législatives

Législatives 2022 : six enseignements sur les résultats du 1er tour


 

Comme en 2017, l’abstention reste le premier parti de France. Elle bat même un nouveau record, avec pour conséquence de n’ouvrir quasiment que des duels, pour le second tour des législatives 2022, le 19 juin prochain. Et donc de polariser davantage l’opposition entre Ensemble (majorité présidentielle) et la Nupes (alliance de gauche) qui finissent au coude à coude au premier tour.

 

Le premier enseignement du premier tour des législatives est une confirmation. Celle de l’existence de trois blocs dominant le paysage politique. Avec respectivement 25,75 %, 25,66 % et 18,68 %, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, la majorité présidentielle, la Nupes et le Rassemblement national réitèrent sensiblement les scores d’Emmanuel Macron, de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen du premier tour de la présidentielle. Seules différences : cette fois-ci, la gauche devance le RN et Les Républicains résistent mieux en dépassant de peu la barre des 10 % confirmant leur implantation territoriale.

 

Abstention : le grand désintérêt

 

Ce sont 25,7 millions d’inscrits sur les listes électorales qui ne se sont pas déplacés ce dimanche pour élire les députés pour les cinq ans à venir. Et un demi-million de plus qui ont voté blanc ou nul. Soit moins d’un électeur sur deux puisque seulement 23,25 millions de Français (47,5%) se sont rendus aux urnes. Encore moins qu’en 2017 où, pour la première fois, la participation à une élection législative avait été inférieure à 50 % (48,7%) .

Avec pour conséquence, un moindre nombre de candidats qualifiés pour le second tour, dans la mesure où, outre les deux premiers, toute autre qualification nécessitait 12,5 % des inscrits. Soit cette fois-ci : plus de 25 % des suffrages exprimés. Avec un tel seuil, le nombre de triangulaires se limite à 8 sur 577 circonscriptions, ce qui accentue le face-à-face entre la Nupes et la majorité présidentielle qui arrivent en tête à l’échelle nationale. Et leur donne un bonus pour le nombre de sièges dimanche prochain. Au second tour, ces deux listes se feront face dans 272 circonscriptions.

 

La majorité présidentielle en difficulté

 

Ensemble qui regroupe En Marche (nouvellement Renaissance), le Modem et Horizon fait moins bien qu’en 2017. Et même nettement moins bien puisque l’alliance présidentielle récolte 5,86 millions de voix dimanche, contre 7,3 millions de suffrages il y a cinq ans. Une chute de près d’un million et demi de voix. La comparaison est même plus sévère encore pour le résultat de dimanche au regard du score d’Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle le mois dernier : 9,78 millions de voix. Soit presque 4 millions de suffrages en moins.

Symbole de ce recul significatif : l’élimination au premier tour de Jean-Michel Blanquer dans le Loiret. Mais aussi le ballottage défavorable des ministres Amélie de Montchalin, Stanislas Guerini et Clément Beaune, menacés tous les trois de devoir quitter le gouvernement en cas d’échec dimanche prochain. Pour autant, en étant présente au second tour dans 420 circonscriptions, et arrivée en tête dans 203, l’alliance présidentielle reste favorite pour remporter les élections législatives le 19 juin. Selon les projections des instituts de sondage, elle pourrait obtenir entre 255 et 295 sièges au Palais Bourbon. Ce qui ne l’a met pas à l’abri de ne pas obtenir la majorité absolue à l’Assemblée nationale.

 

Pour la Nupes, une victoire, mais des faiblesses

 

Selon toutes vraisemblances l’alliance de la France Insoumise, du Parti communiste, d’Europe-Écologie-Les-verts et du Parti socialiste ne remportera pas la majorité dimanche prochain. À moins d’une mobilisation massive des abstentionnistes susceptibles de porter leurs suffrages sur la Nupes, la gauche devrait obtenir entre 150 et 190 sièges, contre au moins 255 pour les soutiens d’Emmanuel Macron.

Pour autant, le résultat de la Nupes devrait installer cette dernière comme la première force d’opposition au gouvernement à l’Assemblée nationale, alors qu’en 2017 cette position était tenue par la droite républicaine. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon a réussi un coup politique majeur : devenir l’opposition parlementaire et transformer durablement le leadership à gauche, au-delà du moment présidentiel, en déplaçant son centre de gravité. Cela en marginalisant le Parti socialiste et Les Verts, contraints de s’associer à lui dans la Nupes pour espérer un groupe parlementaire.

Une bonne opération également du point de vue des résultats électoraux. En 2017, lorsque le leader de la France Insoumise choisissait de faire cavalier seul en espérant écraser ses concurrents à gauche, il perdait 4 millions de voix entre les présidentielles et les législatives. Ce coup-ci, en 2022, l’écart entre son nombre de voix le 10 avril et celui de la Nupes au premier tour des législatives n’est que de 1,88 million. L’alliance électorale de gauche réussit même à faire un score en pourcentage supérieur à celui de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle : 25,66 % contre 21,95 %.

Pour autant, ce succès ne doit pas masquer au moins deux faiblesses. La première étant que les 25,66 % obtenus dimanche restent inférieurs aux pourcentages obtenus par les quatre formations de l’alliance lors de la présidentielle : 30,61 %, qui étaient déjà historiquement bas pour la gauche. D’autant qu’il n’y a quasiment aucune réserve de voix. La seconde étant relative à l’abstention. L’élan constaté à la présidentielle, notamment dans les quartiers populaires, ne s’est pas vraiment reproduit dimanche. À titre de symbole, la Seine-Saint-Denis enregistre une abstention de plus de 61 %, même si les candidats de la Nupes arrivent largement en tête dans les douze circonscriptions du département le plus pauvre de France.

 

L’extrême droite progresse encore

 

Malgré une quasi-absence de campagne nationale conduite par Marine Le Pen et la concurrence de Reconquête dans 551 circonscriptions, le Rassemblement national progresse nettement. Et en tous points par rapport à 2017. D’abord avec des pourcentages en hausse : 18,6 % ce 12 juin contre 13,2 en 2017. Mais aussi en nombre de voix malgré une abstention en légère hausse : les candidats du RN ont obtenu 4,24 millions de suffrages contre 2,99 millions cinq ans plus tôt. Avec pour conséquence d’être présent au second tour dans 208 circonscriptions, en se payant le luxe d’arriver en tête en dans 110 d’entre-elles.

Ses bons résultats devraient lui ouvrir en grand les portes de l’Assemblée nationale. Le parti d’extrême droite peut prétendre obtenir entre 20 et 45 sièges, selon les projections des instituts de sondage. Et ainsi, avoir assez de députés pour constituer un groupe parlementaire, ce qui n’était pas arrivé depuis 1986, année où le Parti socialiste avait instauré la proportionnelle intégrale aux législatives.

De plus, aux scores du Rassemblement national, il faut ajouter ceux de Reconquête qui, même s’il ne se qualifie nulle part pour le second tour, enregistre presque un million de voix (4,24%). Et permet à l’extrême droite de largement dépasser les 20 %, alors qu’elle n’avait jamais réussi à passer la barre des 15 %.

 

La droite sauve une partie des meubles

 

La droite républicaine poursuit sa descente aux enfers. Mais moins durement qu’à la présidentielle. Alliée à l’UDI, Les Républicains obtiennent 2,43 millions de voix, soit 750000 de plus que Valérie Pécresse le 10 avril dernier. Mais deux fois moins qu’en 2017 où la droite avait enregistré près de 5 millions de suffrages. Présente au second tour dans 75 circonscriptions, elle pourrait espérer entre 50 et 80 sièges en ajoutant les 13 divers droite qualifiés au second tour.

Pour autant, cela lui ferait perdre sa place d’opposition principale au gouvernement à l’Assemblée nationale. Et les moyens qui vont avec. Seule consolation pour la droite, si la majorité présidentielle n’obtient pas la majorité absolue fixée à 289 sièges dimanche prochain, Les Républicains pourront être en position de négocier avec Ensemble, la coalition favorable à Emmanuel Macron.

 

62 dissidents du PS, 56 éliminations au premier tour

 

La Bérézina pour les socialistes opposés à l’accord avec la France Insoumise, conclut par la direction nationale du PS. Dimanche prochain, il n’en restera que 6 en lice sur les 62 circonscriptions où des socialistes bien implantés imaginaient damer le pion à la Nupes. Soit 90 % d’élimination. Et encore, parmi les qualifiés, Lamia El Aaraje dans la 15e circonscription de Paris a 24 points de retard sur la candidate de la Nupes. Seules trois circonscriptions semblent gagnables par des dissidents PS dans le Gers, les Pyrénées-Atlantique et le Pas-de-Calais.

Soit un sérieux coup de canif planté dans les ambitions de celles et ceux qui auraient pu s’imaginer un destin national, comme Carole Delga ou Michael Delafosse en Occitanie. Ou en tout cas qui affirmaient à travers le scrutin le souhait de proposer une alternative pour reconstruire une gauche de gouvernement, non inféodée à Mélenchon. Clairement un échec pour les dissidents PS à l’accord avec la Nupes. Une douche froide qui a contraint Carole Delga a changé son fusil d’épaule hier soir. Si elle n’a pas exprimé pour l’heure l’abandon de son projet « d’états généraux de la gauche » à la rentrée, elle a appelé à « faire barrage aux candidats d’extrême droite en votant pour le candidat le mieux placé, quelle que soit son étiquette ». Mais surtout, « dans les autres cas de figure (…), j’appelle clairement à voter pour les candidats de gauche contre la droite ».