Le cargo saoudien Bahri Tabuk arrive mardi après-midi dans le port maritime de Marseille-Fos. Il doit prendre livraison de munitions pour des canons Caesar à destination de l’Arabie saoudite. Comme au Havre au début du mois, une plainte a été déposée contre des livraisons d’armes françaises pouvant être utilisées sur des populations civiles au Yémen.
« Il faut être extrêmement vigilant sur les ventes d’armes à l’égard de ces pays » a déclaré Jean-Yves Le Drian le ministre des Affaires étrangères aux micros de la matinale de France Inter ce mardi 28 mai. Concordance de temps malheureuse, au même moment, un cargo saoudien est en route vers le port de Marseille pour charger des armes à destination du conflit au Yémen. Selon le site d’investigation Disclose, dont plusieurs journalistes ont été récemment convoqués par la DGSI, la cargaison sera composée de munitions de fabrication française pour canons Caesar. Le navire est arrivé aux alentours de 14 h 30 au port de Marseille. Il doit le quitter jeudi pour le port de Jeddah, en Arabie saoudite.
C’est le second cargo saoudien à tenter de prendre livraison de matériel militaire dans un port français au mois de mai, dans le cadre du contrat d’armement que la France a passé avec le royaume wahhabite. Début mai au Havre, un autre navire devait embarquer discrètement huit canons Caesar selon les informations du site Disclose. Bien que rejetée, une plainte avait été déposée par l’association Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT). Une manifestation sur le quai où devait accoster le navire le 9 mai, la menace d’un refus des dockers d’embarquer la cargaison, et la polémique politique qui n’a eu de cesse d’enfler ont eu raison de ce chargement d’armes vers l’Arabie Saoudite. Le cargo a fait route vers l’Espagne.
Une mobilisation en urgence
Le Havre n’est pas le seul port à rechigner d’embarquer des armes pour la guerre au Yémen. Le 20 mai, les dockers de Gênes en Italie se sont mis en grève pour refuser un chargement suspecté de contenir du matériel militaire sur le cargo d’une compagnie maritime saoudienne arrivé en catimini le matin même. À Marseille, avant même l’arrivée au port du Bahri Tabuk, l’ACAT a déposé une plainte en urgence pour empêcher que le navire reparte avec sa cargaison de munitions. L’association invoque le Traité sur le commerce des armes (TCA) qui précise ne pas autoriser le transfert d’armes lorsqu’un pays a connaissance par exemple « d’attaques dirigées contre des civils ou d’autres crimes de guerre ».
De son côté, Laurent Pastor, un responsable syndical des dockers a assuré à l’AFP que le port de Marseille-Fos « ne servira pas à charger des armes ou des munitions ». Selon lui, la cargaison du Bahri Tabuk a été présentée comme étant du « matériel civil pour un projet lié à l’énergie ». Le syndicaliste a prévenu : les dockers vérifieront. Interrogée lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale en début d’après-midi sur le sujet, Florence Parly, la ministre de la Défense affirme ne pas être au courant, car n’étant en charge ni de l’administration des douanes ni des affaires maritimes. Invoquant des « informations de presse qui datent de 13 h 51 », alors que Disclose a fourni cette information en milieu de matinée, la ministre affirme « être en train de vérifier s’il y a des armes à bord du cargo ».
Maladresse ou mauvaise fois, chacun jugera. En tous les cas, un peu chahutée pendant la séance, elle n’a pas souhaité terminer sa réponse pour justifier les raisons des ventes d’armes de la France à l’Arabie saoudite. Peut-être une façon de s’éviter une réponse alambiquée.
Faisons face ensemble !
Si les 5000 personnes qui nous lisent chaque semaine (400 000/an) faisaient un don ne serait-ce que de 1€, 2€ ou 3€/mois (0,34€, 0,68€ ou 1,02€ après déduction d’impôts), la rédaction de Rapports de force pourrait compter 4 journalistes à temps complets (au lieu de trois à tiers temps) pour fabriquer le journal. Et ainsi faire beaucoup plus et bien mieux.