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La torture est de retour en Turquie

 

L’organisation non gouvernementale Human Rights Watch dénonce des cas de torture et de disparitions forcées en Turquie, depuis le coup d’État manqué de l’été 2016 et l’instauration de l’état d’urgence.

 

Des détenus battus, menacés, soumis à des jets d’eau sur les parties génitales, agressés sexuellement, c’est la situation décrite par Human Rights Watch en Turquie. Dans un rapport publié le 12 octobre et intitulé « En garde à vue : tortures policières et enlèvements en Turquie », l’ONG présente 11 cas sur lesquels elle a enquêté.

« Les preuves de torture sur des personnes accusées de terrorisme par les autorités se multiplient depuis le coup d’État avorté de 2016 », affirme Human Rights Watch. L’ONG a récolté des témoignages d’avocats et de proches des victimes. Elle s’est appuyée également sur l’examen de comptes rendus d’audience de tribunaux. Ces derniers contiennent « des allégations selon lesquelles des policiers ont violemment battu et menacé des détenus, les ont entièrement déshabillés et, dans certains cas, les ont agressés sexuellement ou menacés de le faire ».

Par ailleurs, Human Rights Watch fait état de cinq cas documentés d’enlèvement à Ankara et à Izmir entre mars et juin 2017. « Étant donné le sombre passé de la Turquie en matière de disparitions forcées, les autorités doivent localiser les hommes dont on est sans nouvelles et s’assurer que quiconque est détenu par des agents de l’État ait un accès régulier à un avocat et que sa famille sache où il est. », a déclaré Hugh Williamson, le directeur de la division Europe et Asie centrale de l’ONG.

 

L’arbre qui cache la forêt

 

Depuis le coup d’État raté de 2016 contre le gouvernement de Recep Tayyip Erdoğan, plus de 150 000 personnes sont passées entre les mains de la police. Depuis la mise en place de l’État d’urgence, les accusations d’activités terroristes, d’appartenance à un groupe armé ou d’implication dans la tentative de coup d’État menacent l’ensemble des opposants au régime.

« De nombreuses victimes ont peur de se plaindre, craignant des représailles contre des membres de leurs familles », rapporte Human Rights Watch sur la foi de témoignages d’avocats. L’ONG signale en outre que les défenseurs des victimes se heurtent à des obstacles et à des risques considérables dans l’exercice de leurs tâches professionnelles. « Souvent empêchés d’avoir accès à leurs clients sans que des policiers soient présents, ils ne sont pas soutenus par leurs ordres professionnels en Turquie », précise l’ONG.

De plus, trois associations d’avocats ont été fermées sous le régime de l’état d’urgence et plusieurs centaines de ses membres sont eux-mêmes en détention provisoire sous le coup d’enquêtes et de procès pour terrorisme. « Il est difficile pour les avocats en Turquie de représenter leurs clients sachant qu’il existe un risque de représailles », a constaté Human Rights Watch.

Le gouvernement turc a démenti à plusieurs reprises les accusations de mauvais traitement, affirmant avoir une tolérance zéro pour la torture. Pourtant les rapports s’accumulent. En décembre 2016, Nils Melzer, le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, signalait une recrudescence de ces mauvais traitements au lendemain de la tentative avortée de coup d’État. Depuis, Amnesty International a publié un communiqué le 24 juillet 2017 faisant état de cas de torture ainsi que de viols dans les centres de détention officiels et non officiels du pays.

Faut-il y voir un message du gouvernement turc ? Le 4 octobre, le parquet d’Istanbul a requis jusqu’à 15 ans de prison pour 11 défenseurs des droits de l’homme, dont la directrice et le président d’Amnesty International en Turquie. Ils sont accusés de lien avec une organisation terroriste.