Comment un géant de la livraison à domicile gagne-t-il de l’argent ?… « en livrant » devrait-on répondre. En réalité pas vraiment. Actuellement l’activité e-commerce d’Amazon est relativement peu rentable. Ce sont ses activités de vente d’espace cloud, son expertise en matière d’exploitation des données et de prestations algorithmiques qui font les choux gras de la multinationale.
La vente en ligne, qui représente le gros du chiffre d’affaire d’Amazon n’est pas une activité fondamentalement rémunératrice pour la firme. En 2019, le e-commerce a rapporté 2,19 milliards de dollars à Amazon (bénéfice net) alors que la branche service informatique d’Amazon, Amazon Web Service (AWS), a généré 2,22 milliards de bénéfice. En un chiffre : AWS ne représente que 12% du chiffre d’affaire total d’Amazon mais la moitié de ses bénéfices en 2019.
La profitabilité d’Amazon ne vient donc pas de ses ventes sur sa place de marché mais de ses services d’informatique. Ils sont divers : cloud computing, services de stockage et de traitement des données, fourniture et développement d’algorithmes, tous regroupés dans l’entité AWS. Amazon est ainsi le leader mondial en matière de vente d’espace cloud et surclasse Microsoft en la matière. Des entreprises comme Philips, la Banque Nationale du Canada, Renault ou encore la SNCF conservent leurs données sur ses serveurs.
Amazon : un puits de pétrole
La firme de Jeff Bezos devrait-elle abandonner son activité de e-commerce pour se vouer entièrement au développement de ses services web ? Assurément non, car la plateforme de e-commerce et AWS fonctionnent en synergie. Si AWS se nourrit des données générées par les utilisateurs de la plateforme d’e-commerce, AWS produit quant à lui des outils à destination de la plateforme de e-commerce. A titre d’exemple : Amazon vend aux entreprises qui hébergent leurs produits sur sa plateforme des logiciels permettant d’avoir une lecture très fines des caractéristiques de leurs clients. Un service à forte valeur ajoutée, très prisé par les clients de la plateforme.
« La donnée est souvent présentée comme le pétrole de notre révolution industrielle. Amazon en contrôle des gisements, sait le raffiner via ses capacités en analyses de données et sait comment l’utiliser dans un large éventail d’applications », résume ainsi Frédéric Marty chercheur affilié au Département Innovation et concurrence de l’OFCE dans une interview donnée au site Atlantico en 2019.
Enfin, la puissance de la plateforme d’e-commerce d’Amazon réside également dans sa capacité à fixer les prix dans la grande distribution. Comme le montre Alberto Cavallo de la Harvard Business School en 2018, aux Etats-Unis, lorsqu’un produit de Walmart est aussi présent sur Amazon, il y a 97 % de chances pour que Walmart applique le même prix dans tous ses magasins. Ainsi, alors que les prix qui changeaient en moyenne tous les 6,7 mois en 2008, ils sont ajustés désormais tous les 3,65 mois en 2018.
Le Black Friday arrivant, la bonne nouvelle c’est que vous n’enrichirez pas énormément Amazon en commandant sur la plateforme… la mauvaise, c’est que vous contribuerez à son pouvoir d’influence, ce qui n’est pas beaucoup mieux.
Photo : CC Leonhard Lenz
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