Les salariés de Moët & Chandon et Ruinart, appartenant au premier groupe de luxe au monde, LVMH, ont encore mené une action ce lundi pour rendre visible leurs revendications face à l’absence inédite de versement de leur prime de participation. Après la grève du vendredi 5 décembre, la CGT envisage d’autres actions plus fortes si la direction persiste dans son refus.
C’était « Christmas Party », ce lundi soir, chez Moët & Chandon et Ruinart, filière de LVMH. La cérémonie annuelle des vœux, avec discours et coupes de champagne en clôture, dans la branche « Vins & Spiritueux » du premier groupe de luxe au monde appartenant au milliardaire Bernard Arnault. Mais ce soir-là, dans la cour de l’hôtel Chandon, à Épernay, une quarantaine de salariés se regroupe, à l’appel du syndicat CGT de Moët & Chandon/Ruinart.
Une action dans le calme, pour se rendre visible et maintenir la pression exercée depuis vendredi dernier. Ce jour-là, un mouvement de grève a été déclenché par le syndicat en réaction au non-versement exceptionnel de la prime de participation des salariés. « On nous a annoncé que ce serait zéro lors de notre dernier CSE. Auparavant, on pouvait avoir une prime en fin d’année qui venait compenser sa baisse. Mais cette année, LVMH ne donne rien à aucune des maisons », expose Philippe Cothenet, secrétaire général adjoint de la CGT Champagne. Les syndicalistes ont demandé une prime de partage de la valeur, ou a minima une prime de Noël, mais font face à une fin de non-recevoir.
C’est la première fois depuis sa création en 1968 que la prime de participation n’est pas versée tout en continuant de dégager de la valeur, assurent les syndicalistes. Et la perte estimée de ces bonus de fin d’année est loin d’être anodine : elle équivaut à 15 à 30 % du salaire, selon la CGT. « Notre salaire repose beaucoup sur ces primes. Les gens vivent dessus, ont des attentes », insiste Philippe Cothenet. Le syndicaliste assure donc que les salariés étaient en demande de mobilisation.
Saisonniers ou en CDI : 90% de grévistes dans les vignobles
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 90 % des salariés de vignobles de Moët Chandon et Ruinart se sont mis en grève vendredi, selon la CGT. Du côté de Veuve Clicquot aussi, des salariés ont débrayé la veille. Chez Moët Hennessy, la branche du cognac, ceux-ci soutiennent sans prendre part aux actions pour le moment, retrace Mediapart. Jordan*, salarié chez Moët qui s’est lui-même mis en grève ce jour-là, confirme la dynamique : « Dès que la direction commence à taper dans le porte-monnaie, tout de suite les gens bougent. Pour d’autres sujets pour lesquels il y a eu des grèves, les saisonniers ne bougent pas ; mais cette fois, on a eu tous les saisonniers aux côtés des CDI », indique-t-il.
Pour la suite, le salarié envisage de suivre d’autres actions voire d’autres mouvements de grève. Mais il met en garde : si les saisonniers ont suivi vendredi dernier, « les mois de novembre et décembre sont leur plus petite paie. On a déjà grillé des cartouches de grèves. Il faudra réfléchir à la meilleure façon d’impacter la direction efficacement », tout en ménageant le porte-monnaie des plus précaires, explique le travailleur du secteur. La CGT, en tout cas, « ne s’interdit pas de faire un mouvement commun de grève, plus ample encore. La direction nous promet de revoir le calcul de la participation en 2026, on leur répond : ”D’accord, mais en 2025 ? Là, maintenant ?” Nous attendons un geste de leur part », appuie Philippe Cothenet.
« LVMH fait un chiffre d’affaires colossal »
La direction de la filière met en avant une année moins profitable que les précédentes pour justifier ces restrictions. Déjà fin janvier, LVMH communiquait sur le sujet : « Après trois années exceptionnelles, la normalisation post-Covid de la demande de champagne et de cognac, amorcée en 2023, s’est poursuivie dans un contexte de ralentissement de la consommation et de marché plus difficile en Chine ».
Un argument peu recevable pour les salariés de la filière. « On a fait 58 milliards chez LVMH, contre 60 l’an dernier. Chez Moët 300 millions, contre 400 l’an dernier. On compte quand même en milliards et en millions ! », souligne Jordan. « LVMH fait un chiffre d’affaires colossal. On est dans le luxe, il y a des dividendes et des marges très acceptables, à faire rêver bien d’autres secteurs », abonde Philippe Cothenet.
Pour rappel, le climat social est déjà compliqué chez LVMH. Le 30 avril, veille de la fête des travailleurs et travailleuses, Moët Hennessy a en effet annoncé la suppression de 12 % des effectifs. Soit 1 200 postes. Une annonce choc, intervenue au détour d’une simple vidéo de communication interne aux salariés. « Plus de 400 sont sortis aujourd’hui sur ces 1200 », indique Philippe Cothenet.
Les NAO -négociations annuelles obligatoires-, ouvertes le 28 janvier à Reims pour toutes les maisons de champagne, avaient engendré des conflits. L’intersyndicale CGT, CFDT et FO ayant refusé la proposition faite par l’employeur d’augmenter d’à peine 1,1%, les négociations avaient été renvoyées aux différents groupes maisons. Au sein du groupe LVMH, une grève avait déjà eu lieu chez Moët & Chandon le 8 avril, avant d’aboutir à un accord sur une hausse à 1,7 %. Chez Canard-Duchêne (groupe Thiénot) et chez Vranken Pommery (groupe Vranken Monopole), les salariés s’étaient mobilisés en avril, notamment, déjà, au sujet de leur prime d’intéressement.
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