Dans un contexte de fort mouvement social contre la réforme des retraites, une vingtaine d’étudiants et étudiantes de l’EHESS (école des hautes études en sciences sociales) ont été placés en garde à vue ce lundi 23 janvier en début de soirée. La réponse de l’administration du campus, aussi répressive que rapide, interroge.
Dans un contexte de fort mouvement social contre la réforme des retraites, une vingtaine d’étudiants et étudiantes de l’EHESS (école des hautes études en sciences sociales) ont été placés en garde à vue ce lundi 23 janvier en début de soirée. « Ils et elles venaient de décider l’occupation d’un des bâtiments du campus : l’espace associatif, également appelé “cabane en bois”. Tous et toutes ont été embarqués et dispersés dans des commissariats différents », raconte Léda, étudiante à l’EHESS et syndicaliste chez Solidaires étudiant·es.
Pauline*, étudiante sur le campus Condorcet, à Aubervilliers, a pu assister à l’intégralité de la scène, qui s’est déroulée hier soir, à Aubervilliers. « A 20h15 on a vu les flics entrer dans la cabane en bois, qui était occupée par une vingtaine de personnes. Il y avait beaucoup de SUV garés, 3 fourgons et entre 10 et 20 policiers à l’intérieur du bâtiment. Ils ont mis entre 1h30 et 2h à les interpeller. Vers 22h15, les occupants ont été sortis deux par deux et emmenés dans les fourgons. La police n’a pas voulu nous dire où ils allaient. »
Une répression hors norme
Tant d’étudiants en garde à vue après une heure d’occupation à peine… La réponse, aussi répressive que rapide, de l’administration du campus, seule habilitée à déclencher l’intervention des policiers, interroge. « La salle de l’espace associatif est administrée par la présidence du campus Condorcet, pas de l’EHESS. Or c’est un nouveau campus public-privé, ce n’est pas géré comme une université mais comme une entreprise », explique Léda.
Depuis ce mardi matin, la présence policière reste forte sur le campus. Un rassemblement en soutien aux interpellés a été organisé par Solidaires étudiant·es, ce mardi 24 janvier à 14h30. Plus d’une centaine de personnes ont répondu à l’appel. Mise au pied du mur, la présidence de l’EHESS, ainsi que celle du campus Condorcet, ont accepté de recevoir les étudiants – environ une centaine. « Une enseignante a demandé au président du campus de s’engager par écrit à ce que les occupants ne soient pas poursuivis. Il a accepté mais a refusé de faire pression pour que les étudiants soient libérés », explique Léda, présente à la réunion.
Au terme d’une assemblée générale tendue entre étudiants, professeurs et présidences de l’EHESS et du campus, la direction a indiqué avoir contacté la préfecture de police de Paris, via le ministère de l’Enseignement supérieur. Elle a ainsi demandé à ce que la situation des personnes interpellées soit examinée au plus vite, « en particulier celle des étudiants de l’EHESS et du campus ». La situation est désormais entre les mains de la procureure de Bobigny.
Contactée, la présidence de l’EHESS nous déclare ne pas vouloir donner d’informations pour l’instant. De son côté le service de communication du campus Condorcet n’a pas répondu à notre demande d’interview.
Des assemblées générales sous pression
Depuis le début du mois de janvier, des assemblées étudiantes (AG) se tiennent sur le campus Condorcet. Elles sont notamment organisées par les étudiants de l’EHESS. Ce lundi à 16h30, l’une d’entre elles réunissait 45 personnes, dans une atmosphère déjà hostile. « Nous faisons nos AG devant la salle, sans pouvoir y rentrer, car l’administration nous ferme la porte à clefs », précise Léda.
Ce climat général, hostile à toute mobilisation étudiante, est loin d’être propre au campus d’Aubervilliers. A l’université de Strasbourg, la semaine dernière, les étudiants ont été délogés de leur université par les CRS lors d’une AG. Celle-ci faisait suite à la journée de mobilisation massive contre la réforme des retraites. Avec une vingtaine d’étudiants interpellés, cette fois-ci, un cap vient d’être franchi dans la répression des mouvements étudiants.
MISE A JOUR : Les occupants, au nombre de 29, ont été remis en liberté mardi 24 janvier vers 19h. Selon le parquet de Bobigny, il ne s’agit pas d’étudiants mais « d’anarchistes » du collectif « défense collective Paris-Banlieue ». Ils ne sont pas poursuivis mais pourraient l’être « dans l’attente du chiffrage par l’université de son préjudice », a indiqué le parquet à France Info. Une version qui tranche fortement avec celle soutenue par les étudiants. De plus, rappelons que la présidence du campus s’est engagée devant les élèves à ne pas poursuivre les occupants.
Au lendemain de la libération des 29 personnes, Solidaires Etudiant·es EHESS a appelé à une assemblée générale contre la répression policière le jeudi 26 janvier à 14 h, à l’Espace associatif et culturel du campus Condorcet. « Cette garde à vue allait à l’encontre de notre volonté de nous organiser démocratiquement dans un mouvement social qui concerne le pays entier », dénonce le syndicat.
*Le prénom a été modifié à la demande de l’intéressée.
Victor Fernandez et Guillaume Bernard
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