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Fonction publique : face à la mobilisation des fonctionnaires, le gouvernement reste droit dans ses bottes


 

Ce 9 mai, 108 000 fonctionnaires selon le ministère de l’Intérieur, 250 000 selon la CGT, ont défilé dans 150 villes de France. Les 5,5 millions d’agents des trois fonctions publiques étaient appelés à arrêter le travail par leurs neuf fédérations syndicales. Encore une fois, l’éducation nationale, mobilisée aussi contre les lois Blanquer, a fourni le gros des troupes. Dans ce secteur, de nouvelles grèves, éventuellement reconductibles, se préparent.

 

Avant même le début des premières manifestations, le secrétaire d’État en charge de la réforme de la fonction publique donnait une fin de non-recevoir aux fonctionnaires mobilisés en cette journée de grève. « Nous avons eu quinze mois de concertation, six semaines de consultations officielles, ensuite j’ai accepté beaucoup d’amendements présentés par les deux syndicats qui ont joué le jeu des amendements, la CFDT et l’Unsa », a annoncé Olivier Dussopt sur le plateau de Cnews jeudi matin, excluant toute renégociation. Mais pour renégocier, il faut avoir négocié. Or, concertations et consultations ne sont pas forcément synonymes de négociations. Ainsi, le texte du projet de loi qui arrive lundi à l’Assemblée nationale en première lecture ressemble de très près aux intentions originelles du gouvernement.

Les premiers défilés jeudi matin ont regroupé 5000 manifestants à Lyon et Nantes selon les organisateurs, 4000 à Marseille ou encore 2500 à Clermont-Ferrand. Un niveau de mobilisation en demi-teinte : loin d’être ridicule, et même réellement fourni du côté des enseignants, mais sans être la déferlante qu’une journée appelée par toutes les fédérations de fonctionnaire aurait pu laisser imaginer. D’autant que le projet de loi va modifier profondément la fonction publique en utilisant bien plus de contractuels, en lançant des plans de départs volontaires et en fusionnant les instances représentatives du personnel.

 

Une mobilisation de taille moyenne

 

Signe de l’importance donnée à la journée par les confédérations syndicales, les secrétaires généraux de la CGT, de la CFDT et de Force ouvrière étaient présents en tête du cortège parisien en début d’après-midi. Philippe Martinez, Laurent Berger, et Yves Veyrier ont ouvert une manifestation qui a compté 30 000 personnes selon la CGT. L’unité de l’ensemble des organisations de fonctionnaires « devrait alerter le gouvernement », a averti Philippe Martinez en réponse à l’intransigeance de l’exécutif. Même son de cloche pour son homologue de Force ouvrière qui considère qu’Olivier Dussopt fait « une grave erreur en pensant qu’il n’y a rien à négocier ».

Dans la capitale comme ailleurs, l’Éducation nationale a fourni le gros des troupes, suivie par les finances publiques assez bien représentées. Alors que les services d’urgences sont en grève depuis plusieurs semaines à Paris, les membres du collectif Inter-urgences ont profité du passage du défilé à proximité du ministère de la Santé pour faire un die-in. Pour autant, les chiffres de grève donnés par le ministère de la Fonction publique font état d’une grève modérément suivie.

Ainsi, 17,59 % des enseignants du primaire et 11,68 % de ceux du secondaire ont cessé le travail ce 9 mai. À titre de comparaison, le 19 mars, le ministère avait comptabilisé 24 % de grévistes dans les écoles. Aujourd’hui, dans la fonction publique d’État ce chiffre ne dépasse pas les 11,4 %. Il tombe à 4 % chez les hospitaliers et 3 % dans la fonction publique territoriale. Les fédérations de fonctionnaire avaient annoncé en amont de cette journée de grève qu’elle serait une étape dans une mobilisation inscrite dans la durée. Mais en l’absence d’une vague contestataire, les différences de lignes et de stratégies entre syndicats risquent de refaire surface et de rendre incertaines les prochaines échéances.

 

Grèves reconductibles et actions à la carte dans l’éducation

 

En attendant une nouvelle date de mobilisation de l’ensemble de la fonction publique, la contestation de la loi Blanquer continue, l’œil rivé sur le passage du texte au Sénat entre le 14 et le 21 mai. Ainsi, la date du 14 mai a été retenue par plusieurs assemblées générales pour se mobiliser. À Lyon, les établissements du quartier Vaulx-en-Velin poursuivent la grève dès demain, mais ils seront rejoints à partir de mardi par d’autres enseignants de la ville de Lyon. À Toulouse et Montpellier, le 14 mai a été retenu pour appeler à une grève reconductible. À Paris, pas de grève illimitée à partir du 14 mai, mais l’assemblée générale réunissant 250 enseignants a décidé d’une action ce jour-là, comme le 16 mai et le 18 mai.

À Angers, c’est le 13 mai qui a été retenu pour commencer une grève illimitée, alors qu’à Nantes déjà marqué par trois semaines de grève avant les vacances, ce sera plutôt des actions avant une ou deux journées de grève les 20 et 21 mai. Au-delà de ces tentatives, de forcer le destin, le syndicat FSU fait la promotion d’une mobilisation le samedi 18 mai, sans grève, mais avec les parents. Au milieu de toutes ces dates et actions diverses, la réunion dimanche d’une coordination nationale des collectifs contre la loi Blanquer, et surtout celle de la prochaine intersyndicale, pourrait mettre un peu d’ordre, ou du moins d’unité, dans tout cela.

À moins que les assemblées générales d’enseignants prévues vendredi et la semaine prochaine dans de nombreux départements n’en décident autrement. Ou bien sûr qu’une nouvelle date dans la fonction publique ne bouscule encore ce calendrier, à défaut de réussir pour le moment à bousculer vraiment le gouvernement.