agression syndicaliste

Agression de syndicalistes : « il a sorti une arme de poing »


 

Il est 22h à Lorient le 28 mars. Après avoir bloqué et manifesté, des syndicalistes se retrouvent au café pour faire le bilan de la journée. Alors qu’ils discutent dehors, trois hommes, visages masqués, les attendent dans une ruelle et les agressent. L’un d’eux ira même jusqu’à sortir une arme de poing. Solidaires 56 dénonce « une attaque fasciste ». Témoignage.

 

Mathieu*, la trentaine et militant chez Sud santé sociaux 56 (Morbihan), fait partie des 4 personnes agressées. Il raconte.

 

Rapports de Force : Peux-tu nous raconter comment s’est déroulée l’agression ?

 

C’était le 28 mars, après une journée de manifestation où nous étions 12 000 dans les rues de Lorient. Le matin, nous avions bloqué le réseau de bus de l’agglomération. Après la manifestation, nous nous sommes retrouvés au bistrot avec une vingtaine de syndicalistes de Solidaires pour faire le bilan de la journée. Vers 22h, nous étions un petit groupe de 4 à discuter dehors. Un syndicaliste de Sud-PTT, un autre de Sud-Éducation, un cégétiste et moi. Nous avions encore nos gilets syndicaux et étions clairement identifiables. Une cinquième camarade, de Sud-PTT, nous a rejoints. Entre nous, il y avait une petite ruelle sombre. Lorsqu’elle est passée devant, elle y a vu 3 personnes. Leurs visages étaient masqués avec des capuches ou des cagoules. Ces silhouettes la surprennent, elle leur demande ce qu’ils font là. Pas un mot. Durant toute l’agression, qui a duré une minute à peine, les agresseurs n’ont pas dit un mot. On s’est approché pour voir ce qui se passait. Le camarade de Sud-Éducation et celui de la CGT ont pris un premier coup de gaz, un peu à distance, moi et la camarade qui nous rejoignait nous sommes fait gazer en plein visage et la camarade de Sud-PTT a pris un coup de poing au visage. Mon œil droit a mis une heure à se remettre. Les agresseurs s’en vont comme ils sont arrivés… avant que le camarade de Sud-Éducation et la copine des PTT ne voient quelqu’un revenir dans la ruelle. C’est là que l’agresseur pointe une arme à feu, une arme de poing plus précisément, sur nos deux camarades. Puis il s’en va tranquillement, en marchant.

 

[Carte] A la veille d’une présidentielle : 15 mois de violences de l’extrême droite

 

Comment avez-vous réagi après l’agression ?

 

Après on a appelé la police, qui n’a pas vraiment bien géré. Une copine était en état de choc émotionnel, ils lui ont dit que si elle ne se calmait pas ils ne prendraient pas son témoignage… ils ont même menacé de partir. Pourtant ils étaient au courant qu’une arme avait été sortie. On a finalement porté plainte deux jours plus tard. Pour ce qui est de la réponse militante, on en a parlé dès le lendemain en intersyndicale. Et Solidaires 56, dont 4 militant·es ont été visé·es, a publié un communiqué.

 

Cette attaque vous a-t-elle surpris ? Quel est le niveau d’organisation de l’extrême droite à Lorient ?

 

Ce genre d’attaque, ça n’arrive jamais à Lorient. Il n’y a pas de groupe d’action d’extrême droite connu dans le coin, même si la Cocarde étudiante est implantée dans la fac de la ville. On ne sait pas qui étaient ces gens. Tout ce qu’on sait c’est que c’est une attaque fasciste, parce que s’en prendre à des syndicalistes de cette manière, c’est un procédé fasciste. Par ailleurs, en ce moment dans les manifestations on se demande s’il n’y a pas une infiltration de l’extrême droite. On remarque des personnes avec des comportements inhabituels, mais pour l’instant ça ne va pas plus loin, on reste vigilants.

 

Cette attaque va-t-elle peser sur votre travail militant ?

 

C’est un peu tôt pour le dire. Nous ne nous laissons pas intimider et nous n’avons pas peur. Ça ne va pas changer notre militantisme mais on va peut-être faire plus attention, fréquenter des lieux plus sécurisés et ne pas forcément s’attarder dans la rue. Ce qui est sûr aussi c’est qu’on va continuer à mettre des forces dans l’antifascisme.

 

Les idées d’extrême droite et la présence de ses militants, qu’ils soient violents ou non, s’accroissent ces derniers temps. Comment luttez-vous contre l’extrême droite dans le Morbihan ?

 

Jusque là, on n’avait jamais eu à se défendre physiquement contre l’extrême droite. Mais il y a deux ans, on a créé le collectif antifasciste du Morbihan, composé de partis politiques de gauche et de syndicalistes. Il nous a servi de réseau lorsqu’il y a eu des manifestations contre l’extrême droite à Callac ou à Saint-Brévin, lors de la venue de Zemmour ou de ses représentants. Ça nous permet aussi d’organiser des conférences et de faire de la formation.

 

Photo : image d’illustration Ricardo Parreira