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Montpellier : l’ombre du commando d’extrême droite plane toujours sur la fac de droit


Ce vendredi 9 décembre s’ouvre le procès en appel de plusieurs membres du commando cagoulé qui avait violemment expulsé d’un amphithéâtre occupé des étudiants mobilisés contre la loi « Orientation et réussite des étudiants » en 2018. Parmi eux, Jean-Luc Coronel de Boissezon dont le possible retour comme enseignant à la fac de droit de Montpellier fait grincer plus d’une dent.

 

Une vingtaine de personnes mobilisées pour distribuer des tracts devant une université un 11 novembre – jour férié sans cours – l’image pouvait sembler insolite. Mais le propos était grave : rappeler qu’en mars 2018, en pleine nuit, un commando cagoulé et armé, majoritairement composé de militants d’extrême droite, délogeait manu militari des étudiants contestataires avec la participation et la complicité d’une partie des autorités universitaires. Et alerter que dans trois mois, malgré un procès en appel le 9 décembre, le professeur d’histoire du droit Jean-Luc Coronel de Boissezon, condamnés à 14 mois de prison en 2021, dont six mois ferme sous bracelet électronique, pourrait revenir enseigner dans l’université où il a cogné sur des étudiants.

Mais pourquoi distribuer des tracs devant une université au moment d’un long week-end de trois jours ? Parce que, ce 11 novembre 2022 et les deux jours suivants, le Syndicat des avocats de France (SAF) tenait son congrès national dans la fac de droit de Montpellier. Et même, dans l’amphithéâtre au sein duquel les étudiants de 2018 avaient été délogés et huit d’entre eux blessés. Une occasion pour le collectif du 22 mars, constitué par des étudiants au lendemain du tabassage de 2018, de donner une résonance nationale au procès en appel du mois de décembre et au risque de retour à l’université de Jean-Luc Coronel de Boissezon en février prochain.

 

Remous universitaires

 

Une occasion à moitié manquée. Si les quelque 300 délégués venus de toute la France ont tous eu leur tract explicatif avant d’entrée dans l’amphithéâtre où se tenait les débats du congrès du SAF, il fallait tendre l’oreille et sacrément lire entre les lignes des discours officiels d’ouverture pour penser entendre la moindre allusion à l’affaire de 2018 et à ses suites de fin 2022 et début 2023. Et ce, malgré la présence du Maire de la ville, du bâtonnier et des officiels de l’université de droit de Montpellier.

Pour autant, la question du retour de Jean-Luc Coronel de Boissezon inquiète la communauté universitaire. Révoqué en février 2019 suite à un rapport de l’inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale, le professeur d’histoire du droit avait fait appel et obtenu gain de cause en mars 2022, auprès du Conseil national de l’éducation supérieure et de la recherche (CNESER). Sa sanction était ramenée à quatre ans avec « interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement ou de recherche dans tout établissement public d’enseignement supérieur ». Et elle prend fin en tout début d’année prochaine, ce qui contraindra l’université de droit de Montpellier à le réintégrer.

Pour tenter d’éviter cela, en juin 2022, le Conseil de la fac de droit et de science politique a adopté à 31 voix pour sur 34 une motion en faveur d’un pourvoi en cassation qui « souligne les risques de dysfonctionnement du service et de trouble à l’ordre public qui accompagneraient le retour sur site de Mr Coronel ». Et demande que « l’affection soit prononcée dans un autre établissement ». Pour autant, le pourvoi n’est pas suspensif de la décision du CNESER et une nouvelle décision ne devrait pas arriver avant la réintégration du prof cogneur.

 

Commando : l’extrême droite à l’assaut de l’université

 

Alors que le procès en appel d’une partie des membres commando (cinq ont fait appel au lendemain de leur condamnation) aura lieu ce vendredi, la fac fait face au cas d’un prof bien embarrassant. D’abord évidemment parce qu’il a frappé des étudiants dans l’enceinte de l’université et qu’il a été condamné pour cela. Mais aussi, parce que ses proximités avec l’extrême droite extraparlementaire n’ont fait que se raffermir ou s’officialiser depuis 2018. Recueilli dans un premier temps au sein de l’issep, l’école fondée par Marion Maréchal Le Pen pour former les cadres de demain de l’extrême droite française, Jean-Luc Coronel de Boissezon était encore programmé au « 8e forum de la dissidence » organisé début décembre par un média identitaire. Et ce, une semaine avant son procès en appel et deux mois avant sa possible réintégration.

À ses côtés dans cette grande messe de l’extrême droite : Renaud Camus, le chantre du « grand remplacement », condamné en 2014 pour provocation à la haine et dont les théories ont inspiré la tuerie de Christchurch qui a fait 51 morts en 2019. Mais aussi Thaïs d’Escufon, ex-porte-parole du mouvement Génération identitaire qui a été dissous en 2021, ou encore un fondateur de l’Alvarium à Angers, dont plusieurs membres ont été condamnés pour des faits de violence.

Des fréquentations qui éclairent mieux les fréquentations de Coronel de Boissezon de l’année 2018, lorsqu’il organisait avec sa compagne Patricia Margand le commando de la fac de droit. Parmi les membres du groupe condamnés ou inquiétés en plus du doyen de l’université : des membres de la Ligue du Midi, dont Martial Roudier, le fils du fondateur du groupuscule d’extrême droite, condamné en première instance à un an ferme, ainsi qu’un proche du Rassemblement national à Sète.

Pour ne pas voir l’extrême droite entrer de nouveau par la grande porte à la fac de droit de Montpellier, le collectif du 22 mars appelle à un rassemblement devant la cour d’appel à 8 h 30 afin que cette affaire ne passe pas inaperçue. Mais aussi dans l’espoir que le tribunal prononce, comme en première instance, une interdiction d’un an d’exercer à l’encontre de Coronel de Boissezon.