agressions racistes Calais, 2 juillet 2024

« Pris en chasse par deux voitures » : déferlement d’agressions racistes depuis les élections


Mardi soir, un groupe d’exilés a été pris en chasse par deux véhicules dans le Nord. Dans l’Hérault, un jeune homme arabe a failli être noyé par quatre agresseurs. Depuis les résultats des européennes le 9 juin plaçant le Rassemblement national à un niveau jamais atteint, suivis de la dissolution ouvrant la possibilité d’un gouvernement d’extrême-droite, les agressions racistes se démultiplient.

 

Dans les boucles de discussion inter-associatives à Calais, une alerte tombe, ce mercredi 3 juillet. La veille, dans la soirée, « il y a eu une chasse à l’homme, avec deux voitures impliquées », écrit un militant. Les véhicules visaient des exilés Soudanais, qui marchaient en bord de route, et dont le campement informel se trouvait non loin de là.

« C’est arrivé entre 22h30 et 23h », nous précise Charlotte Kwantes, responsable de la communication d’Utopia56, dont les équipes sont arrivées sur place peu après. « Le groupe de personnes soudanaises témoigne avoir été pris en chasse par deux voitures. Les véhicules zigzaguaient et se sont même mis à rouler sur le trottoir où les personnes marchaient : les conducteurs avaient l’intention de les poursuivre. Un homme a été percuté deux fois. »

Cet homme soudanais a été hospitalisé, blessé aux jambes. Aux dernières nouvelles, celui-ci est sorti de l’hôpital, ce mercredi 3 juillet dans l’après-midi, dans un état pour l’heure inconnu.

Après avoir percuté cet homme, toujours d’après les témoignages recueillis par Utopia56, « le véhicule a voulu faire demi-tour pour retourner vers le groupe. C’est là qu’il a embouti un poteau ou un mur, ce n’est pas encore très clair, sur le bord de la route ». Utopia56 a publié sur X, ce mercredi soir, des images du véhicule qui a en effet terminé sa course sur le bas-côté. Des forces de l’ordre et pompiers ont été déployés sur place, tandis que le conducteur ainsi que les passagers de la seconde voiture avaient tous pris la fuite.

 

Signalement au procureur de la République

 

Depuis lors, sur place, les collectifs et associations engagés dans l’aide aux exilés s’activent pour recueillir les récits détaillés des témoins et en savoir plus sur le caractère probablement xénophobe de cet acte. Utopia56 s’apprête à déposer un signalement au procureur de la République de Boulogne-sur-mer. « Maintenant que le monsieur blessé est sorti, on verra aussi s’il souhaite porter plainte ou non. C’est souvent compliqué pour les personnes en situation administrative irrégulière », précise Charlotte Kwantes.

Si les exilés (et leurs soutiens) sont familiers des violences xénophobes dans le Calaisis depuis des années, ces dernières semaines, la vigilance s’est accrue. Les intimidations par le biais de tags racistes, insultes et jets de projectiles se sont démultipliées ces trois dernières semaines dans la région, documente une enquête de Streetpress.

« C’est un phénomène que l’on observe depuis plusieurs semaines, de manière assez claire. D’autres témoignages commencent également à nous parvenir au sujet de bénévoles qui font état de pressions, voire se sont fait suivre en maraude », ajoute Charlotte Kwantes.

 

Des agressions racistes quotidiennes depuis le 9 juin

 

Au-delà du Calaisis, l’enjeu est national. Les agressions racistes, verbales et physiques, si elles sont évidemment très loin d’être nouvelles, se multiplient depuis les résultats du Rassemblement national aux européennes le 9 juin. La possibilité d’une accession au pouvoir de l’extrême-droite, ouvert par la dissolution et les législatives anticipées, semble avoir doublement légitimé ce déferlement de haine.

Depuis le 9 juin, Mediapart a dénombré au moins trente événements racistes relayés dans la presse. Soit plus d’un chaque jour.

[Carte] A la veille d’une présidentielle : 15 mois de violences de l’extrême droite

Parmi ces agressions racistes recensées, certaines ont été particulièrement violentes. Dans l’Hérault, samedi 22 juin dans l’après-midi, un étudiant de 19 ans a failli être noyé dans un canal par des agresseurs sortis d’un 4×4. Nos confrères du Midi Libre rapportent son témoignage confié à la gendarmerie : « Quatre hommes m’ont ensuite saisi les bras et les jambes et m’ont jeté dans le canal puis m’ont plongé la tête sous l’eau, de force. Ils ont fait ça quatre ou cinq fois tout en me traitant de “sale arabe”. “Tu n’as rien à faire ici”, criaient-ils. Ils disaient que je venais de Djihad City en faisant référence à Lunel », sa commune de résidence.

Le même jour, un adolescent de 16 ans, également originaire de Lunel, a été passé à tabac par ces mêmes agresseurs (selon des identifications sur vidéo faites par les victimes). Une troisième plainte a été déposée par un pompier d’une trentaine d’années, agressé lui aussi dans la même zone.

Dans l’Ain, le 26 juin, deux hommes en état d’ébriété ont passé à tabac Mourad B., aux cris de « sale bougnoule », « On est en France ». Ils étaient jugé le 1er juillet au tribunal de Bourg-en-Bresse (lire le compte-rendu d’audience de Mediapart).

La veille, cette fois dans le Val-de-Marne, c’est un chauffeur de bus en plein ramassage scolaire qui a été percuté dans les jambes par un automobiliste : ce dernier venait de lui lancer des menaces de mort. « J’en ai marre des gens comme vous, bougnoules et renois, moi je vote RN, je vais te tuer, je vais te massacrer, je vais vous éradiquer », a-t-il proféré selon une source policière interrogée par France Info. Là encore, une enquête a été ouverte par le parquet.

 

Crédit photo : Utopia56

 

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L’heure est grave. Le 8 juillet le RN sera peut-être au pouvoir. Et même s’il rate la marche de la majorité absolue à l’Assemblée, il pourrait tripler son nombre de députés et pèsera plus encore sur le débat public. Si cette situation a été rendue possible par les calculs politiciens de Macron et par sa politique antisociale, le développement de l’empire médiatique de Bolloré a travaillé l’opinion publique depuis des années pour propulser l’extrême droite au pouvoir. Et cela a marché, même s’il a dû payer sa part d’influence à coup de dizaines de millions d’euros (CNews comme C8 étant déficitaires).

Plus que jamais, nous avons besoin d’une information qui ne verse ni dans la haine ni dans les fake news. Plus que jamais, mettre en avant celles et ceux qui luttent et ne se résignent pas est important. Plus que jamais décrypter les impostures sociales est crucial. C’est pourquoi nous devrons continuer notre travail, quoi qu’il arrive le 7 juillet.

Mais les médias indépendants ont besoin de moyens pour mener la bataille de l’influence. Comme ni les grandes fortunes ni l’État ne nous financeront, nous devons faire appel à notre seul atout : la force du nombre. Les syndicats de luttes comptent autour d’un million d’adhérents. Le Nouveau front populaire a enregistré près de 9 millions de voix au premier tour.

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