Emmanuel Macron a déroulé ce jeudi après-midi son programme pour les cinq ans à venir. Au-delà d’une philosophie générale, annoncée en préalable pour la forme, autour d’une « souveraineté populaire », de « la confiance dans le progrès scientifique et social » et d’un « humanisme », les mesures proposées ressemblent plutôt à du sang et des larmes.
Sans surprise, Emmanuel Macron a confirmé sa volonté de repousser à 65 ans l’âge légal de départ à la retraite. Mais cet après-midi, il a esquissé ce que pourrait être sa méthode. D’abord, la réforme serait « progressive ». Ainsi, pas de bascule à 65 ans pour toutes et tous, et au même moment. La même méthode que la réforme Touraine de 2014 qui augmentait progressivement le nombre de trimestres nécessaire pour une retraite à taux plein. Et qui n’avait pas mis dans la rue des millions de salariés. Enfin, le candidat à la présidentielle laisse déjà entrevoir les éléments de négociation qu’il offrira aux organisations syndicales prêtent à jouer son jeu. À savoir des discussions sur les carrières longues ou sur les types de métiers pouvant bénéficier d’aménagements. Avec l’espoir pour Emmanuel Macron de briser un refus aujourd’hui unanime des organisations syndicales de salariés, CFDT et CFTC incluse.
Autre dossier qui avait déjà filtré la semaine dernière, la remise en cause du RSA tel que nous le connaissons. Annonçant que les devoirs ouvrent des droits et non l’inverse, ce qui représente une certaine révolution dans un État de droits, Emmanuel Macron propose que le RSA soit conditionné à 15 à 20 heures d’activité par semaine. Soit l’équivalent d’un mi-temps pour à peine plus de 500 euros. Du travail dont il n’a pas précisé dans le détail la nature, pour une indemnité dont le montant sera intérieur à un demi-SMIC. Dans le même ordre d’idée, l’actuel chef de l’État a annoncé son souhait de poursuivre la réforme de l’assurance chômage pour l’adapter à la conjoncture. Si c’est encore assez vague, l’idée de faire dépendre les prestations du niveau d’emploi à un instant T, esquissée lors de la précédente réforme de l’assurance chômage, pourrait revenir au-devant des projets macronien. Enfin, la transformation de Pôle emploi en « France travaille » sonne un peu comme une injonction : France, travaille ! Et éventuellement, tais-toi !
Éducation et santé : du neuf avec du vieux ?
En matière d’éducation, d’innovation et de recherche, le cap libéral du chef de l’État se confirme. Pour cette dernière, il annonce 25 milliards sur 10 ans, soit 2,5 milliards par an. Et donc, trois fois moins que pour le plan de résilience annoncé hier par Jean Castex, pour soutenir les entreprises face aux conséquences économiques la guerre. Mais en précisant immédiatement vouloir « renforcer l’autonomie de nos universités ». Un classique libéral. Que les enseignants se « rassurent », ils n’ont pas été oubliés sur ce plan par Emmanuel Macron. Là aussi, plus d’autonomie pour les écoles. Une idée déjà mise en œuvre à titre expérimental il y a un sept mois à Marseille. Avec probablement le libre recrutement donné aux chefs d’établissement et plus de possibilités aux entreprises de faire leur entrée en classe, à l’occasion d’un projet pédagogique. En contrepartie, le candidat évoque une augmentation des rémunérations, mais conditionnée à « des efforts » et de nouvelles missions pour les professeurs, notamment en matière de remplacements des absences. Ici pas question d’augmentation générale pour tous. Pas plus que de recrutements. En gros, du Blanquer pour cinq ans supplémentaires.
Pour ce qui est de la santé, des annonces là-aussi, mais rien de réellement majeur. Des mesures pour la médecine de ville, pour la prévention, des investissements dans des équipements pour 19 milliards. Mais des annonces faisant l’impasse sur un l’hôpital et surtout des personnels hospitaliers au fond du trou. Pas d’annonce sur des créations de postes massives, l’ouverture de lits ou des revalorisations pour mettre fin à l’hémorragie du départ de soignants. Le tout avec une impression semblable à celle gouvernant au moment de l’annonce du Ségur. Beaucoup de choses pour surtout ne pas parler de l’essentiel. Seule exception : les Ehpad. Là, dans le contexte encore frais du scandale Orpea, Emmanuel Macron promet le recrutement de 50 000 infirmiers et aides-soignants. Une surprise. Mais comme toute promesse électorale, elle nécessitera d’être regardé de plus près. Et ne survivra peut-être pas au second tour des présidentielles.
Salaires 0, prime Macron 3000
En matière salariale, pas vraiment de grandes annonces et nouveauté. Ici, c’est la poursuite de la politique gouvernementale consistant à privilégier les primes aux salaires, afin de faire grimper le net occasionnellement. La prime Macron passerait de 1000 euros à 3000 à euros. Mais comme à son habitude : défiscalisée et sans cotisations sociales. Ainsi, elle n’ouvrirait pas de droits supplémentaires pour la retraite et ne participerait pas au financement de la Sécurité sociale, à qui le gouvernement a fait porter une grande part des coûts de la gestion de la crise sanitaire. Pour les fonctionnaires, Amélie de Montchalin avait fait le job en début de semaine en annonçant un dégel du point d’indice avant l’été. Fermez le ban.
Voici quelques éléments saillants du programme du candidat à un second mandat en matière économique et sociale. Bien d’autres mesures ont été avancées ce jeudi, dont certaines confirment le caractère très libéral du projet d’Emmanuel Macron, comme la suppression de l’impôt sur la valeur ajoutée ou une réforme de l’héritage qui favorisera les plus aisées. Nous n’en retiendrons pour le moment que quelques-unes, en symétrie avec ce programme de choc : des moyens significatifs pour la police, l’armée et la justice. On ne sait jamais, ça peut servir en cas de mécontentement trop important.
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