grève générale argentine

Grève générale argentine : la déferlante !


Plusieurs centaines de milliers de personnes se sont rassemblées devant le Congrès à Buenos Aires ce mercredi 24 janvier, jour de grève générale contre les mesures de choc ultralibéral mises en place par le président d’extrême droite nouvellement élu Javier Milei.

 

C’est la grève générale la plus rapide de l’histoire argentine après la nomination d’un président de la République. Six semaines seulement. Et c’est aussi une démonstration de force dans les rues de nombreuses villes du pays. La CGT, première organisation syndicale du pays, estime à 1,5 million le nombre de manifestants dans ses rangs, contre la politique de Javier Milei.

Élu avec 55,6 % des voix le 19 novembre 2023, le nouveau président d’extrême droite a pris ses fonctions le 10 décembre. Et enchaîne depuis les mesures chocs au pas de charge. Dès la première semaine : la dévaluation de la monnaie nationale de 50 % et la suppression de 5000 emplois de fonctionnaires, annoncée le 12 décembre. Puis le 14 décembre des mesures extrêmement répressives concernant les manifestations et les blocages.

Après cette mise en bouche, Javier Milei a promulgué un « Décret de nécessité et d’urgence » (DNU) le 20 décembre, devant prendre effet le 29 décembre. En tout 366 articles de dérégulation tous azimuts, qui ne peuvent être bloqués que par un vote hostile des deux chambres du Parlement. Une semaine plus tard, le 27 décembre, le gouvernement a déposé au congrès un projet de loi, dite « loi omnibus », qui comprend 664 articles portant sur l’ensemble des secteurs de l’économie et de la vie sociale du pays. Avec ces textes fleuves, Javier Milei peut notamment s’affranchir du Parlement pendant deux ans, renouvelable une fois. Soit, potentiellement, pour l’entièreté de la durée de son mandat.

 

Argentine : « mega-décret », loi omnibus, grève générale, un mois au pouvoir de Milei

 

Une première grève générale réussie

 

Face à ces attaques inédites par leur ampleur et leur violence contre les droits sociaux et démocratiques, la première organisation syndicale du pays, la CGT, a annoncé dès le 28 décembre une grève générale pour le 24 janvier. Le syndicat, considéré comme modéré, n’avait pas appelé à une telle mobilisation depuis 2019. Elle a rapidement été rejointe par de nombreux syndicats et mouvements sociaux. Parmi elles : les deux centrales syndicales CTA, des organisations féministes, dont Pas une de moins, de défense des droits humains, comme les Mères de la place de mai, des piqueteros ou de nombreux groupes politiques.

Ce 24 janvier, la grève a commencé à midi heure locale, sauf dans les transports où elle ne démarrait qu’à 19 h pour permettre à la population de se rendre aux manifestations, et s’est terminée à minuit. Les secteurs touchés par le mouvement qui s’est donné comme slogan « La patrie n’est pas à vendre » sont multiples. Dès le matin, de très nombreux vols ont été annulés, notamment dans la compagnie nationale promise à la privatisation, Aerolineas Argentinas. Même chose dans le secteur bancaire où la grève était importante, comme dans les ports, la culture, chez les travailleurs de l’État ou encore dans la santé, la filière des déchets ou la distribution publique et privée du courrier. En fin de journée, les trains ont été paralysés par la grève dans la capitale. Une grève très massive selon la CGT qui explique que 80% de ses 7 millions d’adhérents revendiqués étaient en grève mercredi.

À Buenos Aires, la plus grande manifestation du pays a eu lieu devant le Congrès et a réuni à 15 h, heure locale, plusieurs centaines de milliers de personnes, selon le journal Tiempo Argentino, un quotidien indépendant géré en coopérative par ses salariés. Un décompte qui oscille entre 100 000 et 300 000 selon les chaînes de télévision argentines. Mais que la ministre de la Sécurité, Patricia Bullrich, chiffrait à 40 000 dans un message emprunt de réalité alternative posté sur Twitter en fin de journée. De son côté la CGT estimait le nombre de manifestants dans ses rangs à 1,5 million dans tout le pays (dans un pays qui compte 45 millions d’habitants).

 

 

Dans le sud du pays, à Neuquén, ce sont 50 000 personnes qui ont contesté le méga-décret et la loi omnibus. À Rosario et Córdoba, dans le centre, des dizaines de milliers de manifestants ont également été dénombrés. Au nord, à Tucumán, les syndicats avancent le chiffre de 40 000 personnes dans la ville. Et les défilés imposants se sont répétés dans toutes les grandes communes du pays.

 

Le gouvernement contrarié par la rue

 

Dans la nuit précédant la journée de grève générale, le parti de Javier Milei, La Libertad Avanza, a réussi à trouver un accord en commission au Congrès avec plusieurs formations politiques de droite, sur une nouvelle version de la loi omnibus qui conserve le cœur du texte et n’enregistre que quelques modifications. Avec cet accord arraché en pleine nuit, le gouvernement espérait pouvoir présenter son texte de loi dès ce jeudi au Parlement. Car pour lui le temps presse, comme l’illustre la procédure accélérée choisie pour l’examen de la loi omnibus, alors que l’inflation ne cesse de grandir, atteignant 210 % sur l’année 2023, contre 160 % lors de la prise de fonction de Milei il y a six semaines.

Mais à l’issue de la mobilisation massive de ce mercredi, le président de la chambre des députés, membre du parti allié à Milei au second tour des présidentielles, a annoncé que le vote serait repoussé à mardi prochain. De leur côté, dans l’après-midi, à la tribune, devant les manifestants rassemblés en face du Congrès, les leaders syndicaux ont exhorté les députés à ne pas voter la loi. Le report du vote laisse finalement la possibilité d’une nouvelle mobilisation d’ampleur dès la semaine prochaine.