La mobilisation contre la réforme des retraites ne veut pas s’arrêter

 

Deux mois et demi que le gouvernement fait le dos rond face à la mobilisation de la rue et aux grèves. Ce jeudi 20 février, l’intersyndicale nationale appelait à la dixième journée de grève et de manifestation interprofessionnelle, alors que le projet de loi est arrivé dans l’hémicycle depuis lundi.

 

Queue de la comète d’un très long mouvement social ? Temporisation et reprise de souffle pour cette fois passer le cap d’un mois de vacances scolaires par zones, après avoir déjà franchi l’obstacle des fêtes de fin d’année ? Nous ne nous aventurons pas à un pronostic pour un mouvement à qui de nombreux commentateurs promettaient de ne pas passer Noël et le Nouvel An.

Toujours est-il que sans surprise, le nombre de manifestants est moins important ce jeudi 20 février qu’il ne l’était au mois de janvier, surtout dans les villes déjà entrées dans les vacances de février. Là, les bataillons enseignants ont fondu. Pour autant, ce n’est pas une débandade. Loin s’en faut. À Marseille, la CGT annonce encore 40 000 manifestants en ouverture de journée vers 10 h. Au même moment à Clermont-Ferrand 3000 personnes selon la CGT, 2000 selon la préfecture, s’élancent depuis le palais de justice. Ici comme partout, les avocats restent la seule profession encore inscrite dans une forte grève reconductible sur tout le territoire.

« Il est difficile d’arrêter quand on n’a rien gagné. Après sept semaines, certains évoquent d’autres formes de mobilisation que la grève, mais faute de propositions concrètes pour garder un rapport de force, on continue » explique une avocate croisée dans un des défilés. Dans la plupart des barreaux, la grève a été reconduite cette semaine, le plus souvent de façon écrasante. Par conséquent, les robes noires sont toujours très visibles au cœur de toutes les manifestations du jour.

 

Encore des dizaines de milliers de manifestants

 

« À 500, je signais », sourit un responsable CGT en constatant un cortège finalement moins anecdotique que ce qu’il aurait pu être. Ils sont encore plus d’un millier à défiler à Montpellier sur un parcours raccourci par anticipation des vacances scolaires déjà commencées, et partant symboliquement de la Sécurité sociale. La mobilisation a réuni environ 2000 personnes à Limoges, Pau, Bayonne et Rouen, 3000 à Caen et Rennes, 4000 à Grenoble. À Bordeaux, où les vacances ne commencent que demain soir, la préfecture annonce 2500 participants quand les syndicats avancent le chiffre de 13 000.

À Lyon, la CGT annonce 8000 manifestants, sensiblement autant que lors de la dernière journée interprofessionnelle le 6 février. Mais ici, comme partout, « la faiblesse de la grève » inquiète. Le défilé commençant à 11 h 30 dans la capitale des Gaules, de nombreux salariés ont, soit débrayé sur le seul temps de la manifestation, soit profité de la pause déjeuner pour rejoindre le cortège, concède un syndicaliste.

A Toulouse, le mouvement social a encore du jus. La manifestation a rassemblé 20 000 personnes selon la CGT, 2700 selon la préfecture. Des actions de visibilisation ont émaillé le parcours : grandes banderoles noires dont Act Up Sud-Ouest et les hospitaliers en lutte ont le secret pour dénoncer la nomination du nouveau ministre de la santé Olivier Véran, flash mob “à cause de Macron” ou encore, banderole déployée par la CGT construction et le collectif de gilets jaunes BTP en colère 31/81. Inédite, l’action des travailleurs du BTP visait à dénoncer la non prise en compte de la pénibilité de leurs métiers dans le calcul des retraites.

 

 

A Paris, la manifestation est encore bien fournie, la CGT annonce 50 000 manifestants. Après plus de deux mois de luttes, des liens se sont tissés. Les étudiants de l’EHESS et les éboueurs, qui tiennent un piquet de grève ensemble, tapent la pose pour la photo. Dans un registre plus tragique, les travailleuses et travailleurs de la santé ont fait une minute de silence pour Elodie, infirmière tuée à Thouars pendant son service. Une minute que Richard Ferrand  n’avait pas accordée dans l’hémicycle.

Rebondir en mars ?

 

Comme attendu, la mobilisation du jour n’est pas la plus massive qu’ait connue le mouvement depuis le 5 décembre. « Nous sommes autour de 10 % de grévistes avance un cheminot montpelliérain ». Un peu plus que ce que représente une « grève militante », mais pas au-delà d’arrêts de travail réunissant les plus convaincus et les plus déterminés. En effet, le conflit a été long à la SNCF et les payes de février vont encore être faibles pour de nombreux cheminots. « Nous sommes dans une période où nous devons gérer des contradictions », confie de son côté un responsable départemental de la CGT. Pour lui, l’équation est la suivante : « nous devons à la fois maintenir un rythme, nous adapter au calendrier parlementaire et gérer avec ceux qui ont fait grève longtemps ».

Les questions du rythme et des perspectives sont justement celles que se posent bien des manifestants ce 20 février. Ce soir, l’intersyndicale nationale se réunira et fixera probablement un nouveau calendrier de mobilisation. Cependant, les discussions vont bon train entre grévistes sur les possibilités d’un rebond de la mobilisation en mars ou au-delà. Des dates apparaissent déjà dans le paysage : certaines assemblées générales, surtout à Paris et dans le secteur de l’éducation, évoquent celle du lundi 16 mars, début d’une semaine noire. D’autres imaginent un samedi massif avec une montée nationale à Paris, éventuellement le 14 mars.

En tout cas, chacun cherche une date qui redonne courage. Une date qui à l’instar du 5 décembre, posée initialement par les syndicats de la RATP après la grève extrêmement suivie du 13 septembre, relance le mouvement. Un Saint Graal se situant forcément après le 9 mars, date de la rentrée pour la dernière zone en vacances au mois de février.

Stéphane Ortega et Guillaume Bernard