Manifestations, recours juridiques et piquets devant l’usine rythment depuis près de trois semaines le quotidien des 120 ouvrières et ouvriers licenciés de l’entreprise Kozan Kozmétik Sanayi en Turquie. Travaillant pour l’enseigne Flormar, détenue par le groupe Rocher depuis 2012, ils et elles se battent pour leur réintégration, la reconnaissance de leurs droits de se syndiquer et appellent au boycott des produits Yves Rocher.
« Ce n’est pas le maquillage, mais la résistance qui embellit ! », ont pris pour slogan les salariés, majoritairement des femmes, de l’entreprise produisant des crèmes cosmétiques pour le marché intérieur turc et l’exportation. Depuis trois semaines, s’enchaînent piquets et manifestations aux portes de l’usine de laquelle ils ont été licenciés.
Tout commence au printemps, lorsque le puissant syndicat de la chimie Petrol-Is, membre à la confédération réformiste TURK-IS, mène une campagne d’affiliation des ouvriers et ouvrières de cette usine située à Gebze à 30 kilomètres d’Istanbul, dans un bassin industriel où sont présentes de nombreuses multinationales. Objectif : devenir représentatif pour entamer des négociations collectives avec l’entreprise Kozan Kozmétik Sanayi. Les payes y sont faibles et les conditions de travail jugées indignes par les salariés s’étant affiliés. Mais en Turquie, pour obtenir sa reconnaissance, un syndicat doit remporter la majorité des votes des salariés puis être certifié par le ministère du Travail. D’où une campagne d’implantation dans cette société travaillant pour le groupe Rocher.
Le syndicat Petrol-Is obtient son agrément du ministère le 3 avril puis contacte la direction de l’entreprise pour engager des discussions. Mais cette dernière entame une procédure devant les tribunaux pour contester son agrément, licencie 14 de ses membres et use de pressions sur les autres salariés pour qu’ils renoncent à se syndiquer. Le courrier du 27 avril, de l’organisation syndicale internationale IndustriAll Global Union, demandant le respect des conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT), est resté lettre morte. Le 11 mai, la direction de l’usine débarque six salariés syndiqués supplémentaires, puis 65 autres le 15 mai pour avoir manifesté leur désaccord.
Licenciés mais pas coulés
Au 18 mai, ils sont 115 à avoir été renvoyés sur un effectif de 400. Le licenciement de ces salariés en début de ramadan a choqué, bien au-delà de l’usine. Le piquet des 115 licenciés, devant le site de production, a reçu nombreux soutiens : des salariés des firmes environnantes, des militants de Petrol-Is venant d’entreprises alentours ou de régions plus éloignées, différents groupes sociaux et partis politiques. Les manifestations ont ainsi rythmé la vie de la commune de Gebze au cours des trois dernières semaines. L’enseigne Flormar a été visée par des femmes munies de pancartes protestant devant des magasins de la première marque de maquillage turque. Parallèlement, les salariés ont intenté des recours juridiques.
« La procédure légale va durer très longtemps. Même si les salariés gagnent au tribunal, l’entreprise va payer des indemnités plutôt que de les réintégrer », assure Tom Grinter d’IndustriAll Global Union. L’organisation internationale a interpellé le groupe Rocher, propriétaire majoritaire de Flormar, qui n’a pas répondu pour l’heure à ses sollicitations. Pour seul élément de communication, l’entreprise de cosmétique s’est fendue d’un tweet afin de dissocier la marque Yves Rocher de la filiale du groupe et de l’entreprise turque. Et ainsi, se défausser de toute responsabilité en bottant en touche.
Pour augmenter la pression, les fédérations de la chimie affiliées à IndustriAll Global Union dans les pays européens préparent des courriers au groupe Rocher et rédigent des motions de soutiens aux salariés en Turquie. En attendant, sur place, la production marche au ralenti après trois semaines de conflit. Les ouvrières et ouvriers congédiés de l’entreprise Kozan Kozmétik Sanayi appellent maintenant au boycott des produits de beauté de la marque Yves Rocher, le fleuron du groupe.
Faisons face ensemble !
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