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Loi travail : la contestation cherche un second souffle


 

La deuxième journée de grève et manifestation contre la loi travail n’a pas réussi à amplifier la mobilisation, à la veille du conseil des ministres devant entériner les ordonnances. La poursuite du mouvement est maintenant plus complexe, mais les organisateurs du 21 septembre espèrent toujours agréger les mécontentements.

 

Pas de doute, la mobilisation du 21 septembre n’a pas confirmé le nombre encourageant de manifestants du 12 septembre. Moins bien et moins longtemps préparée, de l’aveu d’un syndicaliste, elle a rassemblé 132 000 personnes selon les chiffres du ministère de l’Intérieur contre 223 000 la semaine dernière. La CGT n’a pas communiqué de chiffre global à l’issue de la journée, mais de nombreux syndicalistes interrogés par la presse ont confirmé une érosion du nombre de manifestants.

Malgré ce recul, 50 000 personnes ont encore défilé jeudi à Paris et Marseille. À Lyon et à Toulouse, ils étaient une nouvelle fois autour de 10 000. A Lyon et Marseille, les secrétaires des unions départementales (UD) CGT ont insisté sur la présence de secteurs ne s’étant pas mobilisés le 12 septembre. Et évidemment, sur l’absence de secteurs engagés la fois précédente. Une mobilisation tournante en quelque sorte. Si la CGT n’a pas annoncé la date d’une prochaine journée de grève interprofessionnelle, il ne s’agit pas pour autant de la fin du mouvement contre le texte du gouvernement d’Édouard Philippe. Plusieurs journées sectorielles sont prévues malgré la signature des ordonnances par Emmanuel Macron le vendredi 22 septembre à l’issue du conseil des ministres.

 

Nouvelle séquence

 

Les ordonnances, signées par le président de la République, seront publiées au journal officiel la semaine prochaine, suivies rapidement par les premiers décrets d’applications. Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, a laissé entendre que le Parlement ratifierait la loi dès le mois d’octobre. C’est dans le calendrier de cette séquence institutionnelle que la France insoumise appelle à une manifestation à Paris le 23 septembre. En amont des débats parlementaires, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon réoriente la contestation sur le champ politique. Les dirigeants de la France insoumise, anticipant une fin de mandat prématuré d’Emmanuel Macron, souhaitent solidifier leur place de premier opposant. Et ainsi, représenter une alternative de gouvernement en lieu et place d’un FN englué dans les difficultés. Quitte à proposer une forme de délégation de la contestation à la France insoumise.

À partir de semaine prochaine, la mobilisation contre la loi travail va se replier sur le plan catégoriel. Dès lundi, les branches transport de la CGT et de FO entament une grève reconductible, avec des blocages attendus. La grève pourrait être suivie dans une profession dominée par les petites entreprises et très directement concernée par les nouvelles règles en matière de signature d’accords d’entreprise. La rencontre mercredi 20 septembre au ministère des Transports, loin de déminer le conflit, a confirmé les inquiétudes des organisations syndicales. Un sujet de préoccupation supplémentaire a même pointé le bout de son nez : le devenir du système de départ anticipé à la retraite spécifique aux routiers. Même s’il est puissant, le mouvement des routiers a peu de chance de faire tache d’huile. Ni la CGT, ni Solidaires n’ont enregistré de frémissement dans d’autres secteurs pour le moment.

Le 28 septembre, c’est au tour des retraités de descendre dans la rue pour dénoncer la hausse de la CSG et une revalorisation insuffisante des pensions. Plusieurs UD de la CGT réfléchissent à faire de cette journée une date de mobilisation plus interprofessionnelle. Même réflexion pour la journée de la Fonction publique du 10 octobre qui s’annonce importante, appelée par neuf fédérations de fonctionnaires. Malgré une difficulté de taille : le périmètre des organisations de fonctionnaires appelant à cette journée. Plusieurs d’entre elles, comme la CFDT ou FO ne participant pas à la contestation de la loi travail. Signe d’incertitude sur le calendrier de mobilisation, la fédération CGT de la fonction publique a déposé un préavis de grève courant sur trois semaines pour parer à toute éventualité.

 

Agglomérer les mécontentements, rallier d’autres confédérations

 

La multiplication des dates sectorielles d’un côté et le résultat en demi-teinte des manifestations du 21 septembre de l’autre, rendent complexes les suites à donner au mouvement contre les ordonnances. La recherche d’une date commune dans le bon timing est au cœur des préoccupations des syndicats contestant la loi travail. La CGT s’est d’ailleurs abstenue de fixer seule une nouvelle date, préférant miser sur la possibilité de créer un front syndical plus large. Philippe Martinez a annoncé prendre contact avec les autres confédérations dans les jours à venir. Plusieurs de ces dernières ayant critiqué les prises d’initiatives unilatérales de la CGT.

Malgré un nombre de manifestants en baisse jeudi, les difficultés pèsent paradoxalement plutôt sur les confédérations n’appelant pas à la mobilisation que sur celles engagées dans la construction d’un rapport de force. Le 19 septembre, les secrétaires généraux de la CFDT, la CFTC et l’UNSA ont publié une tribune commune dans Les Échos critiquant la réforme du Code du travail et appelant le gouvernement à un changement de trajectoire. Opposées au texte, mais ne proposant aucun cadre réel pour intervenir depuis la fin des négociations cet été, elles sont inaudibles dans un contexte où le gouvernement affirme sa détermination.

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Résultat, c’est le camp dit réformiste qui se fracture. La fédération de la métallurgie CFDT a réclamé une position plus ferme de sa confédération et a participé aux manifestations du 21 septembre. À la SNCF, l’Unsa s’est joint à la CGT et Sud-rail pour appeler à la grève. Même chose chez les routiers pour le 25 septembre. Chez les cadres de la CFE-CGC, onze fédérations professionnelles ont participé aux manifestations de jeudi. Enfin, la crise interne a rarement été aussi importante à FO. Jeudi 21 septembre, 58 de ses UD et 8 de ses fédérations ont rallié la CGT et Solidaires, contre 52 et 6 le 12 septembre. Une situation que voudrait bien exploiter la CGT pour élargir le front de la contestation.

Aucune date n’a été encore avancée pour une réunion intersyndicale plus large. Il paraît peu probable qu’elle soit fixée avant que ne se tienne le comité confédéral de FO, annoncé comme particulièrement houleux, les 28 et 29 septembre. D’ici là, les téléphones portables vont chauffer.