Incendies volontaires à répétition, hommes rodant cagoulés avec des armes, coups de feu tirés en l’air, insultes, depuis cet été, les actes délictueux visant plusieurs bidonvilles se sont multipliés aux dires de leurs habitants et d’associations. Les expulsions préfectorales aussi. Le nouveau préfet de l’Hérault qui ne fait pas mystère de sa volonté de supprimer les bidonvilles reste par contre silencieux à propos des intimidations que leurs habitants disent subir.
5 août 2021 : incendie dans le bidonville dit du Mas Rouge. Premier septembre : expulsion par les forces de l’ordre du camp abritant des populations venues de Roumanie. Puis le 31 août : incendie sur le camp « Zénith 2 », suivi de son expulsion le 8 septembre sur décision du préfet Hugues Moutouh. Parmi ses arguments : les « risques de salubrité et de sécurité consécutifs à un incendie dans le bidonville ». Enfin, le 16 septembre : incendie dans le campement Nina Simone dans lequel vivaient des habitants du premier bidonville évacué. L’expulsion de celui-ci n’a pas encore été ordonnée, mais ce matin la préfecture recevait associations, municipalité et services de l’État en charge du relogement pour les entendre avant de statuer.
Au même moment, une trentaine d’habitants accompagnés d’un regroupement d’organisations politiques, de défense des droits humains et de syndicats alertaient la presse devant les grilles de la préfecture. « Mettre le feu à des hébergements la nuit, ce sont des méthodes fascistes », met en garde Sophie Mazas de la Ligue des droits de l’homme. « Il y a des gens qui pensent qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent contre les camps. Ce n’est pas normal », avance la militante pour qui l’absence de réaction des autorités encourage la poursuite des violences.
Peur dans les bidonvilles
Dans la nuit de mercredi à jeudi, un incendie s’est déclaré avenue Nina Simone à Montpellier, détruisant 10 caravanes et 4 véhicules. Un acte criminel pour les habitants. Selon un témoin, vers 5 h du matin, deux hommes en scooter ont lancé deux bouteilles d’essence enflammées sur des caravanes vides. D’autres témoignages d’habitants des bidonvilles font état d’intimidations depuis plusieurs semaines. Mais ce dernier incendie a poussé maître Élise de Foucault à accélérer le dépôt d’une plainte auprès du procureur de la République.
« L’incendie fait suite à toute une série d’événements qui justifiait déjà la préparation d’une plainte. Cela fait sept ans qu’à Montpellier il n’y a jamais eu d’incendie dans les bidonvilles et en l’espace de quelques semaines il y a trois départs de feu », explique l’avocate de plusieurs familles. Mais ce n’est pas tout : « la nuit suivant l’expulsion de Zénith 2, des personnes cagoulées et armées se seraient présentées face au bidonville avec des projecteurs qu’ils auraient braqués sur le bidonville » explique Élise de Foucault. Même chose quelques jours plus tard, avec de nouveaux coups de feu tirés en l’air énonce l’avocate. Puis, il y a quelques jours, près d’un autre bidonville, encore des hommes armés de fusils et cagoulés qui auraient tiré à proximité d’un camion dans lequel une famille avec cinq enfants dormait depuis son expulsion de « Zénith2 », relate-t-elle au conditionnel en attendant qu’enfin une enquête éclaire les faits.
Expulsator !
« Cette situation de péril est de nature à justifier une évacuation et la mise à l’abri des populations présentes […] Il y a nécessité à résorber aussi rapidement que possible les bidonvilles de la métropole de Montpellier qui constituent à la fois un danger pour les familles qui y vivent et un risque pour la collectivité », a réagi le Hugues Moutouh, préfet de l’Hérault après le dernier incendie.
Une blague pour ce qui est du relogement. Ce matin, à la sortie de la réunion avec la préfecture, les deux représentants de la Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités dont la mission est de gérer le relogement lâchaient dépités : « le 155 est plein et il y a déjà 700 personnes hébergées en hôtel ». Sans vouloir commenter plus davantage, devoir de réserve oblige. Par conséquent, si d’aventure le préfet décidait encore une fois d’expulser un bidonville à la suite d’un incendie, aucune place en hébergement d’urgence ne serait disponible.
Et un retournement de sens pour ce qui est de la question du danger. Le préfet dans son communiqué considère que ce sont les bidonvilles qui constituent un danger. À ce jour, la préfecture ne s’est pas scandalisée des actes criminels visant les habitants d’au moins trois bidonvilles de Montpellier. Alors que les témoignages tendent à montrer que leurs habitants sont menacés par des actes d’une extrême gravité, ils n’ont appelé aucun commentaire du représentant de l’État.
Mais le préfet n’est pas le seul à se taire. Du côté de la mairie socialiste, aucun communiqué d’indignation non plus. Ni à propos des faits délictueux visant spécifiquement des ressortissants roumains, ni de l’opportunisme préfectoral qui y répond par l’expulsion des victimes. On a connu l’édile plus prompt à s’offusquer. Par exemple lorsqu’une grille de l’hôtel de ville avait été « violentée » par des agents municipaux en grève.
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