Plusieurs semaines de grève ont affecté une quinzaine de sites de Sanofi en fin d’année dernière pour réclamer des augmentations de salaire. Depuis le début d’année, la direction du leader pharmaceutique lance procédure disciplinaire sur procédure disciplinaire. Dans le viseur, des militant.es et élu.es de la CGT et de SUD.
Peu avant midi, une petite centaine de personnes, drapeaux syndicaux en main, s’amassent sur les terre-pleins qui séparent les parkings du site Sanofi de Montpellier de la deux fois deux voies qui les borde. Toutes sont venues soutenir deux déléguées syndicales de SUD-Chimie, Sandrine Caristan et Marion Layssac qui passaient chacune à leur tour devant un conseil de discipline dans la matinée. Plus tôt, 80 salariés s’étaient déjà réunis à l’intérieur du site, avant l’entrevue entre la direction et les deux syndicalistes.
Ce qui leur est reproché : leur présence sur un piquet de grève tenu par des salariés en lutte pendant trois semaines à compter du 24 novembre. Un piquet placé devant l’une des quatre entrées du site, celle de l’unité de production des produits pour investigation clinique. Sans réel blocage, assurent les deux militantes, puisque les camions ont été détournés préventivement par la direction vers les autres accès, pendant cette période. Ce que confirmerait, selon leurs dires, le procès-verbal d’un CSE non encore définitivement validé. Pour autant, cela n’a pas empêché Sanofi d’y voir une entrave au travail et d’envoyer des lettres de recadrage à 15 salariés, expliquent les déléguées de Sud-Chimie.
La direction a également lancé une procédure disciplinaire pour faute lourde à l’encontre de Sandrine Caristan et de Marion Layssac, qui travaillent chez Sanofi depuis 36 ans pour l’une et 17 ans pour l’autre. Avec cette qualification de faute lourde, la multinationale peut prononcer une sanction allant jusqu’au licenciement. Et ce, dans un délai compris entre 48 h et un mois, à partir d’aujourd’hui.
Déjà 7 procédures de licenciement en un mois chez Sanofi
« Sur le site de Le Trait, deux salariés élus CGT sont en procédure de licenciement. L’affaire est aujourd’hui entre les mains de l’inspection du travail », rappelle au micro Jean-Louis Peyrin, délégué syndical central CGT chez Sanofi. Mais ils ne sont pas les seuls à être inquiétés. Une autre procédure sur le site d’Ambarès près de Bordeaux a conduit à la sanction d’un salarié sans aller jusqu’au licenciement. Enfin, mardi 7 février à Vitry, ce sera au tour d’un délégué syndical central CGT d’être « convoqué à un entretien pour sanction pouvant aller jusqu’à licenciement ». Le mois dernier déjà, un salarié du site de Montpellier avait été viré.
« Le signal que la direction envoie à tous les salariés c’est : “regardez, j’attaque les élus, demain ce sera vous si vous bougez” », analyse Jean-Louis Peyrin qui exhorte les salariés à faire bloc. Un avis partagé par les deux déléguées de Sud-Chimie incriminées, qui rappellent la force du mouvement sur les salaires de novembre et décembre 2022. Ce dernier a permis d’arracher quelques augmentations, qui restent toutefois insuffisantes au regard des bénéfices colossaux que la multinationale a distribués à ses actionnaires en 2021 : 4 milliards d’euros.
En tout cas, face à cette pluie de licenciements, la CGT Sanofi appelle d’ores et déjà à un rassemblement devant la direction générale du travail à Paris le 9 mars. En plus de celui de ce matin et du rendez-vous du 7 février à Vitry à 13 h. Un appel dont l’objet est de se tourner vers le ministère du Travail, qui en dernier lieu valide ou invalide les licenciements des salariés protégés.
À Montpellier, si la décision de la direction tarde, les deux militantes de Sud-Chimie devront passer leur entretien individuel annuel, afin de fixer leurs objectifs de 2023. Une situation très inconfortable que Sandrine Caristan résume simplement : « mon objectif 2023, c’est de conserver mon travail ».
Photo : Ricardo Parreira
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