Le Conseil d’État va rendre ce mardi 25 juin son avis sur le projet de décret réformant l’assurance chômage, déposé par le gouvernement. Ce décret fixe les nouvelles règles en vigueur à partir du 1er décembre qui appauvriront plus d’un million de demandeurs d’emploi et excluront 300 000 autres de leurs droits au chômage. Face au maintien de ce projet de réforme en pleine période d’élections législatives anticipées, cinq syndicats lancent une manifestation ce jeudi 27 juin.
La publication par le gouvernement du décret portant sur la réforme de l’assurance-chômage n’est plus qu’une question d’heures, de quelques jours au maximum. Le Conseil d’État doit rendre ce mardi 25 juin son avis consultatif sur le projet de décret qui lui a été soumis. À partir de là, la publication au journal officiel va advenir, avant le 1er juillet.
Par rapport au texte consulté par les négociateurs des organisations syndicales, le texte du décret s’annonce presque inchangé. « Il ne sera modifié qu’à la marge, sur des points techniques. Sur tous les points durs du texte, ceux qui nous font protester, le gouvernement n’a apparemment pas l’intention de bouger », commente Denis Gravouil, négociateur pour la CGT.
En particulier, le durcissement de l’accès aux droits avec le rallongement de 6 à 8 mois de la période travaillée nécessaire pour ouvrir des droits au chômage. Mais aussi la baisse drastique de la durée d’indemnisation ; ou encore les coupes dans les protections jusqu’ici accordées aux seniors privés d’emploi (lire toutes nos explications sur le contenu de la réforme ici).
1,3 million de demandeurs d’emploi précarisés par cette réforme de l’assurance chômage
Pour rappel, aucune étude d’impact de ce décret n’a été fournie par le gouvernement : « comme d’habitude », fustige Denis Gravouil,« et c’est un scandale en soi, sur le plan démocratique ». La seule analyse disponible est celle de l’Unédic (association chargée de la gestion de l’assurance chômage, par délégation de service public). Celle-ci estime que pas moins de 1,3 million de personnes seront précarisées par la réforme. Et 300 000 seront tout bonnement exclus de leur droit à l’indemnisation.
« C’est la réforme la plus violente », résume Denis Gravouil, après les quatre autres décrets réformant l’assurance-chômage publiés depuis 2018 et l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. « C’est le plus gros tour de vis qui soit. On sabre de l’ordre de 15 % des dépenses de l’assurance chômage et on créé 1,3 millions de pauvres ! »
La réforme rapporterait entre 4 et 5,4 milliards d’euros par an d’ici cinq ans, selon l’Unédic, au lieu des 3,6 milliards d’euros annoncés par la ministre du Travail. Or, réaliser de telles économies est difficilement justifiable : les comptes de l’association gestionnaire sont solidement repassés au vert en 2022, année marquée par un excédent de 4,3 milliards d’euros.
Chômage : pourquoi la nouvelle réforme n’a aucune justification financière
Face à cette situation, la CGT, FO, la FSU, l’Unsa et Solidaires lancent un appel, ce jeudi 27 juin, à la manifestation. « Toutes ces réformes, mise en place par les gouvernements successifs depuis 5 ans, ont entraîné des conséquences directes et graves pour les personnes privées d’emploi, tant sur le montant des allocations (-17%), que sur la durée moyenne d’indemnisation (-25%) », rappelle l’intersyndicale dans son appel.
Dans le contexte de la dissolution, un choix politique « désastrueux »
Anticiper l’ampleur de la manifestation de jeudi n’est pas évident. « Difficile d’imaginer que ce soit un raz de marée quand on est déjà en manif tous les week-ends face au risque de l’extrême-droite », concède Denis Gravouil. Maintenir la publication des nouvelles règles en plein contexte de législatives anticipées est un choix « politiquement désastrueux », estime le syndicaliste.
Le gouvernement s’est défendu en mettant en avant la nécessité de publier avant le 1er juillet, afin d’éviter le vide juridique sur les règles en vigueur entre cette date et le 1er décembre. Or, il aurait été tout à fait possible de publier un décret prolongeant les droits ouverts et les règles actuelles, en repoussant après le 1er décembre l’établissement de nouvelles règles.
Avec l’annonce de la dissolution, le président de la République a « suspendu les travaux de l’assemblée : il aurait été normal, en voie démocratique, que les décisions soient remises à plus tard », juge Denis Gravouil. Vouloir à tout prix publier le décret comprenant les nouvelles règles avant le 1er juillet, « ça s’appelle un passage en force », insiste-t-il. « Et cela donne des armes à l’extrême droite ». Extrême-droite qui, par ailleurs, « prétend aujourd’hui être contre cette réforme chômage alors qu’ils ont voté à l’assemblée en faveur de toutes les précédentes ».
Une fois le décret publié, les organisations syndicales l’attaqueront auprès du Conseil d’État. Avec un périmètre comprenant seulement les cinq OS représentatives à l’Unédic ? Ou plus large, à huit ? « Je ne veux pas parler à la place des autres, mais a priori, tout le monde va y aller sur ce recours », indique Denis Gravouil. « On reste unis dans cette bataille ».
Les organisations syndicales peuvent attaquer le décret en référé, ou bien sur le fond. Mais pour recevoir un avis du Conseil d’État avant l’entrée en vigueur des nouvelles règles au 1er décembre, les OS misent plutôt, pour l’heure, sur un référé. Leurs avocats travailleront d’arrache-pied courant juillet sur le décret. « Si on dépose le recours référé dans les deux mois, ce pourrait être jugé en septembre ou octobre », anticipe ainsi le négociateur CGT.
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