Infos pour les mouvements sociaux : ce que vous avez peut-être raté cet été


 

État des lieux de la crise économique, report des réformes de l’assurance chômage et des retraites, mesures sanitaires, féminicides, climat… Rapports de Force vous résume les infos à avoir en tête avant de repartir pour une année de lutte.

 

Crise économique :

 

Alors que la baisse du PIB français était estimée à 13,8% au troisième trimestre selon l’INSEE, l’été a permis d’en amortir la chute grâce à une hausse de la consommation des ménages en juin. Ainsi, le PIB de la France devrait finalement reculer de 10,6% sur l’année 2020 selon la Commission européenne soit un peu plus que la moyenne de la zone euro (8,7%).

Corollaires de la récession, les coupes dans les effectifs des entreprises se sont elles aussi multipliées pendant l’été. Avec 49 000 ruptures de contrats de travail entre début mars et mi août 2020, la Dares comptabilise environ trois fois plus de PSE (plans de « sauvegarde de l’emploi », comprendre « de suppression de postes ») qu’à la même période l’année précédente.

L’aéronautique reste un des secteurs les plus durement touchés avec 5000 suppressions de postes chez Airbus en France annoncées début juillet. Elles s’ajoutent au 7500 déjà programmées chez Air France ainsi qu’à celles des sous-traitant du secteur aéronautique. Daher, AAA, pour ne citer qu’eux, suppriment respectivement 336 et 779 postes.

De grandes enseignes de la grande distribution telles que Camaïeu ou Alinéa ont également essuyé des redressements judiciaires. Repris le 17 août par un fonds d’investissement Bordelais, Camaïeux devra se séparer de 500 de ses salariés. Alinéa, dont le seul repreneur connu est la famille Mulliez, actuel propriétaire de l’enseigne et 6eme fortune française, pourrait quant à lui supprimer un millier de postes. Le tribunal de commerce délibérera le 31 août.

Enfin, les grandes entreprises sont loin d’être les seules à être touchées : entre mars et août 2020, la Dares dénombre 2 700 « petits » licenciements collectifs. Ils concernent en grande majorité des licenciements de moins de 10 salariés. Les secteurs les plus touchés sont le commerce et la réparation automobile (20 %), la construction (18 %), l’industrie manufacturière (16 %) et l’hébergement et la restauration (12 %).

 

Assurance chômage :

 

Avec la crise économique liée au Covid-19, l’ensemble des organisations syndicales de salariés réclamaient l’abrogation des deux volets de la réforme de l’assurance chômage. Les « adaptations rapides » promises en avril par Muriel Pénicaud ont finalement été annoncées cet été. Le 17 juillet, Jean Castex, le nouveau Premier ministre, réunissait représentant des employeurs et des salariés lors d’une « conférence de dialogue social ».

Il leur annonçait le report au 1er janvier 2021 des deux volets de la réforme. Ainsi le volet 2 de la réforme qui devait modifier le mode de calcul des indemnités à partir du 1er avril 2020 est repoussé à la fin de l’année, après avoir été déplacé une première fois au 1er septembre.

En revanche, pour le volet 1, applicable depuis le 1er novembre 2019, il ne s’agit pas d’un retour intégral aux dispositions d’avant cette date. Ainsi, il faudra travailler 4 mois sur 24 mois pour ouvrir des droits au chômage, au lieu de 4 mois sur 18 mois. Mais surtout, le rechargement des droits nécessitera lui aussi 4 mois de travail au lieu d’un seul avant le 1er novembre 2019. Enfin, ces nouvelles règles temporaires ne seront pas rétroactives. Elles ne concerneront que les salariés dont le contrat de travail prend fin au 30 août de cette année. Pour les autres, la réforme s’applique toujours.

 

Retraites :

 

Jean Castex a annoncé aux partenaires sociaux le 17 juillet sa volonté de repousser la réforme du système de retraite. Passée en force avec un 49-3 surprise à l’Assemblée nationale le 29 février, la réforme avait été suspendue à l’occasion de la crise du Covid-19. Mais pas abandonnées ! Le système à point voulu par l’exécutif est renvoyé à plus tard, éventuellement avec des « adaptations », après des discussions tout au long de l’année 2021.

En revanche, le Premier ministre a réclamé un rapport sur la situation financière des caisses de retraite au Conseil d’orientation des retraites. Il entend bien ouvrir des discussions dès la rentrée sur les questions financières afin de combler les déficits liés à la baisse brutale des recettes en cotisations sociales consécutive au Covid-19.

 

Emploi des jeunes :

 

Payer les entreprises pour qu’elles emploient des jeunes et signent des contrats d’apprentissage ou de professionnalisation. C’est le moyen trouvé par le gouvernement pour éviter que 700 000 à 800 000 jeunes arrivant sur le marché du travail ne viennent affoler un peu plus la courbe du chômage. Pour ce faire, Jean Castex a promis une enveloppe de 6,5 milliards pour son plan « Un jeune, une solution ».

Les entreprises embauchant en CDI ou CDD de trois mois ou plus, une personne de moins de 26 ans pour un salaire allant jusqu’à deux fois le SMIC, recevront jusqu’à 4000 €, à hauteur de 1000 € par trimestre. Par ailleurs, le plan de Premier ministre reprend les dispositions en faveur des entreprises en vigueur depuis le 1er juillet : 5000 € pour un apprenti mineur, 8000 € pour un majeur.

 

Ségur de la santé :

 

La partie salariale de l’accord a été validée par l’UNSA, FO et la CFDT le 12 juillet. Elle comprend une augmentation de 183 €, en deux fois d’ici le mois de mars 2021, pour les personnels hospitaliers paramédicaux et administratifs. La partie organisationnelle du Ségur a attendu dix jours de plus pour être dévoilée. Les mesures phares annoncées sont 4000 lits à la demande pour faire face à des pics d’activité, la lutte contre les abus de l’intérim médical qui pèse sur les budgets, la réduction de la tarification à l’acte (T2A), le développement du numérique, l’assouplissement des 35 H et le recrutement de 15 000 agents, dont 7500 pour combler les postes vacants. Et des financements, dont une évolution de l’Ondam dans le projet de loi de finances de la Sécurité sociale. En plus des organisations syndicales n’ayant pas validé le Ségur (CGT, SUD), des collectifs de luttes (Inter-Urgences, Inter-Hôpitaux), un nouveau collectif, Santé en Danger, réclame un Ségur 2 pour satisfaire les besoins et revendications des personnels de santé. Le 19 août une grève illimitée a débuté au service infectiologie de l’hôpital de Laval pour dénoncer un manque de personnel pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

 

Situation sanitaire :

 

Dès le début du mois de juillet, les consultations pour suspicion de Covid-19 sont reparties à la hausse, malgré une faible circulation du virus dans l’hexagone. Le nombre de reproductions du virus (R) passait au-dessus de 1 dans trois régions (PACA, Pays de Loire et Nouvelle Aquitaine). C’est à dire qu’une personne infectée en contamine plus d’une, relançant ainsi la propagation du virus. Puis ce fut le tour de la Bretagne avec un taux de reproduction supérieur à 2. De lente en juillet, la reprise de l’épidémie s’est accélérée en août.

Touchant plus les jeunes avec une grande proportion de cas asymptomatiques, elle n’a pas pour le moment eu de répercussions importantes sur le système de soin. Pour autant, le nombre d’hospitalisations et de placements en réanimation augmente significativement depuis une à deux semaine. De son côté, le nombre de cas positif s’envole pour dépasser les 4000 cas quotidiens, au lieu d’un millier fin juillet.

Mesures sanitaires

Le port du masque s’est imposé dans le courant de l’été. D’abord rendu obligatoire par le gouvernement le 20 juillet dans les lieux publics clos, son port est devenu également impératif au fur et à mesure des arrêtés préfectoraux ou municipaux pris dans un très grand nombre de villes dans le courant de l’été.

Pour la rentrée scolaire confirmée le 1er septembre, le protocole sanitaire est allégé. Tous les élèves sont invités à faire la rentrée. Fini les distances à respecter dans les classes ou à la cantine. Les consignes se recentrent sur le lavage régulier des mains, comme au mois de mars, à l’exception du port du masque rendu obligatoire pour les plus de 11 ans et les enseignants.

Au travail

Le masque sera obligatoire à compter du 1er septembre au sein des entreprises « dans tous les espaces clos et partagés ». C’est la décision sanitaire avancée par Élisabeth Borne devant les organisations professionnelles le 18 août. Ces nouvelles dispositions seront ajoutées au protocole national de déconfinement des entreprises. Seule exception annoncée le 18 août : les personnes travaillant seules dans un espace fermé. Mais depuis, face au mécontentement du patronat, des « adaptations » sont envisagées, après « avis des autorités sanitaires », précise le texte.

 

Remaniement :

 

Emmanuel Macron a nommé Jean Castex pour succéder à Édouard Philippe au poste de Premier ministre le 3 juillet. Notre tête de Turc au ministère du Travail Muriel Pénicaud est remplacée par Élisabeth Borne, celle qui a conduit la privation de la SNCF en 2018. Celle-ci est remplacée au ministère de l’avalage de couleuvre (Transition écologique) par Barbara Pompili (ex EELV). Gérald Darmanin remplace lui Christophe Castaner à l’Intérieur, malgré la reprise d’une enquête le visant à propos d’accusations de viol. Jean-Michel Blanquer, le ministre le plus détesté par les enseignants depuis Claude Allègre, reste en poste et récupère sous son autorité, en guise de récompense la Jeunesse et les Sports.

Confirmé également, Bruno Le Maire hérite d’un ministère élargi : Économie, Finances et Relance. Reste encore en poste Olivier Véran à la Santé, et de façon plus inattendue, Frédérique Vidal à l’Enseignement supérieur et la recherche. Enfin, Eric Dupont-Moretti à Justice et Roselyne Bachelot à la Culture renforce la partie « Grande gueule » du gouvernement. Pour mettre en parole ce casting : Gabriel Attal remplace Sibeth Ndiaye.

 

Police :

 

Le début de l’été avait été mouvementé pour la corporation suite aux révélations concernant de groupes Facebook policiers ouvertement racistes et à des manifestations contre les violences policières, notamment à l’initiative du comité Adama. Le 27 juillet Streetpress a mis en lumière un système de maltraitances racistes au sein du dépôt de tribunal de grande instance (TGI) de Paris.

Selon leurs informations, corroborées par le témoignage, face caméra, d’un officier de police judiciaire, des centaines de prévenus ont été victimes d’insultes racistes et homophobes, d’humiliations, de privation de nourriture ou d’eau voire de refus de soins médicaux. Les témoignages ont été portés à la connaissance du parquet.

 

International :

 

Liban

L’explosion dans le port de Beyrouth de 2750 tonnes de nitrate d’ammonium a dévasté la capitale libanaise mardi 4 août. Le bilan est lourd : 158 morts, 6000 blessés, 21 disparus et 300 000 personnes sans domicile fixe. La population est descendue dans la rue pour demander des comptes, relançant la contestation débutée l’année précédente contre une classe dirigeante jugée corrompue et ne représentant qu’elle même. Les manifestants se sont affrontés aux forces de l’ordre et ont incendié ou pris le contrôle de plusieurs bâtiments ministériels. Le président Michel Aoun a accepté la démission du gouvernement. Depuis le 21 août, le pays est de nouveau confiné pour 17 jours, après une forte augmentation des cas de Covid-19.

 

Biélorussie

Le règne pendant 26 ans de l’autocrate Alexandre Loukachenko est contesté depuis les dernières élections du dimanche 9 août. L’annonce de la victoire du président avec 80,2 % des voix, face à l’opposition, a fait descendre des dizaines de Biélorusses dans les rues. Le régime a usé d’une répression féroce : tir à balles réelles, milliers d’arrestations, tabassage systématique dans les lieux de détention. Une répression qui n’a pas enrayé la contestation. Les manifestations se sont poursuivies doublées d’une grève touchant de nombreux secteurs d’activité. Les dernières manifestations ont eu lieu dimanche 23 août. Elles ont encore rassemblé des dizaines de milliers de personnes à Minsk et dans le reste du pays.

 

 

Et aussi :

 

  • Les citoyens de la convention climat ont adopté un certain nombre de mesures parmi lesquelles : la renégociation du CETA, la régulation de la publicité, la réduction du trafic aérien, la mise en place de la semaine de 28 heures ou encore la diminution de la vitesse sur les autoroutes à 110 kilomètres/heure.
  • Les députés ont adopté l’ouverture de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes, aux célibataires et aux couples de lesbiennes mais pas aux hommes transgenres.
  • 146 femmes ont été tuées par leur « partenaire » en France en 2019 selon une étude du ministère de l’intérieur. Soit 25 victimes de plus qu’en 2018. On dénombre comparativement 27 victimes masculines en 2019.
  • Sous la pression de l’industrie sucrière, affectée par le développement d’une jaunisse dans ses cultures, le gouvernement a autorisé le retour, jusqu’en 2023, des néonicotinoïdes, des pesticides nocifs pour les abeilles. Un premier échec pour la nouvelle ministre de la transition écologique Barbara Pompili.