qu’avant j’en avais maximum 4 », témoigne Anne Falciola.
Du fait de la mise en place de ce nouveau système, la rentrée 2021 est marquée du sceau de la désorganisation. Résultat : « De très nombreux élèves ont commencé leur rentrée avec des droits ouverts au titre du handicap mais sans affectation concrète de moyens », dénonce la CGT. « Au final, ceux qui en pâtissent le plus, ce sont les élèves en situation de handicap. Le gouvernement nous bassine avec l’école inclusive mais les moyens mis sur la table ne sont pas du tout à la hauteur. Tout ce qu’on nous demande c’est de faire montrer les chiffres comptabilisant les “élèves accompagnés”. C’est de l’apparat, de la communication, rien de plus », conclut Anne Falciola.
Grève AESH et AED : la jonction des précaires ?
Autre enjeu de la lutte des AESH : la jonction avec les AED (surveillants des collèges et lycées), également salariés précaires de l’Éducation Nationale. Celle-ci avait pu s’opérer en fin d’année 2020. « Le 27 novembre et le 1er décembre on a assisté à une convergence entre les AESH et les AED, notamment autour de la question du renouvellement des contrats. Un certain nombre d’AESH, qui n’avaient pas voulu signer l’avenant à leur contrat de travail les soumettant au système des PIAL et des AED qui avaient déjà exercé 5 ans (ndlr : limite du nombre de renouvellement des contrats d’AED), étaient menacés de perdre leur travail et se sont unis », raconte Camille de Chalendar, AESH mandatée SUD-Éducation dans le Rhône. Chez SUD-Éducation, une commission AED-AESH a d’ailleurs été créée pour favoriser ces rencontres et publie un podcast de réflexion sur leurs luttes.
Pour le 19 octobre, peu de chance qu’une telle jonction ait lieu. « Ça ne peut pas toujours se faire, mais ça ne veut pas dire que ça ne se fera pas à l’avenir », assure Anne Falciola de la CGT. Les AED n’étant pas toujours renouvelés d’une année sur l’autre (particulièrement lorsqu’ils sont identifiés comme grévistes) les équipes militantes doivent souvent se reconstruire à chaque rentrée.
En chiffres : AESH un métier féminin et précaire.
Selon les chiffres de la Direction Générale des Ressources Humaines de l’Éducation Nationale de 2020 : 93%, des AESH sont des femmes et seules 17% sont en CDI. Elles travaillent dans leur immense majorité à temps partiel, en moyenne 24 heures par semaine. Leurs CDD durent 3 ans, renouvelables une fois, avec possibilité d’accès à un CDI. Ce CDI est toutefois bien différent du statut de fonctionnaire, qui n’existe pas pour leur métier. Payées en dessous du SMIC en début de carrière, leur salaire moyen est de 760 € net par mois. Elles interviennent dans les classes auprès d’élèves en situation de handicap de la maternelle au BTS. En 2021, environ 110 000 personnes effectuent le travail d’AESH en France.
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