l’Équipe 

PSE à l’Équipe ; après la grève, la lutte contre les départs contraints continue

 

Après une grève historique de 14 jours au mois de janvier contre des plans sociaux visant à supprimer cinquante-six postes au sein du groupe de presse Amaury, les salariés du premier quotidien de sports français restent mobilisés. Alors qu’une réunion du CSE s’est tenue mercredi 3 février pour déterminer les modalités d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) touchant plusieurs titres du groupe, les syndicats appellent à recommencer la grève si leur revendication de « zéro départ contraint » n’est pas entendue par la direction.

 

L’avenir semble encore incertain pour les salariés du groupe L’Équipe. Ce mercredi 3 février a eu lieu la réunion du comité social et économique (CSE) de l’entreprise de presse pour présenter le PSE visant le quotidien, mais aussi d’autres titres du groupe comme France Football, Vélo magazine et l’Équipe magazine. Les élus syndicaux ont présenté une longue motion argumentée pour dénoncer les conditions de la procédure et expliquer qu’ils étaient dans l’incapacité de rendre un avis fondé sur le PSE, étant donné que la direction ne les avait pas correctement informés sur les détails de celui-ci. Un manque d’information critiquée vivement par les représentants syndicaux depuis le début du mouvement de grève contre le plan social.

 

Les raisons de la crise

 

Nul besoin d’être expert en économie pour savoir que l’écosystème médiatique est en crise structurelle. S’ajoute à cela la faillite de Presstalis (premier distributeur de journaux français) et une pandémie mondiale qui prive les journalistes d’actualités sportives. Avec pour résultat que le chiffre d’affaires d’un quotidien comme ldes’Équipe (déjà fragilisé par 8 plans de restructuration en 9 ans) en pâtit. Face à cette perte de profit, la direction du journal, détenu par le groupe Amaury, a annoncé en juin 2020 un « accord de performance collective » (APC) à ses salariés.

Créé par les ordonnances Macron, ce dispositif permet, selon le site du ministère de travail, d’« aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ». Dans les faits, celui-ci prévoyait de supprimer 16 des 22 RTT des employés du journal et de baisser leur salaire de 10 %. Première levée de boucliers chez les représentants syndicaux.

Puis, le 3 novembre, la direction annonce des plans sociaux et table sur 5 millions d’euros d’économies en restructurant la masse salariale. Cinquante-six postes se retrouvent menacés de suppression : reporters, mais aussi maquettistes, secrétaires, photographes et iconographes. D’un autre côté, douze créations de postes ou réaffectations sont prévues pour renforcer le volet numérique du journal. Face au « refus du dialogue » de la part de la direction, les salariés décident donc de se mettre en grève.

 

Politique de l’autruche et stratégie de court-circuitage

 

Le 8 janvier, le journal papier l’Équipe n’apparaît plus en kiosques. Pour José Barroso, délégué syndical du SNJ, personne n’avait prévu que la grève dure aussi longtemps : « On était parti pour 24 h, avec la revendication : zéro départ contraint. Sans réponse de la direction, le mouvement s’est éternisé. »

Un reproche également entendu dans la bouche de Denis Perez, représentant du SNJ-CGT à l’Équipe. « On a appris pour le PSE en novembre. Pendant deux mois, la direction n’a pas voulu discuter, donc on s’est mis en grève. ». Et même pendant la grève, les dirigeants n’ont donné que très peu d’informations aux employés, qui apprenaient eux-mêmes les détails du PSE dans la presse. Pas d’informations donc, mais une tentative d’enfumage communicationnel analyse Denis Perez : « Dès qu’on a été en grève, l’APC dont on nous avait parlé en juin s’est présenté comme une alternative au PSE, j’y vois une tentative de court-circuitage de la grève. » Mais celle-ci a duré deux semaines, un record pour le journal (loin devant les 9 jours consécutifs en mai 68). « On savait que si on arrêtait il n’y aurait plus moyen de débattre », complète José Barroso. Mais les résultats obtenus demeurent en deçà des revendications.

 

Une revendication principale : pas de départs contraints !

 

Malgré la difficulté de construire un mouvement pendant la pandémie, la rédaction a compté près 80 % de salariés grévistes dans les premiers jours. Des assemblées générales dématérialisées réunissent entre 160 et 230 personnes et une caisse de solidarité se met en place pour soutenir les salariés grévistes.

Petit à petit, reconduire la grève commence à produire des effets, mais José Barroso en tire un bilan mitigé : « On a fini par obtenir des avancées au cours de la grève. La direction a lâché du lest sur les conditions de départ (reclassement, ancienneté), mais elle n’a pas voulu prendre d’engagement sur le zéro départ contraint toutes catégories confondues. Elle a accepté uniquement pour trois catégories : les photographes, les maquettistes et les iconographes. Selon la direction, il y aura assez de départs volontaires et donc aucun départ contraint ».

Outre l’aspect économique, ce sont les conséquences éditoriales qui inquiètent également le syndicaliste du SNJ. « Le but du groupe est de faire des économies, donc ils vont sacrifier des titres. France foot, qui était un hebdo, va devenir un supplément mensuel de l’Équipe ». Sa crainte sous-jacente : finir par produire « de l’information low cost ». Avant de conclure : « au-delà des économies à court terme, on ne voit pas d’horizon pour le journal ».

L’horizon, justement, demeure pour l’instant flou. À la suite du CSE d’hier, il faudra attendre environ trois semaines avant d’avoir une potentielle validation du PSE. En bon journaliste sportif, Denis Perez tente une métaphore footballistique : « La balle est dans le camp de la direction régionale du travail ».

Mais la « clause de revoyure » signée dans le cadre du PSE donne une perspective, énoncée par José Barroso : « Si le plan social est validé, fin février ou début mars, à l’issue du mois des départs volontaires on ira voir la direction, et si on voit qu’il y a des départs contraints on se remet en grève ». La lutte n’est peut-être donc pas finie. Affaire à suivre…

 

Victor Dossat