1er mai Montpellier 2022

1er mai : la bataille sociale suspendue aux législatives

Le 1er mai a rassemblé près de 210 000 personnes sur tout le territoire selon la CGT (116 500 selon l’Intérieur). A peine plus que l’an dernier. Nombre d’entre elles auraient souhaité un 1er mai d’ampleur, pour donner le ton dans la foulée de la réélection d’Emmanuel Macron. A Paris comme à Montpellier, les organisations politiques étaient particulièrement présentes, l’œil tournées vers les législatives. Mais au-delà, les manifestants s’interrogent sur ce qui pourrait déclencher un mouvement social conséquent dans les prochains mois. 

 

« C’est dommage, c’est un moment qui aurait pu être plus important », glisse Jean-François, syndiqué à Sud Santé Sociaux, à la fin de la manifestation montpelliéraine du 1er mai. Celle-ci a réuni près de 2 000 personnes selon les organisateurs. Elles étaient près de 4 000 à Marseille ; 1500 à Grenoble ; ou encore 21 000 à Paris selon le cabinet Occurrence travaillant pour plusieurs médias (50 000 selon la CGT).

Dès dimanche après-midi, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a fustigé « des violences inacceptables » de la part de « casseurs » émaillant le cortège parisien. Le même jour, une quinzaine de militants d’extrême-droite ont attaqué le cortège du 1er mai à Angers. Une vidéo revendiquant l’agression a été postée sur leur canal Telegram. Sur cet événement, l’Intérieur n’a pas dit un mot.

 

Un 1er mai pris dans l’attente des législatives

 

Sous le soleil de Montpellier, la mobilisation du jour n’aura pas eu l’ampleur des grands 1er mai. Dans la foulée du second tour des présidentielles, « je m’attendais à plus de monde », déplore Rachid, salarié du secteur des transports, syndiqué à FO. « Mais je pense que les partis politiques sont plus occupés par les élections législatives. Ils n’ont pas beaucoup communiqué pour le 1er mai… Ils ont oublié le plus important. Généralement, il y a beaucoup de monde ramené par les syndicats et les partis politiques. Aujourd’hui, c’est timide ».

Léonore, enseignante, syndiquée FSU, est venue manifester pour marquer la pression du mouvement social dès la réélection d’Emmanuel Macron. Mais même elle a les yeux tournés vers l’échéance des législatives. Et vers les négociations en cours entre partis de gauche autour de l’Union Populaire. « J’espère bien qu’on aura une majorité parlementaire de gauche. Sinon, on va passer les cinq prochaines années à souffrir. Et on va courber l’échine », lâche-t-elle avec amertume.

Dans le cortège, d’autres demeurent combatifs. Et ce, peu importe la composition parlementaire qui sortira des législatives. « Pour nous, quoi qu’il arrive, le troisième tour, c’est dans la rue », insiste Rachid. Lui et son camarade militant Mohammed, défilant à ses côtés, n’attendent rien des législatives. « Quels que soient les politiques mises en place, on sait que la classe ouvrière va se faire démonter. La sécurité sociale, le système de retraites, tout ce que les anciens ont acquis… On a beaucoup perdu dans les dix dernières années. Avec la réélection de Macron, ça va s’accélérer. Personnellement, je n’y crois plus, aux politiques : je crois à la rue, aux manifestations », conclut-il.

 

« Il faut qu’il y ait un choc »

 

Alors que s’ouvre un nouveau quinquennat Macron, certains ont perdu l’espoir d’un sursaut du mouvement social. Léonore, par exemple, n’y croit plus trop. Elle aimerait un mouvement de l’ampleur des Gilets Jaunes, « mais j’ai des doutes. Je suis pragmatique… » Plus loin dans le cortège, Isabelle, éducatrice spécialisée et syndiquée Sud Santé Sociaux, songe : « c’est comme si on avait pas encore touché le fond suffisamment. On nous appuie encore sur la tête, et tant qu’il y a un peu d’air qui passe, on est contents. Mais nous, on veut des grands courants d’air ! »

D’autres croient encore à un nouvel élan. Sans arriver à déterminer ce qui l’enclenchera. « Il faut qu’il y ait un choc », estime Mohammed, de FO. Le militant évoque le contexte économique actuel, avec une inflation à 4,8 % en avril. Et la hausse du prix de l’énergie. Le gouvernement avait mis en place un bouclier tarifaire pour limiter l’impact de cette hausse sur les ménages, en amont des élections. « Je suis persuadé que ce sera fini à la rentrée, ou alors en août quand tout le monde sera au bord de la plage… La facture d’électricité et de gaz sera alors multipliée par trois ou quatre à la fin d’année. Ça peut faire bouger les choses », croit Mohammed. Il surveille aussi le mouvement étudiant : beaucoup « galéraient déjà à se nourrir et se loger » dans le quinquennat qui vient de s’achever.

 

Salaires, retraites et protection sociale : les batailles à mener

 

En attendant des manifestations plus massives, plusieurs militants misent sur les luttes pour les salaires, plus discrètes. « En interne, dans les entreprises, beaucoup de salariés bougent » soutient Rachid. Lors de l’année écoulée, les batailles autour des négociations salariales se sont multipliées. « En quinze ans » de travail dans le secteur des travaux publics, Mohammed confirme : c’est la première fois qu’il voyait de telles mobilisations.

« Il faut œuvrer dans les boîtes. Il y a des choses qui ont bougé, des mobilisations qui ont permis à des salariés de se poser des questions », abonde Isabelle, l’éducatrice spécialisée, en évoquant les mobilisations du médico-social ces derniers mois autour de la prime Ségur.

Au-delà des salaires, la réforme des retraites annoncée par Emmanuel Macron, avec un report de l’âge légal de départ à 65 ans, est dans tous les esprits. « Il y a aussi un troisième sujet : tout ce qui concerne Pôle Emploi, la Sécurité sociale, l’URSSAF… », ajoute Rachid. « On risque d’aller ver un modèle purement capitaliste. Les syndicats de travailleurs qui y siègent n’auront plus leur mot à dire. C’est tout un système que l’on est en train de démanteler ».

La réforme des retraites, et les autres atteintes annoncées au système de protection sociale, pourront-t-elle enclencher de fortes dynamiques dans la rue ? « Parfois, il y a de grands thèmes comme ça qui ne mobilisent pas. Et parfois, on ne s’y attend pas, mais il y a un ras-le-bol qui s’accumule, et une seule goutte d’eau fait tout déborder », philosophe Jean-François, en arrivant sur la place de la Comédie où s’achève le 1er mai montpelliérain.