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Pourquoi un délégué syndical a fait 16 jours de grève de la faim à la raffinerie de Donges

 

Fabien Privé Saint-Lanne, délégué syndical CGT de la raffinerie Total de Donges, a achevé sa grève de la faim vendredi 11 mars, après 16 jours de jeûne. Mais à l’heure où la deuxième plus grande raffinerie de France annonce son redémarrage, après deux ans d’arrêt, son action individuelle pourrait bien se muer en lutte collective.

 

Il a perdu 11 kg mais « garde la tête haute », écrit la CGT Total Donges (Loire-Atlantique) dans un communiqué. Vendredi 11 mars, Fabien Privé Saint-Lanne, délégué syndical CGT à la raffinerie de Donges, a cessé sa grève de la faim entamée 16 jours plus tôt. « Le but n’était pas de se mettre en danger », explique David Arnould, élu CSE sur le site Total de Donges et militant CGT. Son action visait à s’opposer aux sanctions disciplinaires infligées par la direction du site à un de ses collègues ainsi qu’à lui, à la suite d’un mouvement de grève précédent.

Rembobinons : début février, les 58 salariés (54 roumains et 4 italiens) de l’entreprise italienne CIPA, sous-traitante de 2e rang de Total, se mettent en grève (voir notre article). Leur employeur ne les a pas payés depuis deux mois. La CGT de la raffinerie Total mène la lutte à leurs côtés, leur fournissant barnum et barbecue pour qu’ils installent un piquet de grève devant les bureaux de la direction. Le mercredi 2 février, « nous avons organisé une manifestation dans les locaux administratifs », raconte Fabien Privé Saint-Lanne au journal L’Humanité. Le message passe et quelques jours plus tard, un accord de fin de conflit est trouvé, les travailleurs étrangers sont payés et rentrent chez eux. Total en profite pour se débarrasser du sous-traitant italien. C’est une victoire.

 

« Ils n’ont pas cru qu’il le ferait vraiment »

 

Mais la direction de la raffinerie Total ne souhaite pas en rester là. Jeudi 24 février, Fabien Privé Saint-Lanne et un autre délégué syndical du site sont convoqués dans le cadre d’une procédure disciplinaire. Ils écopent d’un avertissement pour « atteinte à la sûreté ». Représailles de la manifestation organisée dans les locaux administratifs avec les travailleurs roumains et italiens. « La direction a cru bon de sanctionner deux délégués syndicaux pour une grève qui s’est passée dans le plus grand des calmes. C’est clairement une manœuvre d’intimidation », estime David Arnould de la CGT. Pour Fabien Privé Saint-Lanne, la sanction est inacceptable.

« Fabien a assuré que si les sanctions n’étaient pas retirées, il entrerait en grève de la faim à la raffinerie de Donges. Ils n’ont pas cru qu’il le ferait vraiment », continue David Arnould. Pourtant quelques jours plus tard, le délégué syndical met sa menace à exécution. Pendant 16 jours, il campe dans le local syndical, sous l’œil attentif de l’équipe de service de santé au travail et des pompiers, qui vérifient ses constantes. Ses camarades cégétistes se relaient auprès de lui et, le 8 mars, il reçoit le soutien de près d’une centaine de militants, dont le secrétaire général de l’UD CGT 44, lors d’un rassemblement organisé à la raffinerie de Donges.

Ses revendications excèdent la seule levée des sanctions disciplinaires. Fabien Privé Saint-Lanne et la CGT Total Donges exigent l’embauche de 43 intérimaires et CDD qui travaillent pour la multinationale pétrolière ainsi que la mise en place d’un socle social commun aux différentes entreprises qui œuvrent à la raffinerie de Donges. Car, sur la plateforme, Total emploie 650 salariés et les entreprises sous traitantes 450 en moyenne. « Tous les travailleurs du site sont loin d’être logés à la même enseigne, par exemple les conventions collectives ne sont pas les mêmes d’une entreprise sous-traitante à l’autre. A la CGT, nous avons une revendication de longue date : un site, un statut », rappelle David Arnould.

 

D’un action individuelle à une mobilisation collective

 

Si l’action de Fabien Privé Saint-Lanne n’a pas été victorieuse, la CGT cherche désormais à mettre en place une mobilisation collective. Une initiative facilitée par la reprise de l’activité de raffinage à Donges. En effet, depuis le premier confinement et a fortiori depuis l’hiver 2020, la raffinerie est à l’arrêt. Une décision « conjoncturelle » prise au départ pour des raisons de mauvaise santé économique, mais qui s’est finalement prolongée pour permettre la maintenance de la raffinerie.

Or à la fin du mois de mars 2022, la raffinerie devrait enfin redémarrer. « Nous allons retrouver notre outil de travail et donc pouvoir à nouveau établir un rapport de force collectif avec notre employeur », assure David Arnould. L’idée : construire un mouvement de grève conséquent capable de mettre la pression à Total avant la reprise. « Avec la guerre en Ukraine, on comprend bien que c’est un problème de dépendre des puissances extérieures en matière énergétique. Nos raffineries françaises ont donc plus que jamais besoin de produire. Mais cette reprise ne pourra pas se faire dans n’importe quelles conditions », prévient David Arnould.

Dans un tract de préparation à la grève, la CGT Total Donges annonce la couleur et demande, entre autres, le retour aux embauches en CDI, une prime de reprise de 2000 € pour tous les salariés (y compris les CDD et les intérimaires) et un accord multivalence du même niveau que sur les autres plateformes de la branche. Pour ce qui est des sanctions disciplinaires prononcées contre Fabien Privé Saint-Lanne et son collègue, les délégués syndicaux vont saisir le tribunal des Prud’hommes.