grève PJJ

PJJ en grève : “casser notre métier est un signe de l’extrême droitisation de la société”

Ce 19 septembre, l’intersyndicale de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) appelle à la grève pour la troisième fois en un mois. Un mouvement inédit dans la profession, qui s’oppose au non renouvellement d’environ 500 contractuels. Alors que le gouvernement Macron affiche sa sévérité face à la délinquance des mineurs, des syndicalistes n’hésitent pas à faire le lien entre le saccage de leur métier et l’extrême droitisation de la société. 

Depuis les révoltes urbaines qui ont suivi la mort de Nahël, les déclarations agressives contre les mineurs délinquants de la part du gouvernement n’ont pas arrêté de s’intensifier. Leur but, c’est de rapprocher la justice des mineurs de celle des adultes, d’aller vers plus de sanctions et moins d’éducation et donc d’affaiblir nos métiers. Or casser la PJJ, c’est un signe de l’extrême droitisation de notre société“, soutient Marc Hernandez, co-secrétaire national du SNPES-PJJ-FSU, premier syndicat dans la profession.

De fait, le durcissement de la justice pour les mineurs a été au cœur du discours sur l’insécurité du gouvernement Macron. Cet été encore, le ministre de la justice, Eric Dupont-Moretti, déclarait sur le plateau de BFM-TV : “Je veux, et c’est une mesure de fermeté, de radicalité, qu’un mineur s’il commet un fait grave comme premier fait, puisse être placé en détention immédiate“.

Aussi, les syndicalistes de la PJJ n’ont pas été étonnés lorsqu’ils ont appris que les récentes cures d’austérité venaient rogner sur les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse, une des directions du ministère de la Justice. Le 22 février 2024, le décret venu raboter 10 milliards d’euros au budget de l’Etat touchait la PJJ à hauteur de 38 millions d’euros.

Recevez notre newsletter par mail

On espérait qu’ils ne nous enlèveraient pas de moyens humains, comme cela a pu être fait dans d’autres directions“, rapporte Josselin Valdenaire, secrétaire général de la CGT-PJJ. Raté. Le 31 juillet, les agents apprennaient qu’un certain nombre de contractuels ne seraient pas renouvelés le 31 août. Or ces derniers représentent 23% des effectifs totaux (la PJJ emploie 9 763 personnes, dont 2 273 contractuels), selon les chiffres du ministère de la Justice en 2023. “Notre direction est très opaque et ne nous donne pas les bonnes informations, mais l’intersyndicale a rapidement estimé le nombre de salariés non renouvelés à 500“, continue le cégétiste. 

“Les premières conséquences se font déjà ressentir dans les services : augmentation de la charge de travail, tension dans les relations professionnelles, allongement des listes d’attente, priorisation des prises en charge (…)”, égrène l’intersyndicale dans un communiqué (CGT, UNSA, FSU, CFDT)

Face à cette annonce fracassante, l’intersyndicale de la PJJ a appelé à 2 journées d’actions et de grève, les 14 et 29 août, et remet le couvert ce 19 septembre. “Ce n’est pas une profession qui se mobilise beaucoup et les deux dates précédentes sont tombées en pleine période de congé. Malgré tout, nous avons comptabilisé 13% à 15% de grévistes, c’est le signe d’une grève forte chez nous“, analyse Josselin Valdenaire. L’intersyndicale tente aussi de relever d’un cran le rapport de force. Le préavis de grève déposé dépasse la seule direction de la PJJ et concerne tout le ministère de la Justice. “L’affaiblissement de notre profession concerne tout notre ministère, et au-delà. D’ailleurs nous avons le soutien de syndicats de la magistrature ou encore d’avocats“, continue le syndicaliste. Actant que le dialogue social avec la direction de la PJJ (DPJJ) est “arrivé à son terme“, les syndicats souhaitent cette fois être reçus par le Premier ministre. 

Du côté de la DPJJ, les annonces restent maigres : 3 millions d’euros devraient être débloqués pour réembaucher 239 contractuels pendant deux mois à partir du 15 octobre. “On n’est même pas sûrs que ces salariés accepteront de revenir. Rendez-vous compte, c’est une profession qui souffre déjà d’un déficit d’attractivité et on découvre que des agents peuvent être jetés du jour au lendemain alors que certains avaient reçu des promesses d’embauche“, soutient Marc Hernandez, de la FSU. L’intersyndicale considère également que les moyens annoncés sont insuffisants. “Ils ne permettent même pas de retrouver un fonctionnement habituel. Or, habituellement, il y a déjà des postes vacants. L’an dernier, nous avions estimé que la PJJ avait 2777 mesures (ndlr : suivis éducatifs, contrôles judiciaires, placements etc) en attente. Il aurait fallu 111 équivalents temps plein pour les assurer.

Ce 19 septembre, les grévistes demandent donc “un plan de titularisation et de recrutement sur l’intégralité des postes vacants et des formations en conséquence”.  Autre revendication au long cours, que les syndicats essaient de remettre sur le devant de la scène : l’abaissement des normes de prise en charge. “Actuellement, un éducateur au pénal peut avoir 25 mineurs à sa charge. C’est beaucoup trop“, affirme Marc Hernandez. Ils souhaitent que leur direction, dépendante du ministère de la justice, respecte tout simplement la loi en publiant les chiffres demandés et associe l’intersyndicale aux décisions budgétaires.