Ces derniers jours, à l’international, des mouvements sociaux pour augmenter les salaires face à l’inflation ont abouti à des accords favorables. C’est le cas notamment au Canada et en Allemagne, où les syndicats ont négocié des revalorisations pour les fonctionnaires en s’appuyant sur des mobilisations dans la rue. Tour d’horizon.
Le 1er mai au Canada a signé la reprise du travail pour près de 150 000 fonctionnaires, en grève depuis 12 jours. Mais une reprise forte d’une victoire. Leur mouvement social a permis de décrocher une augmentation salariale de 12,6 % sur quatre ans pour 120 000 fonctionnaires.
Ce mouvement avait été déclenché le 19 avril et immédiatement porté par 155 000 fonctionnaires canadiens, selon les syndicats. Soit près d’un tiers des fonctionnaires du pays. La dernière grève de cette ampleur remontait à… 1991, rappelle l’AFP. « Immense », « inédit » : les qualificatifs forts se sont multipliés dans la presse canadienne et les discours des responsables syndicaux.
« Nous voici au début d’une grève historique » pour aboutir à « une entente qui tient compte du coût de la vie », avait annoncé la veille au soir Chris Aylward, président de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), le plus grand syndicat du secteur public du pays. « Nous allons demeurer en grève jusqu’à ce que le gouvernement réponde à nos demandes », avait-il promis. Principale revendication : des augmentations face à l’inflation.
Les syndicats du public étaient en négociation avec le gouvernement de Justin Trudeau de longue date : depuis 2021, des concertations étaient ouvertes. L’AFPC demandait une augmentation de 13,5 % sur trois ans. Le gouvernement, lui, est longtemps resté bloqué sur une proposition de 9 % sur trois ans. L’accord conclu – 12,6 % sur quatre ans, donc -, est rétroactif à 2021 et doit s’échelonner jusqu’en 2024. D’autres mesures, dont une prime supplémentaire ou davantage de souplesse concernant le télétravail, font partie de l’accord. Quelque 35 000 employés du fisc, défendus par le Syndicat des employé-e-s de l’impôt, demeurent en grève faute d’accord qui les concerne, explique Radio Canada : des négociations se poursuivent avec l’Agence du revenu du Canada.
En Allemagne, victoire en demie-teinte pour les salaires des fonctionnaires
En Allemagne, une victoire a également été décrochée quelques jours plus tôt, toujours en faveur des fonctionnaires. Le 23 avril, un accord de fin de conflit a acté une augmentation de 5,5 % pour près de 2,2 millions de salariés des services publics (de l’État fédéral comme des communes).
Les mesures seront progressives jusqu’en 2024. La hausse atteindra 5,5%, ou au moins 340 euros par mois, à partir de mars 2024. D’ici là, une compensation de l’inflation d’un montant de 3 000 euros doit être versée en plusieurs tranches, à partir de juin, explique l’AFP.
Fin mars, le syndicat unifié des services publics, Verdi, s’était joint à un important mouvement de grève dans les transports allemands. Depuis lors, les écoles, hôpitaux et administrations étaient largement touchés par des débrayages. Au moment de l’accord, la grève s’apprêtait à s’étendre à la filière de traitement des déchets.
La victoire reste en demi-teinte : « en décidant d’accepter ce compromis, nous sommes allés jusqu’à la limite tolérable », a commenté Frank Werneke, à la tête de Verdi. Le syndicat demandait plutôt une hausse des salaires de 10,5%.
Quelques mois plus tôt en Allemagne, les 4 millions d’employés de l’industrie étaient parvenus, fin novembre, à un accord sur 8,5 % d’augmentation après un vaste mouvement de grève. Aujourd’hui, les négociations se poursuivent dans d’autres secteurs, en particulier les transports. Les cheminots, de même que le personnel des aéroports, étaient en grève ce vendredi 28 avril.
Royaume-Uni, Espagne : un mois de mai combatif
Le 1er mai a marqué une étape pour les mouvements sociaux dans d’autres pays. Au Royaume-Uni, les infirmières, secteur combatif, étaient en grève à l’appel de leur principal syndicat, le Royal College of Nursing. Depuis décembre, ces professionnelles opèrent régulièrement des débrayages pour exiger des augmentations de salaires face à l’inflation.
Leur débrayage du 1er mai, débuté le 30 au soir, s’est fait en rejet de la proposition du gouvernement d’augmenter leurs salaires de 5 %. Cause du refus : l’inflation représente le double. Au Royaume-Uni en effet, sa hausse était de 10,4 % sur un an en février, selon l’Office national des statistiques, rappelle l’AFP. Cette hausse touche principalement les prix de l’alimentation et des vêtements.
En Espagne, c’est également un jeu de pressions qui s’est mis en place. Les deux principaux syndicats espagnols, à savoir l’Union générale du travail (UGT) et les Commissions ouvrières (CCOO), ont exhorté, le 1er mai, la plus grande association patronale du pays (la CEOE) à trouver un accord convenable sur des hausses de salaires… D’ici la fin du mois. Sans quoi, un appel à la grève interprofessionnelle, particulièrement dans les secteurs où les négociations salariales sont les plus compliquées, sera lancé.
En janvier ces syndicats avaient demandé 4,5 % d’augmentation pour l’année 2023 et 3,75 % pour 2024, mais la CEOE a, jusqu’à présent, refusé de négocier, retrace Euractiv. La ministre du Travail Yolanda Díaz (Unidas Podemos) assure qu’elle soutient leur proposition et presse aussi pour un accord d’ici fin mai. « Nous avons besoin de salaires décents qui augmentent au même rythme que l’inflation (4,1 % en avril), garantissant ainsi le pouvoir d’achat » ont défendu – ici comme ailleurs ! – les syndicats dans un communiqué commun.
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