Ce 14 avril, le Conseil constitutionnel rendra deux décisions. Censure ou pas de la réforme des retraites ? Accord ou non pour enclencher la procédure de referendum d’initiative partagée (RIP) ? Quels effets les décisions des neuf sages pourraient-elles avoir sur la mobilisation ?
Oui, la situation est inconfortable. Vendredi 14 avril, le mouvement social, à son corps défendant, sera suspendu aux lèvres du Conseil constitutionnel. Plusieurs millions de personnes, mobilisées depuis trois mois par la grève, en manifestations ou dans des blocages, seront contraints de confier leur fin de carrière professionnelle aux « neuf sages de la rue Montpensier ». Une écrasante majorité de l’opinion publique, largement hostile à la réforme, sera à la merci des analyses de droit d’anciens ministres, en partie nommés par Emmanuel Macron.
Pendant que les membres du Conseil constitutionnel examineront la réforme, l’intersyndicale organise une journée de grève et de manifestations ce jeudi 13 avril – début de l’examen du texte par les Sages – mais aussi une journée d’action le 14, afin de maintenir la pression. Or passé cette date, difficile de prévoir la suite de la mobilisation et le prochain appel de l’intersyndicale pourrait bien choisir le 1er mai comme prochaine date de lutte. Une chose est sûre, les décisions prises par les sages pèseront lourdement sur ses choix.
Censurer la loi ?
Pour ce qui est du texte de réforme des retraites, trois options sont envisagées par le Conseil constitutionnel, sur le papier du moins : sa censure totale, aucune censure ou encore la censure de certains articles.
Si le texte est entièrement validé, le gouvernement aura le feu vert pour promulguer la loi. Cette victoire pourrait décourager une partie des personnes mobilisées, au moment où les vacances scolaires par zone défavorisent les manifestations massives. À l’inverse, une censure totale du texte enterrerait la réforme et signerait une victoire du mouvement social. Mais c’est la troisième option qui reste la plus probable : une censure partielle de la réforme.
Pourquoi ? Parce que, rappelons-le, le gouvernement a choisi d’intégrer la réforme des retraites dans un projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificatif (PLFSSR). Or ce type de texte permet de faire voter des lois qui ont un effet sur le budget de la Sécurité sociale pour l’année en cours. C’est a priori le cas du report de la mesure d’âge à 64 ans, puisqu’il devrait commencer à entrer en vigueur dès septembre 2023, mais ce ne semble pas être le cas d’autres articles, comme celui concernant l’index senior.
Si certains articles sont censurés, la décision ne serait pas un camouflé pour le gouvernement. Il pourrait recaser les articles retoqués dans sa future loi Travail, prévue pour l’été, et passer en force sur le plus important : les 64 ans. Ce serait néanmoins un désaveu supplémentaire pour le pouvoir, écornant encore sa légitimité sur les retraites. Et peut-être devenir un motif de colère de plus, et un nouveau carburant pour la mobilisation, après celui qu’a constitué l’utilisation du 49-3 le mois dernier.
Miser sur le RIP ?
Mais la censure du texte n’est pas le seul enjeu. Le 14 avril, le Conseil constitutionnel pourrait avaliser la proposition de loi pour un référendum d’initiative partagée (RIP). Ce sera alors le début d’un parcours long de neuf mois pendant lequel s’ouvrira une campagne permettant de recueillir les 4,87 millions de signatures. Si ces dernières (un dixième du corps électoral) sont recueillies, attention, un référendum n’aura pas lieu automatiquement. En effet, le Parlement aura six mois pour se saisir de la proposition de loi. C’est seulement s’il ne s’en saisit pas qu’un referendum sera organisé.
Brandir le RIP, pensé en 2008 sous Nicolas Sarkozy, comme une solution au conflit des retraites apparaît comme illusoire tant le chemin pour parvenir à un référendum est long et semé d’embûches. Pour l’intersyndicale, miser dessus c’est d’ores et déjà accepter de se battre en terrain hostile. Cette solution plaît plus ou moins selon à quel syndicat on s’adresse et à l’attachement que ce dernier montre à mobiliser par la grève. Mais elle pourrait s’imposer à tous dans la mesure où les grèves reconductibles sont en reflux depuis une semaine.
Néanmoins, si le Conseil constitutionnel donne son aval à cette proposition, une nouvelle ère d’incertitude s’ouvre. L’exécutif pourrait promulguer la réforme, mais cela apparaîtrait comme un nouveau passage en force. Et cela présenterait quelques risques sur le terrain de la mobilisation dans la rue. Un passage en force qui pourrait de surcroît être annulé neuf mois plus tard. Outre une séquence de récolte des signatures sur un temps long, la « séquence RIP » pourrait donc être propice à de nouveaux conflits sociaux dans les entreprises d’ici la fin de l’année, fort d’un syndicalisme qui sort renforcé, notamment sur le plan des adhésions, par la séquence retraites.
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