Dans le cadre de la semaine mondiale pour le climat du 20 au 27 septembre, l’ensemble de la population est appelée à se mettre en grève et à descendre dans la rue vendredi aux côtés des jeunes. Comment les organisations syndicales françaises s’approprient-elles et relayent-elles cette mobilisation pour rendre la grève effective ?
« En septembre prochain, des millions de personnes quitteront leur poste de travail ou leur domicile pour rejoindre les jeunes grévistes climatiques dans les rues et exiger la fin de l’ère des combustibles fossiles », annonce la page Global Climate Strike qui regroupe de très nombreuses associations et ONG à travers le monde. Pour la première fois, une grève contre le réchauffement climatique invite l’ensemble des travailleurs à quitter leur poste.
L’année scolaire dernière, deux grèves mondiales de la jeunesse avaient réuni plusieurs millions d’étudiants et de lycéens les 15 mars et 24 mai. Ils étaient accompagnés de rares adultes, essentiellement des enseignants. Des grèves massives s’étaient tout de même étalées sur plusieurs semaines notamment en Belgique. Parallèlement, les marches pour le climat ont touché un nouveau public et fait surgir l’esquisse de mobilisations de masse. Malgré toutes ces manifestations et la multiplication des actions de désobéissance, « les émissions de gaz à effet de serre stagnent voire augmentent dans le monde tandis que nous assistons à une extinction de masse de la biodiversité », constatent les 60 organisations qui appellent aux journées du 20 et 21 septembre en France.
Mobilisation générale
Par conséquent, les associations et ONG tentent de passer à la vitesse supérieure en appelant à la mobilisation générale. Ainsi, elles annoncent leurs ambitions pour le vendredi 20 septembre : « nous ferons grève, quel que soit notre âge, pour mettre en pause l’espace d’une journée ce système économique ». Ce volontarisme affiché suffira-t-il à rendre la grève effective au-delà de la jeunesse ? Et si oui, dans quels secteurs d’activités ? Pour l’heure, les salariés de Google aux États-Unis ont annoncé que 400 d’entre eux se joindraient à la marche pour réclamer que leur entreprise résilie ses contrats avec les sociétés pétrolières et gazières. Des travailleurs américains de Facebook, Amazon et Microsoft ont fait de même. Mais en France, aucune annonce similaire n’a été formulée.
« Nous sommes au début de la prise de conscience des camarades et des collègues », admet Simon Duteil, secrétaire national et responsable des questions climatiques pour Solidaires, la seule organisation syndicale de salariés à être signataire de l’appel des associations et ONG. Si, de façon inédite, des salariés isolés ont pris contact directement avec l’union syndicale pour savoir comment ils pouvaient faire grève, ce n’est pas pour autant un raz de marée. Plus sûr pour évaluer la portée des arrêts de travail ce jour-là : le nombre de préavis de grève et d’appels fermes à la grève émanant de fédérations n’est pas très élevé. Solidaires a bien déposé un préavis couvrant l’ensemble de la fonction publique – le privé n’en ayant pas besoin – mais seule sa fédération de l’éducation a formulé un appel explicite à arrêter le travail le 20 septembre dans son secteur.
Syndicalisme dispersé
Du côté de la CGT, la confédération a signé un appel commun avec la FSU et Solidaires « à participer sous différentes modalités d’action aux initiatives, dans la période du 20 au 27 septembre, alliant justice sociale et écologique ». Un texte qui n’appelle pas explicitement à cesser le travail le 20 septembre et une période qui inclut la date du 24 septembre où la CGT appelle à la grève sur les retraites et l’urgence sociale. « Nous avons toujours porté ces sujets, mais cela monte beaucoup plus au niveau de nos organisations. Le lien entre revendication sociale et environnementale devient plus évident et arrive rapidement sur des sujets comme les services publics », explique Véronique Martin, membre du bureau confédéral et responsable des questions environnementales à la CGT.
Peut-être une des raisons pour laquelle, plusieurs fédérations ont porté la journée de vendredi à leur agenda, parmi lesquelles la métallurgie qui appelle à la grève en lien avec des revendications liées à leur convention collective, mais aussi l’éducation, l’équipement et les transports. En dehors de la CGT et Solidaires, la FSU a également déposé des préavis de grève dans l’éducation, mais attendait sa réunion de milieu de semaine pour fixer officiellement la forme de sa participation. Pour autant, son syndicat du second degré, le SNES, n’ayant pas formulé d’appel ferme à la grève, la FSU ne devrait pas aller plus loin.
En dehors de la CGT, Solidaires et la FSU qui participeront à la journée du 20 septembre sous diverses modalités, la CFDT en sera absente. « La CFDT soutient les marches des jeunes pour le climat du 20 septembre […] et appelle tous les travailleurs à se mobiliser le 21 septembre », conclut un communiqué du premier syndicat daté du 11 septembre. De son côté, l’Unsa « appelle ses militants et sympathisants à se mobiliser dans les différents rassemblements organisés ». Mais à aucun moment, elle n’évoque la grève comme modalité de mobilisation. Enfin pour Force ouvrière, la CFE-CGC et la CFTC le sujet semble ne pas exister. Leurs sites internet sont vides de toute référence aux journées internationales pour le climat et aucune consigne publique n’a été donnée à leurs militants.
La grève générale qui vient ?
La grève pour le climat du 20 septembre sera probablement effective seulement dans l’Éducation nationale. Ailleurs, ce seront surtout des arrêts de travail individuels de salariés très conscients des risques climatiques et de militants syndicalistes souhaitant participer aux côtés de la jeunesse à cette journée. Cela ne signifie pas pour autant qu’une grève générale sur le climat est impossible. Ni qu’elle n’aura jamais lieu. « Nous sommes passé d’une période où les militants disaient ” c’est quoi votre machin pour les bobos “, à un moment où ils convenaient que nous avions un rôle à jouer, même sans trop savoir ce que nous pouvions dire et porter. Maintenant, des camarades s’emparent vraiment de la question », relativise Simon Duteil. Pour le syndicaliste de Solidaires, le sujet est majeur. Les marges de progression également.
« De toute façon, comme sur d’autres sujets, si nous voulons peser sur les décideurs, une des choses qui paye et fait pression, c’est la grève qui touche le patronat au portefeuille », assure Véronique Martin. En tout cas, « pour mobiliser le plus grand nombre et travailler ensemble sur des propositions et des initiatives », la CGT s’est lancée dans un cycle de rencontres avec les différentes ONG annonce la responsable confédérale. En somme, ce n’est pas parce que la grève pour le climat n’entraîne pas d’arrêts de travail importants cette fois-ci, que cette forme de mobilisation n’a aucune chance de percer. D’autant que le changement climatique n’en est qu’à ses prémisses et que l’action des pouvoirs publics reste insignifiante.
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