grève 8 mars

Un 8 mars placé sous le signe de la grève et de l’égalité salariale


La grève du 8 mars, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, fera la part belle aux enjeux du travail. Égalité professionnelle, revalorisation des salaires dans les secteurs majoritairement féminins… Des organisations syndicales comptent mettre en avant ces luttes pour ce 8 mars particulier – parce qu’il s’inscrit en fin de quinquennat, au sortir d’une crise sanitaire supportée par les travailleuses du soin et du lien. 

 

La grève du 8 mars de cette année aura une teneur particulière. D’abord, la solidarité internationale entre mouvements féministes sera plus que jamais à l’honneur. Lors d’une conférence de presse le 1er mars, les représentantes des collectifs et organisations signataires de l’appel unitaire ont exprimé leur soutien aux femmes d’Europe de l’Est, en première ligne du conflit. Ensuite, parce que les élections présidentielles approchent. La grève du 8 mars marquera donc la « fin d’un quinquennat qui n’a rien fait pour l’égalité professionnelle et les violences faites aux femmes », expose Sigrid Girardin, co-secrétaire générale du Snuep FSU.

Les organisations syndicales mobilisées pour cette journée (CGT, Solidaires, FSU,…) ont en commun des commissions internes dédiées à la lutte contre le sexisme et pour l’égalité professionnelle. Mais s’engager dans la grève du 8 mars n’a rien d’évident. Pour certains syndicats, historiquement moins mobilisées sur ces questions, « c’est plus laborieux », glisse Sophie Binet, dirigeante confédérale de la CGT en charge de l’égalité femmes-hommes.

Même dans les syndicats les plus avancés, le mot d’ordre « grève féministe » fait grincer des dents. « Ça a interpellé dans nos syndicats. Certains hommes nous ont dit : “comment ça, une grève ? Une grève, c’est quelque chose de grave… Attention, il ne faut pas diviser le mouvement social…” » soupire Murielle Guilbert, de Solidaires.

 

« Il faut tirer les leçons de la crise »

 

Pourtant, construire un 8 mars unitaire, en y faisant peser des revendications salariales, est plus que jamais d’actualité. « Bien sûr, ce n’est pas que la question de l’égalité professionnelle. S’il y a des violences sexistes et sexuelles au travail, il n’y a pas d’évolution de carrière… S’il n’y a pas d’éducation non-sexiste, on rate aussi une marche importante… Tous ces sujets sont imbriqués », souligne Murielle Guilbert.

Tout de même : depuis deux ans, la crise sanitaire et sociale est passée par là. « Ce qu’on dénonce à longueur d’années a pris plus d’ampleur pendant cette pandémie », résume la responsable de Solidaires. Les femmes ont été les plus touchées par ses effets. Il y a la hausse des violences conjugales et intrafamiliales durant les confinements. La charge mentale décuplée. Mais aussi les conséquences sur l’emploi. D’après les chiffres du ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, pas moins de 41 % des femmes ont vu leur revenu diminuer pendant la crise sanitaire. En juillet 2020, 11 % des femmes entre 18 et 34 ans ont déclaré avoir perdu leur emploi, contre 9 % des hommes.

« Il faut tirer les leçons de la crise », presse Sophie Binet de la CGT. Nombre de secteurs n’ont pas attendu pour le faire. Durant l’année et demie qui vient de s’écouler,  des « mobilisations sans faille des femmes ont eu lieu. Et ce, dans des métiers très féminisés, qui n’ont pas bénéficié de politiques ambitieuses en termes de revalorisation salariale et de carrière. Il faut continuer à batailler auprès de ces femmes », appuie Sigrid Girardin de la FSU. Parmi ces dernières : les AESH. Leur lutte est citée en exemple par les intervenantes de la conférence de presse. « Elles sont à 93 % des femmes. Et elles gagnent moins de 800 euros par mois : sous le seuil de pauvreté » déplore Sigrid Girardin. Pourtant, les AESH sont à la croisée des deux prétendues « grandes causes » du quinquennat : le handicap, et les femmes.

 

Revaloriser les métiers de première et seconde ligne

 

D’autres franges du salariat majoritairement féminines se sont fait entendre ces derniers mois. Travailleuses sociales, infirmières, enseignantes, assistantes maternelles, soignantes… Autant de salariées de première et seconde ligne pendant la crise sanitaire. « On exige la revalorisation salariale de ces métiers féminisés, la reconnaissance de leurs compétences » martèle Murielle Guilbert.

En toute première ligne, demeurent les travailleuses sans-papiers. Celles-ci se retrouvent « dans des secteurs en tension, principalement dans le nettoyage » rappelle Ana Azaria, du collectif Femmes Égalité. Ces dernières bataillent pour obtenir une régularisation. Prétendre à une admission au titre du travail implique de disposer d’une promesse d’embauche… au SMIC, au minimum. Or, les secteurs où elles décrochent quelques heures sont très précaires. Ana Azaria dénonce une politique « hypocrite. On sait qu’elles sont là, et ça arrange tout le monde ! ». Avec l’engorgement des préfectures et la dématérialisation croissante, les casse-tête administratifs empirent. Certaines perdent leur titre de séjour au moment du renouvellement… Et leur emploi. Le cortège de la grève du 8 mars leur donnera la parole.

Sigrid Girardin insiste, elle sur les mobilisations de ces derniers mois dans la fonction publique. « Il y a un préjugé tenace : l’idée que les statuts dans la fonction publique protègeraient des inégalités. Or, c’est faux. Les femmes y gagnent un quart de moins de salaire que les hommes ! » De quoi rappeler la responsabilité de l’État, premier employeur en France. La lutte contre les inégalités professionnelles ne se jouent pas seulement dans le contrôle des employeurs privés.

 

Le combat pour l’égalité salariale à poursuivre

 

Il existe bien un index de l’égalité professionnelle dans les entreprises, développé par le ministère du Travail. Mais voilà : « 99,9 % des entreprises ont eu plus de 75 sur 100 à l’index, donc elles ne seront pas sanctionnées » relève Sophie Binet. Or, l’écart salarial entre hommes et femmes dans le privé est toujours de 28,5 % selon les derniers chiffres de l’INSEE. « On voit bien qu’il y a un problème…»

Et pour cause : cet index repose sur un système d’auto-notation. « Ni les syndicats ni l’inspection du travail n’ont un regard là-dessus. Encore moins un pouvoir de sanction », explique Sophie Binet. En outre, plusieurs modes de calcul lissent les écarts et seraient à revoir, selon elle. La CGT oeuvre en ce sens, au niveau national… Comme au niveau européen. Car une directive européenne sur la transparence salariale est en cours de négociation.

Mettre en lumière cet enjeu le 8 mars apparaît d’autant plus crucial. « On est très inquiets des positions que prendra Emmanuel Macron à ce sujet », indique Sophie Binet, alors que la France a pris la présidence de l’Union Européenne. Les organisations syndicales craignent que la directive ne suive le même modèle, peu efficient, de l’index utilisé en France. « L’index actuel, c’est l’inverse de la transparence… Il organise l’opacité sur les écarts de salaire », juge-t-elle.

 

La grève du 8 mars pour marquer un mois de mobilisation interprofessionnelle

 

« Le rôle des syndicats sur ces questions reste majeur, pour ce 8 mars et au-delà » conclut Murielle Guilbert. De la même manière que la CGT, Solidaires a lancé une campagne internationale sur l’égalité salariale. Une cause « centrale » pour l’année qui se joue, en raison des présidentielles. Mais aussi parce que le calendrier des mobilisations pourrait la porter haut et fort.

Les mobilisations actuelles dans le secteur de la santé, du travail social, ou encore la grève de la RATP du 25, dynamiseront le mois de mars. Sans compter la journée de grève interprofessionnelle du 17 mars. « C’est le mois que l’on appelle “le vent se lève”, parce qu’il y a plein de secteurs qui vont faire grève », sourit Murielle Guilbert. « On espère que le 8 mars sera un point important pour initier cette mobilisation interprofessionnelle ».

C’est aussi ce qu’espèrent les autres responsables d’organisations et de collectifs présentes lors de la conférence de presse du 1er mars. Toutes le concèdent : la pandémie a porté un coup aux mouvements sociaux. La grève du 8 mars leur apparaît comme l’occasion de mettre en lumière les secteurs qui sont malgré tout restés en lutte. Et, peut-être, d’impulser une nouvelle vitalité.