Le gouvernement doit examiner le 21 février en conseil des ministres le projet de loi « pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif ». Une copie du texte a été diffusée par le Gisti. Le projet, tourné essentiellement vers la restriction des droits, aligne les mesures facilitant les expulsions.
Là où la loi travail permettait de faciliter les licenciements pour favoriser l’emploi, le projet de loi « pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif » permet d’expulser plus pour sauver l’asile. Des formules contre-intuitives qui se multiplient avec ce gouvernement.
Ici, pour la loi sur l’immigration et l’asile, le ministre de l’Intérieur affirme vouloir accueillir les réfugiés et expulser les autres. Il assure présenter un projet équilibré. Pourtant, sur les 38 articles que compte le texte, seulement trois portent sur des protections élargies. Commençons par celles-là, ce sera bref. L’article un prévoit la délivrance d’un titre de séjour de quatre ans, au lieu d’un aujourd’hui, pour les étrangers relevant de la protection subsidiaire. Les deux suivants facilitent l’accès à la carte de résident pour les familles de mineurs réfugiés protégés. C’est à peu près tout pour une ambition noble : « sauver le droit d’asile ».
Restreindre l’accès aux droits et augmenter le nombre de déboutés
Le projet de loi se donne pour objectif de réduire le délai des procédures de demande d’asile à six mois contre 11 actuellement. Mais les changements législatifs prévus à cet effet impliquent pour les migrants nombre de restrictions pour faire reconnaître leurs droits à la protection. Ainsi, le délai pour présenter une demande d’asile une fois arrivé sur le territoire national passe de120 à 90 jours. Celui pour faire appel d’une décision négative de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est réduit à 15 jours au lieu de 30. Cet appel n’est plus suspensif. Cela signifie qu’un débouté du droit d’asile pourra être expulsé avant que sa situation ne soit évaluée par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
Autre changement porteur d’une augmentation du nombre de déboutés du droit d’asile, la convocation à l’entretien individuel à l’OFPRA pourra être effectuée par « tous moyens ». Plus de recommandé avec accusé de réception. En situation précaire le plus souvent, le risque de rater sa convocation pour le demandeur augmente substantiellement. Le motif de rejet de la demande aussi. Autre nouveauté, le prétendant à l’asile pourra être interrogé dans une autre langue que sa langue maternelle, rendant moins aisée l’explication des risques ou des mauvais traitements subis dans son pays d’origine. Comme les convocations, les notifications de l’OFPRA pourront être communiquées à l’intéressé par tout moyen, augmentant le risque de se retrouver hors délai pour interjeter appel de la décision, en cas de refus de la demande.
Plus de déboutés expulsés
Gérard Collomb ne s’en cache pas, son objectif est d’augmenter le nombre de reconduites effectives à la frontière. En la matière, le projet de loi immigration et asile met le paquet. Premier acte, le droit au maintien sur le territoire cesse au moment de la lecture en audience publique de la décision de la CNDA. Avec cette mesure, les associations de défense des étrangers craignent que les arrestations à la sortie des audiences deviennent monnaie courante. Acte deux, les motifs conduisant à l’assignation à résidence ou au placement en centre de rétention des déboutés du droit d’asile sont élargis. Un moyen permettant d’avoir ces migrants sous la main afin de faciliter leur éloignement. Acte trois, le délai légal de la rétention administrative est doublé, passant de 45 à 90 jours. Ce délai pouvant même atteindre 135 jours si l’étranger tente de se soustraire d’une façon ou d’une autre à son expulsion.
Par ailleurs, pendant son transfert vers le centre de rétention, un étranger ne pourra plus communiquer, rapprochant encore un peu plus ces lieux de l’espace carcéral. Autre disposition favorisant le contrôle et tournée vers plus d’efficacité pour les expulsions : la retenue administrative par les forces de police pour vérification du droit au séjour passe de 16 h à 24 h. Soit le délai d’une garde à vue. Les prises d’empreintes et photographies des migrants y seront facilitées et tout refus pourra impliquer une interdiction du territoire français pour une durée de trois ans maximum.
Protection, accueil, ou criminalisation ?
La philosophie générale du projet de loi se place dans la continuité des pratiques du gouvernement vis-à-vis des demandeurs d’asile. Des pratiques largement dénoncées par les associations. Assez peu d’asile et beaucoup de criminalisation des prétendants à la protection. Les grands absents du texte sont les dublinés, pourtant très nombreux, ces migrants dont les demandes ne sont pas examinées, sous prétexte qu’ils sont entrés en Europe par un autre pays de l’espace Schengen. Expulsés le plus souvent vers l’Italie, leur demande d’asile n’y est portant pas enregistrée la plupart du temps. Nombre d’entre eux y écopent d’une obligation de quitter le territoire italien (OQTI) et se voient conseiller par la police transalpine de repasser la frontière. Direction la France où les attendront systématiquement demain, les contrôles et placements en rétention.
Enfin, un article introduit un nouveau délit, celui de franchissement de frontière extérieure à l’espace Schengen, puni d’un an de prison et 3750 € d’amende. Autre nouveauté le texte prévoit un schéma national fixant le lieu de résidence région par région en fonction du nombre de demandeurs d’asile. Cela assorti d’une perte des droits matériels en cas de refus. Pas extrêmement accueillant pour les réfugiés et assez peu équilibré finalement comme texte législatif. Par contre, le projet de loi réintroduit l’immigration choisie chère à Nicolas Sarkozy à la fin des années 2000. Il y est question d’attirer les talents extracommunautaires : chercheurs, étudiants, travailleurs dans les secteurs innovants.
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