Palestine Vaincra : une dissolution de plus au compteur de Gérald Darmanin

 

Le 24 février, Gérald Darmanin a fait part de sa volonté de dissolution de Palestine Vaincra. Pour le collectif pro-palestinien, la démarche est purement politique et vise à donner des gages à la droite israélienne. Après l’annonce de nombreuses dissolutions administratives dans un délai particulièrement court, l’utilisation de cette procédure à des fins de communication politique interroge.

 

Basé à Toulouse, le collectif Palestine Vaincra a reçu, samedi 26 février, un avis de dissolution. Il doit désormais le contester avant que la procédure administrative ne soit concrètement engagée. « On ne se fait pas vraiment d’illusion quant à l’issue de tout cela », avoue Tom Martin, porte-parole du collectif pro-palestinien, constatant que les récentes dissolutions administratives lancées par le ministère de l’intérieur ont bien souvent abouties.

Le 24 février, Gérald Damarnin avait annoncé, dans un tweet, son intention de dissoudre le collectif « à la demande du Président de la République ». En cause, selon le ministre de l’intérieur, des « appels à la haine, à la violence et à la discrimination » ainsi que des « provocations à des actes terroristes ».

Dans son avis de dissolution, le ministère reproche pêle-mêle au « groupement de fait Palestine Vaincra » – terme utilisé pour qualifier un collectif non constitué en association – les campagnes de boycott de produits israéliens ou encore le soutien déclaré à Ahmad Sa’adat, secrétaire général du Front Populaire de Libération de la Palestine et ses campagnes pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah (voir notre article).

 

« Des posts Facebook et des commentaires »

 

« 95% des choses qui nous sont reprochées proviennent des contenus de posts Facebook. Et ce n’est pas étonnant puisque nos actions se limitent à des tractages ou des manifestations. On est finalement coupables de délit d’opinion », déplore Tom Martin. L’avis de dissolution pointe même des commentaires problématiques postés sur cette même page Facebook, et qui n’auraient pas été modérés par le collectif. « Nous avons 32 000 followers et effectivement certains commentaires problématiques sont passés sous nos radars. Vu le niveau de la haine en ligne, cela arrive tous les jours y compris à des médias grand public. Ce n’est pas pour autant qu’ils sont dissous. »

Pour Palestine Vaincra, la décision du ministre de l’intérieur intervient dans un contexte de changement de braquet diplomatique français. Le collectif évoque à ce sujet les propos de Jean Castex, lisant le discours d’Emmanuel Macron lors du 36ème dîner du CRIF (Conseil Représentatif des Institutions juives de France), le 24 février. Le texte évoquait « Jérusalem la capitale éternelle du peuple juif » : une « remise en cause de la position historique de la diplomatie française et du droit international en s’alignant sur la diplomatie états-unienne et israélienne », selon Palestine Vaincra. Dans ce discours, le Premier Ministre dénonçait également l’emploi du terme apartheid, pour qualifier la politique de l’Etat d’Israël à l’égard des Palestiniens. Au début du mois de février, le terme était effectivement utilisé dans un rapport d’Amnesty International, provoquant un tollé côté israëlien.

Créé en 2019, Palestine Vaincra s’est fait connaître dans la région toulousaine pour ses campagnes contre le jumelage entre Toulouse et Tel Aviv ou l’organisation de la manifestation annuelle de soutien à George Abdallah. « Nous sommes un organisation de gauche, pro-palestinienne, comme le montrent nos soutiens et les gens avec qui nous travaillons. Nous militons pour la libération de toute la Palestine de la mer au Jourdain. C’est cette position qui déplait fortement », assure Tom Martin. La dissolution de Palestine Vaincra a ainsi été dénoncée par le NPA, ou encore l’union syndicale Solidaires.

 

La dissolution de Palestine Vaincra : arme de communication

 

Depuis la loi « séparatisme », d’août 2021, la dissolution administrative peut désormais viser les organisations qui incitent aux « agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens ». Ces motifs s’ajoutent à « la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, l’incitation à commettre des actes de terrorisme ou à participer à des manifestations armées, la dérive vers une milice privée ou l’objectif de porter atteinte à la forme républicaine du gouvernement ».

Gérald Darmanin ne s’est pas privé d’en user, annonçant récemment sa volonté de dissoudre le média « Nantes Révolté » après avoir dissous de nombreuses associations considérées comme islamistes (BarakaCity, Collectif contre l’islamophobie en France..) mais aussi des groupuscules d’extrême droite qu’ils soient français, comme Génération identitaire, les Zouaves Paris et l’Alvarium, ou étrangers, comme les Loups Gris. Concomitamment à l’annonce de dissolution de Palestine Vaincra, le ministre de l’intérieur a également annoncé celle du Comité Action Palestine, un collectif pro-palestinien toutefois moins clair que Palestine Vaincra sur la question du refus de l’antisémitisme.

De fait, la dissolution administrative semble devenue une arme de positionnement politique, permettant, à moindre frais et sans passer devant la justice, de désigner des « ennemis de la République ». En plus de mettre un coup d’arrêt aux dynamiques des organisations dissoutes. Le 5 mars, une manifestation contre la dissolution de Palestine Vaincra est organisée à Toulouse.