Le Ministre de l’Intérieur a annoncé, le 26 janvier, la fin de l’utilisation des grenades GLI-F4, feignant une prise de conscience quant à leur dangerosité. En réalité, cette décision est surtout la conséquence d’un accident mortel qui a coûté la vie à une ouvrière de l’usine où sont produites les grenades en 2014, imposant l’arrêt de leur fabrication.
Ce n’est pas parce qu’il s’est soudainement rendu compte qu’elles étaient dangereuses que Christophe Castaner a annoncé, dimanche 26 janvier sur le plateau de France 3, l’arrêt de l’utilisation des grenades GLI-F4 par les forces de l’ordre françaises. Comme l’écrivait Libération, le Ministère de l’Intérieur avait décidé de ne plus commander la grenade dès mai 2018. Non pas que celle-ci soit à l’origine de nombreuses mutilations de manifestants mais tout simplement parce que le fabriquant, Alsetex, avait décidé d’en arrêter le production dès 2014.
Dans une communication commerciale datée de 2018 et consultable sur le site maintiendelordre.fr, cette filiale du groupe Etienne Lacroix explique que la raison n°1 de l’arrêt de la production de la GLI-F4 est due à la dangerosité de son processus de production. Le document fait alors explicitement allusion à ce qu’il nomme « l’accident de juin 2014 ». Par cette tournure pudique, le fabriquant d’armes évoque l’explosion sur le site SEVESO d’Alsetex à Précigné dans la Sarthe, qui,le 24 juin 2014, coûta la vie à une de ses salariées : Nathalie Desiles, ouvrière affectée à la fabrication des compositions pyrotechniques. D’après Libération, Alsetex est aujourd’hui mise en examen pour « homicide involontaire » et d’importantes failles de sécurité ont été détectées au sein de l’usine.
Cynisme en bande organisée
Enfin les autres raisons de l’arrêt de la production de la GLI-F4 ne sont pas moins édifiantes. Alsetex explique dans le même document qu’il est également dû aux faibles ventes de la grenade, son seul acheteur étant le Ministère de l’Intérieur français. En effet, l’arme est impossible à exporter en Europe puisque la France est le seul pays du continent qui continue à employer des munitions explosives dans le maintien de l’ordre face à des manifestants. Non moins cynique, le fabriquant d’armes identifie la potentielle interdiction de la GLI-F4 par le ministère comme une des raisons d’en arrêter sa production. Il appuie ses craintes sur l’interdiction de la grenade OF-F1, elle aussi chargée en TNT, en mai 2017, trois ans après que l’une d’entre-elles a tuée Rémi Fraisse, militant opposé au barrage de Sivens.
Christophe Castaner a donc beau jeu de feindre la prise de conscience concernant la GLI-F4 quand les conditions d’achat de la grenade ne sont plus réunies et que sa remplaçante, la GM2L est déjà toute trouvée. L’hypocrisie atteint même des sommets quand le ministère lui-même juge la puissance de la GM2L et donc sa « dangerosité pour quiconque voudrait ramasser un tel projectile quasiment similaire à celle des GLI-F4 » dans son mémoire en défense devant le Conseil d’Etat en mai 2019, consulté par Libération.
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