Midterms

Midterms : Joe Biden ne profite pas de la poussée des mouvements sociaux


 

A quelques jours d’élections de mi-mandat (midterms) sous haute tensions aux États-Unis,  le parti du président fait face au mur de l’abstention. Malgré des enjeux sociaux et politiques majeurs, tant locaux que nationaux, les démocrates peinent à transformer la dynamique sociale du pays en mobilisation électorale.

 

It’s the economy, stupid

 

« C’est l’économie, imbécile », à quelques jours d’élections de mi-mandat sous haute tension la presse ultraconservatrice américaine livre avec triomphe son analyse : si les derniers sondages placent les Républicains en tête des intentions de vote, c’est que l’électorat est d’abord motivé par l’inflation plutôt que par des sujets « dont tout le monde se fout » comme l’avortement ou les menaces sur la démocratie, que leurs adversaires ont placée au cœur de leur campagne.

Pourtant, Joe Biden, l’ancien adversaire de Bernie Sanders lors des primaires, s’attache depuis le début de sa campagne des midterms à se présenter comme le président des travailleurs. Un grand discours lors de la fête du Travail, réception à la Maison Blanche des syndicalistes d’Amazon et Starbucks, interventions à des congrès syndicaux, statut des travailleurs ubérisés et promesse d’une grande loi fédérale, le Protect the Right to Organize (PRO Act), pour protéger les droits sociaux et syndicaux… les démocrates cherchent à s’appuyer sur la dynamique de syndicalisation et de grèves, inédite depuis des décennies, qui secoue le pays depuis deux ans.

Mais si le syndicalisme connaît un renouveau et que le soutien aux syndicats est au plus haut dans le pays depuis les années 60, le taux de syndiqués, qui votent plus que la moyenne du pays, et plus majoritairement démocrate, reste extrêmement bas. Et une « toute petite mais très vocale minorité » d’entre-eux sont même acquis au discours des « élections volées » à Trump en 2020, s’inquiétait en juin la présidente de l’AFL-CIO auprès du Washington Post. Le syndicat, le plus puissant du pays, s’est engagé en faveur des Démocrates mais à dû changer de stratégie. Avant de pouvoir parler des candidats il faut d’abord dépasser la désinformation et regagner la confiance des interlocuteurs envers la capacité des élus à pouvoir changer les choses.

Ces élections vont pourtant avoir des conséquences immédiates sur le droit du travail dans plusieurs états. Ainsi ce mardi, en plus de se choisir un représentant à la Chambre, les électeurs de l’Illinois devront se prononcer sur l’inscription dans leur Constitution d’une protection des droits syndicaux tandis que ceux du Tennessee pourront entériner une loi anti-syndicale dans la leur. Le Nebraska et le Nevada, un swing state, auront à voter sur des augmentations du salaire minimum. Et les positions pro ou anti-syndicale des candidats à des postes de sénateurs gouverneurs ou juges sont scrutées dans de nombreux états.

 

Faire barrage aux réactionnaires

 

Il en va de même pour les menaces sur le droit à l’IVG. La décision de la Cour Suprême en mai a provoqué un électrochoc et entraîné une forte vague de mobilisations, y compris dans le champ électoral.

Et le parti Démocrate a pleinement investi le sujet dont il a fait l’un des axes centraux de sa campagne. En septembre il avait dépensé pas moins de 124 millions de dollars en publicités télévisuelles sur l’IVG. Mais si certains candidats Républicains se sont faits discrets sur leurs positions, des figures importantes du parti comme le gouverneur de Floride et candidat à sa réélection, Ron DeSantis, se mettent en scène comme des croisés anti-avortement.

Par ailleurs se sont pas moins de 5 états qui tiendront des référendums au sujet de l’avortement à l’occasion de ces midterms, dont trois visant à lui offrir une protection constitutionnelle, comme cela a été fait dans le Kansas, à majorité pourtant Républicaine, en août.

Mais même les militantes des droits reproductifs engagées au niveau local dans les efforts électoraux des candidats démocrates ne sont pas certaines que l’engagement très fort d’une large partie de la population américaine sur le sujet se traduise sur le taux de participation. Là encore, c’est la confiance dans l’action effective des élus qui manque, le parti de Joe Biden étant notamment mis en cause pour n’avoir pas protégé le droit à l’avortement quand il en avait les moyens politiques.

 

Faire barrage tout court

 

Mais au-delà des seuls assauts réactionnaires, c’est à tout un parti sous la coupe de « semi-fascistes » comme il le qualifiait dans un discours en août, que le Président et son parti appellent à faire barrage. Une adresse qu’il a réitérée mercredi soir, dénonçant les multiples candidats refusant de s’engager à accepter une défaite aux élections et avertissant des risques de « chaos » pour le pays. Quelques jours après l’agression au marteau du mari octogénaire de Nancy Pelosi, Présidente de la Chambre des représentants, le terrain de guerre semble dépasser les urnes.

Les « MAGA Republicans », se sont en effet illustré depuis des semaines en prévenant qu’ils considéreraient leur défaite comme le résultat de fraudes, et appelant leurs partisans à venir, armés, observer le bon déroulement des élections. Dans l’état hautement contesté d’Arizona, où les candidats Républicains à tous les postes en lice adhèrent au discours des « élections volées », un juge a dû rendre une décision interdisant l’accès à un groupe armé aux zones de dépôt de bulletins. Des tentatives d’intimidations similaires ont été relevées en Pennsylvanie aux autres swing states.

Les personnels des administrations locales et des bureaux de vote font aussi l’objet de harcèlement et de menaces de fuite d’informations personnelles, voire d’agressions.

Au-delà de l’élection en tant que telle, les minorités visées par les discours Républicains sont elles aussi la cible d’attaque. Les rassemblements armés pour protester contre des événements LGBT-friendly se multiplient, alors que les personnes trans font l’objet de lois répressives et de théorie du complot véhiculer jusque sur les plateaux de télévision. Quant au FBI, qui alerte depuis plusieurs semaines sur des risques de violences dans les semaines suivant l’élection, il vient de publier une notice alertant sur une menace généralisée d’attentats contre les synagogues du New Jersey.