Pendant 1 an et 4 mois, une note de service a restreint le droit de grève des agents dans les crèches et les écoles de Lyon. Mais le 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette note, jugée non conforme au droit.
« La note de service du 23 août 2021 est entachée d’incompétence », constate le tribunal administratif de Lyon. C’est pour cette raison que la juridiction lyonnaise a décidé de son annulation le 30 décembre 2022. Depuis août 2021, la note émise par le directeur général des services de la municipalité lyonnaise, avec l’aval de la majorité écologiste, limite le droit de grève des agents municipaux employés dans les crèches et les écoles lyonnaises. Elle stipule que toute heure de grève effectuée dans une journée entraîne automatiquement une retenue de salaire d’une journée. Elle oblige également les salariés à prévenir de leur mouvement de grève 48 heures à l’avance. A l’époque, c’était un réel coup de frein aux mobilisations de ces salariés aux bas salaires, familiers des grèves d’une ou deux heures.
Un périmètre d’application flou
Oui mais voilà, cette note de service, attaquée par les syndicats CGT et CFDT de la ville de Lyon dès l’été 2021, « méconnaît les modalités d’exercice du droit de grève », soutient le tribunal administratif lyonnais. D’abord parce que, si l’encadrement du droit de grève dans les collectivités territoriales est permis par la loi de transformation de la fonction publique de 2019, celui-ci n’est possible qu’après avoir engagé des négociations avec les organisations syndicales. Ces négociations doivent permettre de déterminer précisément quels sont les services, les fonctions et le nombre d’agents jugés indispensables à la continuité du service. Car seuls ces derniers pourront être affectés par la limitation de leur droit de grève. Si la municipalité souhaite se passer de négociations, ou si elles n’aboutissent pas, c’est au conseil municipal de voter.
Cela a eu lieu dans d’autres municipalités qui, bien que de gauche, ont limité le droit de grève de leurs salariés : à Marseille, les syndicats majoritaires ont signé*, à Montpellier, le conseil municipal a voté.
Simulacre de négociation
Et à Lyon ? Incompétence. « Si la ville de Lyon fait valoir que des négociations avec les syndicats auraient été entreprises, il ne ressort d’aucune des pièces des dossiers qu’une délibération aurait été votée ou qu’un accord aurait été passé avec lesdites organisations », écrit le tribunal administratif. Et pour cause, il ne s’agissait pas de réelles négociations mais de réunions nommées « comités de dialogue social », nous informait à l’été 2021, Sébastien Douillet de la CGT ville de Lyon. Des réunions entre administration, élus et syndicalistes de la municipalité, où aucune décision n’est prise et donc aucun papier signé.
Ainsi, en l’absence de négociation ou de vote, impossible de déterminer le périmètre exact de la réduction du droit de grève. C’est sur ce flou que s’appuie le tribunal lyonnais pour déclarer la note de service illégale. Car interdire à n’importe quel salarié municipal travaillant dans une crèche ou une école de faire grève une seule heure, avant même qu’un préavis n’ait été déposé, reste totalement illégal, réaffirme le tribunal de Lyon.
Une incompétence… stratégique ?
Cette incompétence est-elle si étonnante ? Oui et non. Même si la décision de justice est un coup dur pour la ville de Lyon, la note de service a permis de restreindre le droit de grève pendant près d’un an et demi. Elle avait de plus été publiée à un moment stratégique : quelques jours à peine avant le début d’une grève qui s’annonçait massive à la ville de Lyon. Une grève contre l’application de la loi de transformation de la fonction publique, celle qui a permis de nouvelles limitations du droit de grève. La note bancale de la direction générale des services est donc un bien mauvais coup sur le plan du droit, mais un joli coup pour casser une grève. Comble de l’ironie, à l’époque elle avait été portée par Laurent Bosetti, adjoint chargé de la promotion des services publics et élu La France insoumise (LFI).
« Dans les cantines, une seule heure de grève posée à midi par quelques agents suffit à paralyser le service. Les parents sont obligés de venir chercher leurs enfants à l’école, ce qui coupe leur journée. Ils sont à bout, se sentent pris en otage et nous envoient des lettres de plaintes et des pétitions. Certains nous disent qu’ils vont envoyer leurs enfants dans le privé, d’autres qu’ils risquent le licenciement à force de manquer le boulot », déclarait-il à l’époque. Les militants LFI locaux s’étaient finalement fendus d’un communiqué pour se désolidariser. Contacté à la suite de la décision du tribunal administratif, Laurent Bosetti nous a redirigés vers le service presse de la ville de Lyon. Ce dernier n’a pour l’heure pas donné suite à nos sollicitations.
*MISE A JOUR : Malgré la signature de FO, la CFTC, la CGC et l’UNSA, le tribunal administratif de Marseille, sur demande de la CFDT, la CGT et la FSU a annulé l’encadrement du droit de grève des agents de la municipalité. Les raisons ? D’une part, le comité technique de la commune n’avait pas été consulté sur cette délibération et, d’autre part, cette délibération ne pouvait légalement imposer aux agents grévistes d’exercer nécessairement leur droit de grève dès leur prise de service. La municipalité a fait appel, mais la cour administrative d’appel de Marseille a refusé, le 20 décembre 2022, de surseoir à l’exécution du jugement. Les agents peuvent toujours faire grève comme avant.
Faisons face ensemble !
Si les 5000 personnes qui nous lisent chaque semaine (400 000/an) faisaient un don ne serait-ce que de 1€, 2€ ou 3€/mois (0,34€, 0,68€ ou 1,02€ après déduction d’impôts), la rédaction de Rapports de force pourrait compter 4 journalistes à temps complets (au lieu de trois à tiers temps) pour fabriquer le journal. Et ainsi faire beaucoup plus et bien mieux.