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Après le grand oral, au mois de mai, un grand mouvement social ?

 

Trois dates de mobilisation rapprochées dans le temps serviront de test social après le grand débat et le grand oral d’Emmanuel Macron. Outre les manifestations du 1er mai, les gilets jaunes appellent à réinvestir les ronds-points samedi prochain, avant une grève qui s’annonce massive dans la fonction publique le 9 mai. Dans le même temps, les secteurs de l’éducation et des services d’urgences hospitalières sont déjà en mouvement et pourraient coaguler le tout.

 

« Il est où le waouh ? », titre la une du journal Libération au lendemain du grand oral du président de la République. Effectivement, rien de vraiment nouveau depuis les éléments ayant déjà fuité la semaine dernière ni de changement de cap. Tout au plus, quelques corrections sur l’indexation des retraites ou le nombre de suppressions de postes de fonctionnaires. Pour les mois à venir, la réforme de l’assurance chômage reste inchangée sur le fond comme dans son calendrier et celle de la retraite à points sera bien présentée dans l’été avec l’instauration d’une décote pour contraindre les salariés à mettre fin à leur activité à 63 ou 64 ans.

Rien de substantiel pour satisfaire les gilets jaunes toujours mobilisés ni la majorité de la population qui exprime du soutien ou de la sympathie à leur égard. Selon un sondage Harris Interactive, seulement 7 % des Français ont trouvé Emmanuel Macron très convaincant et 30 % plutôt convaincant. À l’opposé, 38 % des sondés se sont déclarés plutôt pas convaincu, mais 25 % pas du tout convaincu. Soit un socle de satisfaction qui ne dépasse que marginalement sa base électorale située autour de 22 % pour les élections européennes du 26 mai. En tout cas, un résultat qui n’est pas de nature à éteindre la contestation sociale ni à réellement marginaliser le mouvement des gilets jaunes.

 

Bon anniversaire Macron !

 

« Je ne vois pas comment on sort de ça. Avec les beaux jours, les gilets jaunes vont revenir et installer des barbecues sur les ronds-points », s’inquiétait un conseiller du président dans les colonnes du Parisien fin mars. Chose crainte, chose due. Le samedi 4 mai, après plus de cinq mois de mobilisation, le mouvement des gilets jaunes appelle à un retour vers les origines de son succès : l’occupation des ronds-points. La date correspond à quelques jours près à l’anniversaire de l’élection du président de la République le 7 mai 2017. Pour fêter cela, les barbecues seront de sortie. Reste à savoir si les gilets jaunes arriveront à faire revenir celles et ceux qui se sont éloignés des manifestations et de la répression du mouvement, et surtout s’ils tiendront ces points fixes dans la durée, malgré la fatigue accumulée depuis le mois de novembre.

En attendant le 4 mai, les gilets jaunes seront présents dans les cortèges du 1er mai, à Paris comme en province. Malgré les vacances scolaires, le ou les cortèges de la capitale devraient être fournis dans la mesure où un appel à se rendre à Paris pour « l’acte ultime » a été lancé « à tous les révolutionnaires de France et d’ailleurs » pour en faire la « capitale de l’émeute ». Sur Facebook, il rassemble plus de 13 000 personnes intéressées. Moins coloré Black Bloc, un autre texte propose aux gilets jaunes de marcher « aux côtés des syndicats, ou plutôt devant les syndicats, puisque depuis quatre mois ce sont ces Gilets jaunes anonymes qui portent la lutte sociale et qui l’ont pour beaucoup payé au prix fort ».

Le défilé syndical quant à lui, s’il arrive à trouver sa place à Paris aura sensiblement les mêmes contours que l’an dernier. Nationalement, La CGT, la FSU, Solidaires et les organisations de jeunesse appellent ensemble à « revaloriser les salaires du public et du privé, les minima sociaux, les pensions et développer des services publics de qualité sur l’ensemble du territoire ». Une manifestation à laquelle participera Force ouvrière à Paris et dans de nombreuses villes de France, faisant suite à l’appel unitaire pour la journée interprofessionnelle du 19 mars. Ces défilés feront office de tour de chauffe avant les mobilisations sectorielles du mois de mai et surtout le lourd dossier des retraites à venir. Sur ce dernier, les cartes commencent à tomber : Emmanuel Macron a confirmé la mise en place d’une décote et Force ouvrière a quitté la table des discussions avec le Haut-commissaire à la réforme Jean-Paul Delevoye.

 

Éducation, urgences hospitalières : des secteurs déjà en lutte

 

En attendant une « mobilisation générale » sur les retraites, deux luttes sectorielles pourraient bousculer la situation sociale : l’éducation et les services d’urgences. Dans les deux cas, au-delà des professionnels, leurs enjeux affectent tout le monde. Dans les écoles, des mouvements de grève et des actions impliquant les parents d’élèves se multiplient depuis plus d’un mois. Dans le second degré, les actes de désobéissance remplacent le plus souvent la grève, mais ils se diffusent dans une profession peu habituée à ce type d’action. À tel point que le Snes-FSU a envoyé un sondage auprès de ses adhérents pour tester la pertinence de poser des préavis de grève pendant les épreuves du baccalauréat. Les vacances scolaires en trois zones ont certes mis un coup de frein à cette mobilisation montante, mais le retour dans les classes le 6 mai pour la zone C, trois jours avant la grève de la fonction publique, sera marqué par un retour de la contestation de la loi Blanquer.

Dans la santé, l’engagement d’Emmanuel Macron à ne pas fermer d’hôpital d’ici 2022 cache mal les fermetures incessantes de lits et de services. Dans les services d’urgences, les sous-effectifs et les agressions qui en découlent ont fait déborder le vase. Ceux de l’hôpital Saint-Antoine sont en grève depuis le 18 mars, rejoints depuis le 15 avril par les 25 services d’urgences de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). D’autres urgentistes sont dans les starting-blocks. Un préavis de grève a été déposé à partir du 30 avril au CHU de Nantes, et d’autres services devraient rejoindre l’AP-HP dans les jours qui viennent à Strasbourg, Valence et Lyon. Une contagion n’est pas à exclure dans la mesure où les difficultés s’accumulent dans l’ensemble des services publics de santé.

 

Vers une grève historique dans la fonction publique ?

 

Le 9 mai pourrait faire figure de date pivot dans la mobilisation sociale. Ce jour-là, les neuf fédérations de fonctionnaires appellent ensemble à la grève pour rejeter le projet de loi de réforme de la fonction publique qui prévoit entre autres la généralisation du recours aux contractuels, des plans de départs volontaires et la transformation des instances représentatives du personnel. La grève s’annonce forte, malgré l’annonce par l’exécutif d’un possible abandon de l’objectif de 120 000 suppressions de postes d’ici 2022. Dans l’Éducation nationale, où de nombreuses initiatives ont été prises depuis le mois de mars, la date fédère après les vacances de Pâques. Elle pourrait avoir le même effet aux finances publiques et dans d’autres secteurs.

Cette journée sera-t-elle le point d’orgue de la mobilisation ou le démarrage d’une grève prolongée ? Difficile à prévoir. En tout cas, les neuf fédérations syndicales ont annoncé dès le 12 avril que le 9 mai serait une « étape forte » d’une « mobilisation dans la durée ». Si l’ensemble des syndicats ne mettent probablement pas la même chose derrière la formule, certains imaginent une grève prolongée, même s’il ne faut pas s’attendre à un appel à la grève reconductible des neuf fédérations de fonctionnaires. Ce sera donc la force réelle de cette journée qui donnera la tendance pour la suite, et surtout comme dans n’importe quel conflit le niveau de détermination des agents mobilisés. Des assemblées générales sont prévues ce jour-là, notamment dans l’Éducation nationale.

Rendez-vous au mois de mai pour savoir si un grand mouvement social s’annonce.