AESH grève 13 juin 2023

Vers la fusion des AESH et des AED : « une insulte aux enfants que l’on accompagne »


Les AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) étaient en grève ce mardi 13 juin. Après une série de mobilisations autour des salaires et de l’organisation de leur temps de travail, ces professionnelles voient aujourd’hui leur métier menacé de fusion avec les assistants d’éducation (AED). 

 

À deux pas du ministère de l’Éducation nationale, une centaine d’AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) se masse sur une petite place parisienne. Ce mardi 13 juin signe une nouvelle journée de grève de ces professionnelles – en grande majorité des femmes -, précaires et exerçant le plus souvent à temps partiel. Elle a été initiée par une intersyndicale FSU, FO, CGT, Sud, Snalc et SNCL.

Dans plusieurs villes de France, des rassemblements se sont tenus devant les DSDEN (Direction des services départementaux de l’Éducation nationale) et les rectorats. Au coeur de la colère : les dernières annonces gouvernementales, en clôture de la Conférence nationale du handicap – un grand rendez-vous, fin avril, néanmoins boycotté par plusieurs associations.

C’est Emmanuel Macron lui-même qui a mis le feu aux poudres. Dans son discours, celui-ci a annoncé la création d’un nouveau métier : celui d’« accompagnant à la réussite éducative ». Dans le dossier de presse, le gouvernement détaille : « les fonctions des AESH et des assistants d’éducation seront progressivement réformées et regroupées pour créer un métier d’accompagnant à la réussite éducative ». Et de louer cette fusion comme une solution au temps partiel imposé : « les AESH pourront accéder à un temps plein (…) ils pourront ainsi déployer des compétences nouvelles et assurer le suivi des enfants sur le temps scolaire et périscolaire ».

Depuis, les syndicats sont dans le flou quant aux contours de cette nouvelle fonction et aux missions qui lui seront attribuées. Un comité social d’administration s’est tenu ce mardi. « Le ministère a indiqué qu’ils allaient mandater la DGESCO [direction générale de l’enseignement scolaire, ndlr] pour travailler dessus. C’est donc un vrai chantier, avec un groupe de travail, qui commence », rapporte Manuel Guyader, AESH et membre de l’intersyndicale pour SUD Éducation.

 

« On fusionne les AESH et les AED, et on nous dit : tenez, vous les avez vos 35 heures ! »

 

Depuis des années, les AESH revendiquent un réel statut dans la fonction publique, et l’obtention d’un salaire basé sur un temps plein – et non sur 24 heures de temps partiel imposé, ce qui concerne la majorité des professionnelles. Aujourd’hui plus que jamais, « on revendique notre statut d’AESH ; et les AED, leur statut d’AED. Parce que ce sont deux métiers différents », s’indigne un membre du SNALC (Syndicat national des lycées et collèges) au micro devant la petite foule rassemblée.

« Pour accompagner un enfant en situation de handicap, c’est mille et une choses qu’il faut savoir. On n’accompagne pas pareil un enfant autiste, ou TDAH [trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, ndlr] », confie Marianne Petit, AESH avec 15 ans d’expérience derrière elle, qui parle de « mépris » pour son métier.

Cette professionnelle grimpe péniblement à 1200 euros, pour 24 heures de travail… « Alors que je fais de la préparation, je forme des coordonateurs, je fais beaucoup, beaucoup d’heures supplémentaires. » À ses côtés, Lénaïc, AESH depuis deux ans en lycée pro, gagne lui « 920 euros par mois » pour ces 24 heures.

« On fusionne les AESH et les AED, et on nous dit : tenez, vous les avez vos 35 heures ! Nous on ne veut pas ça ! », proteste une AESH syndiquée FO 93 au micro. « On veut être AESH. On a des diplômes. Ce n’est pas parce que l’on est AESH que l’on est rien… On a notre place dans les écoles. On fait notre travail, et on le fait très bien. Et ils ont besoin de nous ! »

 

« Une claque à la figure des AESH »

 

Près de 430 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés dans des établissements du milieu ordinaire pour cette année 2022-2023 – contre 320 000 en 2017. Les recrutements d’AESH ont suivi, avec une augmentation de 35% du nombre de professionnelles sur cinq ans. Si ces hausses sont à saluer, « ce bilan ne suffit toutefois pas à effacer les difficultés persistantes rencontrées encore par trop d’enfants en situation de handicap pour accéder à l’éducation, sans discrimination », rappelle un rapport de la Défenseure des droits paru en août 2022.

Pour 430 000 élèves, seules 132 000 AESH exercent aujourd’hui. Dont beaucoup à temps partiel comme Lénaïc et Marianne. « C’est très peu, c’est aberrant », commente une AESH syndiquée à la CGT éduc’action. « On se retrouve à faire du saupoudrage, de la présence très ponctuelle auprès d’élèves qui auraient droit à plus d’heures en théorie… Par exemple, des élèves qui ont droit à 24 heures mais que l’on accompagne que 3 heures par semaine, parce que l’on est pas assez nombreux », déplore Lénaïc.

 

Pour les AESH, « ce quinquennat n’a pas pris la question de l’inclusion au sérieux »

 

Un « saupoudrage » aggravé, selon les grévistes, par les PIAL (pôles inclusifs d’accompagnement localisés), un système de mutualisation objet de nombreuses mobilisations depuis son déploiement en 2021. Un rapport parlementaire a été présenté le 7 juin à l’Assemblée nationale, évaluant la loi Blanquer de 2019 qui a mis en oeuvre ces PIAL. La mission conclut à la dégradation des conditions de travail des AESH engendrée par ce système. « Au lieu d’écouter cela, le ministère nous sort la fusion des métiers d’AED et d’AESH », souffle Manuel Guyader de Sud Éducation.

« Ces annonces sont pour nous une claque à la figure des AESH », résume l’une d’elles, syndiquée FSU, sous les applaudissements de ses collègues. « Pour moi c’est une insulte que le gouvernement nous a fait. Une insulte aux enfants que l’on accompagne ».

 

Des avancées obtenues, mais insuffisantes

 

Les AESH syndiqués défilant au micro promettent de maintenir la pression ; et de poursuivre à la rentrée. Les quelques avancées récemment obtenues n’auront donc pas suffi à éteindre leur dynamique de mobilisation. Parmi ces mesures gagnées, fin 2022 : la CDIsation au bout de trois années de CDD.

Celle-ci devait être mise en oeuvre dès cette rentrée de septembre. Or, le décret d’application n’est toujours pas paru. « Les académies ont besoin d’avoir les infos maintenant », souligne Manuel Guyader. « La rentrée va donc être encore une fois une catastrophe ».

Surtout, cela ne règle pas la question de la précarité du métier. « Avoir un CDI avec 800 euros par mois… », soupire Marianne Petit. « Très peu de gens vont jusqu’à trois ans, c’est tellement mal payé », abonde Lénaïc.

Grève des AESH : « On est payées en dessous du SMIC, on repart dans la rue »

Pour répondre à cette précarité, et au vu du contexte inflationniste, 10 % d’augmentation salariale ont été maintes fois promis par le gouvernement aux AESH, pour la rentrée 2023. Sauf que depuis avril, le ministère commence à évoquer, à la place, une revalorisation indemnitaire. « Une indemnité ce n’est pas du salaire, on ne cotise pas », réagit Manuel Guyader.

Le ministère a également mis sur la table un scénario de relèvement de la grille indiciaire : mais celui-ci a tout de suite été rendu caduque par le relèvement du minimum de traitement dans la fonction publique en mai, expliquent les syndicats. « Une revalorisation qui ne passe que par de l’indemnitaire et par une grille à peine toilettée ne change en rien la précarité subie par les AESH », a réagi la FSU.

Depuis, pas de prochain rendez-vous prévu sur le sujet des salaires. Le ministère a indiqué lors du CSA de ce mardi que « tout était mis en suspens » pour le moment, relate Manuel Guyader – notamment du fait de la revalorisation du point d’indice pour les fonctionnaires annoncée hier.