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Obligation vaccinale : « quelques personnes en moins suffisent à faire fermer un service »

 

Ce 15 septembre, l’obligation vaccinale pour les soignants rentre en œuvre. Si une large partie d’entre eux est vaccinée, la suspension des quelques professionnels non vaccinés pourrait faire des trous dans les effectifs d’un hôpital public qui fonctionne déjà à flux tendu. Face à ce risque, la mobilisation peine à prendre.

 

Alors que l’obligation vaccinale pour les soignants prend effet aujourd’hui, un peu plus de 88% d’entre eux ont déjà reçu au moins une dose dans les hôpitaux et les EHPAD quand ils sont près de 94% parmi les libéraux (chiffres Santé Publique France au 7 septembre).

Au-delà du 15 septembre, les non-vaccinés devront quant à eux poser leurs congés avant d’être suspendus sans versement de salaire. « J’ai 10 jours de congés à poser, après on me coupe les vivres. Avec d’autres soignants dans le même cas, on réfléchit déjà à s’entraider financièrement pour tenir après le 15 septembre », raconte Isabelle*, infirmière lyonnaise depuis plus de 30 ans, qui refuse la vaccination.

 

Obligation vaccinale : la crainte du sous-effectif

 

Mais la suspension des non-vaccinés n’affectera pas ces seuls soignants : l’hôpital public, qui a fermé 1800 lits d’hôpitaux dans les 18 derniers mois et souffre d’ un déficit chronique de soignants dans certains services, risque d’avoir du mal à surmonter une baisse de ses effectifs.

« Pour nous c’est clair : suspendre des soignants non vaccinés est plus dangereux que de les laisser continuer à exercer leur métier. Car, si les suspensions entraînent des fermetures de lits et donc des pertes de chance pour nos patients, ce sera une catastrophe pour l’hôpital public. Quelques personnes en moins suffisent à faire fermer un service, c’est pour cela que nous pensons qu’aucun soignant ne doit manquer au-delà du 15 septembre », estime Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France et membre de la commission exécutive de la CGT Santé Action Sociale. « Je pense également que le contexte des élections présidentielles joue. Macron veut tellement montrer qu’il ne cède rien, qu’il refuse de repousser l’échéance de l’obligation vaccinale au détriment de la santé publique », ajoute Christophe Prudhomme.

De fait, les services sont tellement à flux tendu que quelques trous dans les effectifs suffisent à les faire fermer. « Au centre hospitalier de Sète, il n’y a que 23 non vaccinés pour 1500 personnes, confie un syndicaliste de la santé. Mais ça suffit pour fermer un soin de suite**. En Ariège, c’est une maternité qui risque de fermer par manque de sages-femmes », confie-t-il.

 

Réaction épidermique des soignants

 

Aux HCL (Hospices Civils de Lyon) où 90% des 24 000 salariés (toutes professions confondues) étaient vaccinés au 8 septembre, les syndicats SUD et FO mènent une contestation contre l’obligation vaccinale depuis le mois de juillet. Dans le cortège, composé d’une cinquantaine de personnes, qui déambule dans les rues de Lyon le 9 septembre, s’expriment, certes, la peur, voire le rejet frontal du vaccin, mais, également, l’opposition totale à toute parole émanant du gouvernement.

« La vaccination n’est pas le problème principal de l’hôpital public. Le problème ce sont les lits d’hôpitaux qui ne cessent de fermer et la casse de notre système de santé. Oui certains soignants ont peur de se faire vacciner et veulent avoir plus de recul sur le vaccin, oui ils détestent qu’on les stigmatise et qu’on leur force la main de cette façon surtout après leur avoir demandé de faire des sacrifices pendant toute la crise sanitaire », dénonce Louiza Nouari, secrétaire de la section Force Ouvrière de l’Hôpital Édouard Herriot.

À Nîmes, un syndicaliste de Sud-Santé-sociaux explique que l’opposition à l’obligation vaccinale est bien présente dans les rangs des soignants. Pour lui, elle a de nombreuses sources : colère face à la gestion du début de l’épidémie refus de la culpabilisation, peur de ce vaccin, ou, à la marge, opposition totale au vaccin.

 

La mobilisation prise entre deux feux

 

Pour tenter de donner un débouché politique à cette colère, une mobilisation nationale contre l’opposition vaccinale et pour l’ouverture de lits s’est tenue ce 14 octobre, notamment à l’appel de la CGT Santé Action Sociale. Partout en France, elle a pris diverses formes en fonction des villes et des appels syndicaux et a souvent été prise en tenaille entre volonté de rassembler et crainte d’être rejointe par la frange la plus droitière de l’opposition au passe sanitaire ou par des manifestants anti-vaccins.

« Dans l’Hérault, il n’y pas eu d’appel en dehors des antivax pour le 15 septembre. Ils ont déjà fait un rassemblement devant la CHU il y a 2 ou 3 semaines qui a réuni une vingtaine de personnes, dont les 3/4 extérieures aux services d’hôpitaux. À Béziers, les syndicats ont été débordés par ces mouvements lors d’un rassemblement en août et ça ne donne pas envie… », explique un syndicaliste de la santé.

À Paris, de nombreux syndicats et collectifs se sont réunis devant le ministère de la Santé « Y compris dans nos syndicats, des camarades expriment des doutes par rapport au vaccin, qu’est ce que vous voulez qu’on fasse ? On ne va pas les exclure pour ça. Alors on leur demande de ne pas porter de badge CGT quand ils se rendent dans ce type de manifestation », témoigne Christophe Prudhomme.

Comme ces manifestations excèdent rarement quelques centaines de personnes même dans les villes les plus grandes, leurs configurations locales varient au grès des appels et des personnalités présentes dans les cortèges. À Lyon, alors que la CGT de l’hôpital Édouard Herriot n’avait pas appelé à rejoindre la manifestation de SUD et FO le 9 septembre, ne la trouvant pas assez claire sur la question de vaccination, les 3 organisations participaient à la manifestation du 14 septembre.

A Nîmes, où Sud-Santé-Sociaux s’est positionné publiquement pour dire que les manifestations antipasse sanitaire du samedi « ne sont pas des manifs de notre camp social », c’est le schéma quasi inverse : la CGT n’a pas manifesté le 14 septembre tandis que Sud et FO ont appelé à un rassemblement devant l’ARS mercredi.

Alors que l’obligation vaccinale prend effet, difficile d’imaginer quelle pourra être la suite de cette mobilisation dans les hôpitaux. « Si on observe des pertes de chance due à la suspension des soignants après le 15 septembre, la bataille pourrait bien continuer en justice », menace Christophe Prudhomme.

 

 

* : Le prénom a été modifié
** : L’activité de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR) a pour objet de prévenir ou de réduire les conséquences fonctionnelles, physiques, cognitives, psychologiques ou sociales des déficiences et des limitations de capacité des patients et de promouvoir leur réadaptation et leur réinsertion.

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