manifestation médico-social

En plein mouvement social, le médico-social veut se faire entendre

 

Ce jeudi 2 février, Sud Santé Sociaux et la CGT organisaient une manifestation des salariés du secteur médico-social à Paris, pour exiger de meilleures conditions de travail. Dans leur ligne de mire : le destin de la future convention collective du secteur et la prime Ségur.

 

Organiser une manifestation sectorielle entre deux grosses journées de mobilisation contre la réforme des retraites : le pari des organisations syndicales du médico-social pouvait paraître risqué. Mais ce rendez-vous du 2 février était planifié depuis plusieurs semaines, et les salariés du secteur ne souhaitaient pas voir la réforme des retraites, qui les affectera tout particulièrement, éclipser leurs autres revendications.

C’est donc devant les locaux de Nexem, l’une des deux organisations patronales représentant les employeurs du secteur associatif, que se réunissent des aides-soignantes, infirmières, assistantes sociales ou aides à domicile, ce jeudi matin. Entre 1 000 et 2 000 personnes sont présentes. Le lieu du rassemblement n’a pas été choisi au hasard, pas plus que la date du rendez-vous. Ce jour-là, des négociations ont lieu entre représentants syndicaux et employeurs, à propos de la future convention collective étendue.

La future convention a pour objectif de rassembler derrière un même accord tous les salariés du secteur médico-social, actuellement partagés entre deux conventions, la 51 et la 66, chacune ayant certains avantages et inconvénients. Si l’objectif de fusion est partagé par les deux camps, ce sont ses modalités qui font débat. Alors que les salariés demandent une convention collective étendue « de haut niveau », prenant appui sur les avantages des deux conventions, les organisations patronales jouent plutôt la carte de la régression sociale.

 

« C’est la merde »

 

A l’heure du déjeuner, l’ambiance est à la fête au cœur du 3e arrondissement de Paris. Des salariés venus de toute la France et exerçant des métiers variés sont réunis. Les drapeaux de la CGT et de Sud s’agitent sous le regard des passants, pas forcément au courant de l’enjeu de cette mobilisation.

Mais cette joie militante cache une colère bien vive. « Nexem, on a besoin d’aide. C’est la merde ! », s’exclame une femme à la tribune, sous les fenêtres de l’organisation patronale. Une autre, venue des Alpes-Maritimes, lui succède : « On n’acceptera pas de négocier la convention bloc par bloc », explique-t-elle avec force, avant de demander à la foule : « qui veut exprimer sa colère ? ». Au fil des interventions, c’est le portrait d’un secteur fracassé par les contraintes budgétaires qui se dessine. Xavier, venu de Poitiers avec 90 de ses collègues, désespère : « on est aussi invisible que les personnes qu’on accompagne ». Un slogan tourne alors en boucle dans la bouche des personnes présentes : « Le social, il se bat pour tout le monde. Et tout le monde se bat pour le social ».

 

Le gouvernement dans leur ligne de mire

 

Sur les coups de 14h, la place se vide et les personnes présentes se tournent vers leur nouvel objectif : Matignon. Leur colère n’est pas seulement dirigée vers leurs employeurs, mais également vers le gouvernement. Dans la catégorie des patrons peu scrupuleux, l’État se taille une bonne place comme le rappellent des salariées de l’Éducation Nationale ou de l’hôpital public. Et sans surprise, il n’hésite pas à soutenir les propositions au rabais des employeurs du secteur privé non lucratif.

Mais c’est surtout la prime Ségur qui fait figure de symbole d’injustice aux yeux de beaucoup. Si certaines professions du secteur médico-social y ont droit, d’autres en restent exclus, alors même qu’ils sont au contact quotidien de personnes fragiles et dès lors assument un rôle social dans leur travail. « N’oubliez pas de parler de la prime Ségur ! », nous apostrophe une femme en passant à côté de nous. Pour ces salariés, ces 183€ mensuels viennent compléter de faibles salaires, mais jouent aussi un rôle symbolique : pour beaucoup, elle est un signe de reconnaissance de leur abnégation au travail.

Une valeur sociale non reconnue financièrement, mais sur laquelle n’hésitent pourtant pas à jouer les employeurs lorsque les salariés se mobilisent. « La culpabilité doit changer de camp. Moi quand je me mets en grève, c’est pour moi mais c’est aussi pour ceux que j’aide, pas contre eux » , explique Thibault, éducateur de rue dans l’Essonne et adhérent de la CGT.

 

Médico-social : une manifestation contre la précarité

 

Dans le cortège, Angélique raconte les restrictions budgétaires. « Dans ma structure, on a 500€ par an pour organiser des activités. Qu’est-ce qu’on fait avec 500€ ? Rien .» Après 25 ans en tant qu’aide-soignante, elle a jugé nécessaire de venir à Paris depuis le Calvados pour exprimer son désarroi. « A chaque fois, on se mobilise dans nos établissements mais on n’est pas visibles. Là, à Paris, on est davantage visibles ». Pascale et David, eux, sont venus d’Eure-et-Loire, « pour des augmentations de salaire, pour la convention, pour de meilleures conditions de travail ». Tous deux accompagnent des travailleurs handicapés, au sein d’une structure dédiée. En 23 ans de carrière, David l’assure : les conditions de travail se sont empirées. Pascale, elle, a rejoint le secteur il y a seulement 5 ans. Elle fait partie de ces salariées qui voient leur salaire stagner au Smic à cause d’une grille dont les premiers échelons sont en dessous du salaire minimum.

Précaires mais déterminés à se faire entendre, tous l’assurent : ce rendez-vous ne sera pas le dernier. Les 25 et 26 mars, la rencontre nationale du travail social en lutte aura lieu à Lille. D’ici là, les syndicats appellent à se mobiliser les 7 et 11 février contre la réforme des retraites.