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Réforme du Code du travail : le hold-up est presque parfait


 

Loi d’habilitation en Conseil des ministres mercredi 28 juin, validation par l’Assemblée nationale, poursuite des discussions avec les organisations syndicales jusqu’au 21 juillet, ordonnances fin juillet et ratification parlementaire le 20 septembre. Un calendrier et une méthode aux petits oignons pour un changement social majeur pour les salariés.

 

« Quand il y a du flou, c’est qu’il y a un loup. » La formule de Martine Aubry, largement recyclée pendant les élections présidentielles de 2017, conserve toute son actualité avec la réforme du Code du travail.

À ce jour, aucun texte du gouvernement présentant des mesures précises n’est sur la table des discussions avec les organisations syndicales. Début juin, le gouvernement leur a fait parvenir une lettre de cadrage. Le texte fixe les grands objectifs de la réforme en des termes assez généraux. Il s’agit par exemple de créer une « nouvelle articulation de l’accord d’entreprise et de l’accord de branche, et l’élargissement sécurisé du champ de la négociation collective ».

Pour connaître la réalité de la nouvelle articulation voulue par l’exécutif, il faudra attendre la promulgation des ordonnances fin juillet. Ce dernier se garde bien d’écrire noir sur blanc ses propositions permettant aux entreprises de négocier et signer des accords sur le montant de la rémunération de leurs salariés. De même, le texte de cadrage ne tranche pas l’instauration d’un plafond pour les indemnités prud’homales en matière de licenciement abusif. C’est un sujet de discussion. Encore moins son montant. Au contraire, le gouvernement annonce des échanges avec les syndicats jusqu’au 21 juillet sur l’ensemble des thèmes inclus dans la lettre de cadrage. Une façon d’afficher son ouverture auprès de l’opinion publique tout en avançant masqué.

En réalité les intentions du gouvernement sur la réforme du droit du travail sont connues dans leurs grandes lignes. Le président de la République n’avait pas caché sa volonté d’élargir la loi El-Khomry, en donnant plus de pouvoir aux entreprises pour « libérer le travail ». Concrètement, au-delà des formules alambiquées et des petites manœuvres, ce qui est en jeu, c’est de mettre les accords d’entreprises au-dessus des accords de branches et du Code du travail. Le but du gouvernement est d’avancer le plus loin possible en intégrant les salaires, les contrats de travail et les motifs de licenciement dans le périmètre des dérogations à la loi. Il entend également fixer un plafond pour les indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif, assouplir les règles en matière de licenciements pour les grands groupes et leurs filiales ou encore élargir les contrats de chantiers.

 

Jeux de dupes

 

Texte de cadrage, discussion, calendrier et contenu de la loi d’habilitation divulgué demain en Conseil des ministres font partie d’une méthode pour atteindre tous ces objectifs sans dommages. C’est à dire sans tir de barrage de l’ensemble des confédérations syndicales. À cette fin, le gouvernement a fixé un total de 48 réunions avec ces dernières, feignant des négociations. Pourtant, le cadre fixé est celui de réunions bilatérales. Chaque syndicat est reçu seul, l’un après l’autre. Une situation favorisant l’opacité des discussions, les marchandages et petits arrangements. En tout cas, rendant difficile un front syndical s’opposant aux mesures programmées par l’exécutif. En dernier lieu , c’est à celui-ci que revient le choix des dispositions finales.

Une méthode singeant des pratiques existantes dans le monde de l’entreprise, où il n’est pas rare que les représentants du personnel soient invités à discuter de restructuration sans visibilité ni documents sur lesquels argumenter ou informer les salariés. Ici, dans le cadre de la réforme du travail, les organisations syndicales ne peuvent s’appuyer que sur les intentions connues du chef de l’État et sur une lecture entre les lignes des rares documents connus officiellement.

Maintenus dans le brouillard depuis des semaines, une partie des confédérations commencent à s’agacer et s’inquiéter. La CGT a dénoncé une absence de réelle concertation dès le 13 juin, avant de rééditer le 26 juin par voie de communiqué : « Le directeur de cabinet se contente d’exposer les propositions portées par les organisations patronales et syndicales, sans jamais préciser l’étendue des régressions sociales contenues dans les projets d’ordonnances ». Force ouvrière initialement ouverte aux discussions devient méfiante. Jean-Claude Mailly, son secrétaire général pointe à son tour un problème de méthode à l’occasion du colloque « Le travail dans tous ses états », du 22 juin. Avant de s’inquiéter d’une absence de réponse du gouvernement sur les thèmes qui seront du domaine de l’entreprise. A la dernière minute, FO a rejoint le rassemblement du 27 juin devant l’Assemblée nationale.

Le flou entretenu complique l’explication de la réforme aux salariés pour des organisations syndicales conscientes de leur difficulté à mobiliser malgré l’importance des enjeux. Par ailleurs, le calendrier les colle à des négociations jusqu’au 21 juillet. Un piège cependant difficile à rompre sans une position commune, au risque de s’isoler. Pourtant, quelques jours après le 21 juillet, les ordonnances prises par le gouvernement auront force de loi, avant d’être ratifiées définitivement le 20 septembre par l’Assemblée.

 

Lire aussi : Pouvoir des mots et mots du pouvoir pour réformer le Code du travail


Dernière minute : Dans un communiqué publié le 27 juin en fin d’après-midi, la CGT « propose de faire du 12 septembre, une journée d’action et de grève dans toutes les entreprises et services ».


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