Trois enseignant.e.s du même lycée, à Melle dans les Deux-Sèvres, sont suspendu.e.s depuis six mois, à la suite des mobilisations de l’hiver dernier contre les réformes des retraites et du baccalauréat. Et même une de plus depuis la mi-septembre. Syndiqué.e.s à Sud Éducation, les quatre sont convoqué.e.s à Poitiers cette semaine devant plusieurs conseils de discipline.
« Des enseignant.e.s partout en France ont fait ce qui est reproché aux 4 de Melle aujourd’hui », rappelle Théo Roumier, militant Sud Éducation du Loiret, présent à Poitiers ce lundi 12 octobre, pour l’ouverture du premier conseil de discipline de la semaine. Comme lui, un millier d’enseignant.e.s en grève et militant.e.s venu.e.s des quatre coins de la France se sont donné.e.s rendez-vous devant le rectorat à 14 h. Ici, « il y a une criminalisation de l’action collective démesurée », explique le syndicaliste.
Aux mois de janvier et février 2020, en pleine mobilisation contre la réforme des retraites, des enseignant.e.s et des lycéen.e.s ont perturbé ou bloqué les E3C, ces nouvelles épreuves continues du baccalauréat version Jean-Michel Blanquer. À Melle, cela a été particulièrement agité : des élèves enfermé.e.s à clefs dans les salles, une quarantaine de gendarmes venus prêter main forte au chef d’établissement, et des épreuves reportées à plusieurs reprises.Puis est venu le temps de la répression.
La semaine précédant le confinement, Aladin, Sylvie et Cécile sont covoqué.e.s par le rectorat et se voient signifier leur suspension à titre conservatoire pour quatre mois. Interdiction d’approcher de leur lycée, d’entrer en contact avec les élèves ou les professeurs de l’établissement. Parallèlement, une enquête administrative est lancée. Au mois de juillet, le rectorat décide de prolonger la suspension des 3 de Melle et annonce des commissions disciplinaires peu après la rentrée des classes. Puis en cette mi-septembre : la convocation d’une quatrième enseignante pour un conseil de discipline.
La mobilisation s’amplifie
Malgré les vacances scolaires, 150 profs se retrouvent devant le rectorat de Poitiers le 16 juillet, jour d’une audience entre les représentants de l’académie et les syndicats qui demandent l’annulation des suspensions et l’arrêt de la procédure disciplinaire. En vain, comme lors des précédentes mobilisations devant le rectorat depuis le mois de mars, même appuyées par une pétition qui a recueilli plus de 10 000 signatures au mois de mai. Mais ce lundi 12 octobre, la solidarité avec les 4 de Melle change de braquet.
« Tous les collègues ont eu un tract dans leur casier », explique le responsable de Sud Éducation 86 qui s’attend à une mobilisation importante et une grève suivie dans l’académie pour le premier conseil de discipline de la semaine. En plus d’un appel intersyndical académique le 12 octobre, regroupant la CGT, FO, la FSU, Solidaires et la CNT-SO, les appels à la solidarité se sont multipliés. D’abord localement, avec le soutien des mêmes structures syndicales, cette fois à l’échelle interprofessionnelle dans la Vienne. Et ensuite au niveau national.
Cette date a été portée à l’agenda des fédérations syndicales de l’Éducation nationale, tout comme à celui de syndicats de la fonction publique, et bien sûr à celui de l’Union syndicale Solidaires dans son ensemble. Également aux côtés des 4 de Melle aujourd’hui à Poitiers, plusieurs syndicalistes ayant eux aussi subi récemment la répression, notamment l’inspecteur du travail Anthony Smith ou le conducteur de bus Alexandre El Gamal. En plus du rassemblement à Poitiers, des mobilisations locales sont prévues toute la semaine dans une quinzaine de départements avec des rendez-vous notamment à Clermont-Ferrand, Nîmes, Saint-Brieuc, ou encore Montpellier.
Une fois l’ensemble des conseils de discipline terminés vendredi, la rectrice aura jusqu’à la fin du mois pour décider de suivre leur avis et d’infliger une sanction pouvant aller jusqu’à la radiation, ou au contraire, d’abandonner la procédure. Une décision en concertation avec le ministère. Ce dernier interpellé par l’intersyndicale nationale de l’Éducation au mois de septembre n’a pas daigné répondre jusque-là. Un mutisme qui n’est pas vraiment de bon augure.
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