Pour cette troisième journée de grève nationale des Assistants d’Élèves en Situation de Handicap (AESH), nous revenons sur les perspectives d’une lutte qui prend de l’ampleur d’une journée de grève à l’autre. Quelles suites pour le mouvement ? Des convergences sont-elles possibles ? Où en sont les négociations ?
En chiffres : AESH un métier précaire. Selon les chiffres de la Direction Générale des Ressources Humaines de l’Éducation Nationale de 2020 : 93%, des AESH sont des femmes et seules 17% sont en CDI. Elles travaillent dans leur immense majorité à temps partiel, en moyenne 24 heures par semaine. Leurs contrats, en CDD, durent 3 ans, renouvelables une fois, avec possibilité d’accès à un CDI. Un CDI est toutefois bien différent du statut de fonctionnaire, qui n’existe pas pour leur métier. Payées au SMIC, leur salaire moyen est de 760 € net par mois. Elles interviennent dans les classes auprès d’élèves en situation de handicap de la maternelle au BTS. En 2021, environ 110 000 personnes effectuent le travail d’AESH en France. Notre article pour comprendre la lutte des AESH ainsi que leurs revendications.
Grève AESH : Entretien avec Anne Falciola, AESH et co-animatrice du collectif national AESH de la CGT Educ’action
Aujourd’hui a lieu la troisième journée de grève nationale des AESH. Pouvez-vous nous récapituler cette année de lutte ?
Le 11 février, une première date de grève a été posée à l’initiative de la CGT, c’était la date d’anniversaire de la loi de 2005 pour les personnes en situation de handicap. Nous ne pouvions pas la manquer et elle nous a permis de mobiliser massivement. Elle a été suivie d’une autre journée de grève le 8 avril, où on a senti que la mobilisation montait encore en puissance.
Plus globalement, ça fait maintenant trois ans, depuis la mise en place des PIAL (pôles inclusifs d’accompagnement localisé), que les conditions de travail se dégradent et que la colère monte chez les AESH. Cette année, un niveau de détermination jamais vu auparavant a été atteint. Je pense que le seuil de tolérance de nombreuses personnes a été dépassé. De plus, nous sommes désormais rejoins par la FCPE (Fédération des Conseils de Parents d’Élèves). Les parents comprennent bien que le manque de moyens déployés pour l’encadrement des enfants handicapés nuit à tout le monde.
Qu’attendez-vous de cette journée de grève, quelles suites aimeriez-vous lui donner ?
La date du jour est importante pour souder les troupes et construire la mobilisation future. Une autre date pourrait être posée d’ici la fin de l’année mais dans tout les cas, avec la mise en place du 100% PIAL à la rentrée de septembre 2021, la mobilisation est amenée à se durcir. Pourquoi pas avec un appel à la grève reconductible ? C’en est fini d’attendre après les Grenelles de l’éducation et autres négociations où nous sommes baladées.
Disposez-vous de chiffres de grève ?
Comme nous n’avons pas de statut nous n’émargeons pas sur une quelconque feuille mentionnant notre intention de grève et c’est donc compliqué d’avoir des chiffres. Mais pour la journée d’aujourd’hui, nous avons déjà comptabilisé plus de 70 rassemblements partout en France, ce qui est conséquent !
Une jonction avec les autres précaires de l’éducation, notamment les AED, eux aussi en lutte, est-elle envisageable ?
Ça peut être fait et ça s’est déjà vu à certains endroits. Mais il ne faut pas non plus noyer ces luttes qui ont toutes deux des problématiques spécifiques même si elles se rejoignent sur la question de la précarité (lire notre article sur les AED).
Recevez-vous du soutien de la part des enseignants ?
Chez les enseignants militants et au sein des syndicats, les revendications des AESH sont de plus en plus entendues. Si l’on prend l’ensemble du corps enseignants en revanche, la prise de conscience évolue doucement. Le plus souvent, les enseignants ne connaissent pas notre métier et nos prérogatives précises, ce qui ne facilite pas les rapports entre nous et conduit même à des abus : on demande à des AESH d’outrepasser leurs fonctions. Je pense toutefois qu’avec la mise en place des PIAL, de plus en plus d’enseignants se rendent compte des dysfonctionnements. Ainsi, pour eux aussi, la question des AESH devient de plus en plus incontournable.
Où en sont les négociations avec le ministère de l’Éducation Nationale ?
Durant l’année scolaire 2019-2020, un comité consultatif constitué d’AESH devait être reçu par trois fois au ministère de l’Éducation Nationale. Lors de la première réunion, on nous a écouté. A la seconde on nous a proposé de mettre en place le multi-emploi pour les AESH, en clair, il s’agissait de nous vendre aux collectivités territoriales. Ça ne répondait en rien à nos revendications et nous avons refusé. La troisième réunion a tout simplement été annulée et toutes nos demandes de réception durant l’année 2020-2021 sont restées lettre morte. Ça montre bien ce qui se cache derrière la communication d’un gouvernement qui annonçait faire du handicap une « grande cause nationale » : toujours le même mépris.
A la suite du Grenelle de l’Éducation, le ministre a annoncé une prime de 600 € pour les AESH. Est-ce une avancée ?
Cette « prime » existait déjà ! Il s’agit en réalité d’une indemnité de 600 € brut par an pour les AESH qui acceptent des missions de référent. Concrètement ça correspond à une augmentation de 43 € net par mois pour faire du travail supplémentaire. Ce qui n’est pas cher payé. Une fois encore, c’est de la poudre aux yeux.
Faisons face ensemble !
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