Gérald Darmanin, suite à la réclamation d’élus de droite et de la majorité (droite aussi, donc), a annoncé avoir engagé une procédure de dissolution contre Nantes Révoltée, média indépendant dont on vous laisse deviner où il se situe. Contre cette mise en scène délirante de la censure par le pouvoir d’un contre-pouvoir local essentiel, nous, médias libres, affirmons que nous ne laisserons pas advenir ce dangereux précédent.
Occupant la 34e position (sur 180) dans le classement de RSF sur la liberté de la presse, la France est régulièrement condamnée pour les nombreuses violations du droit d’informer dans le cadre du « nouveau schéma national de maintien de l’ordre » et de la loi dite de « sécurité globale » ; les manifestations sont devenues pour partie des zones de non-droit dans lesquelles le travail des journalistes, mais aussi l’action syndicale, sont de plus en plus compliqués à exercer, voire toujours plus dangereux, avec de nombreux cas de reporters blessés par tirs de LBD, matraqués, visés par des jets de gaz lacrymogène, arrêtés arbitrairement, ou privés brutalement de leur matériel de reportage. En outre, en 2020, au moins deux journalistes d’investigation ont été convoqués par l’IGPN dans le cadre d’enquêtes pour « recel de violation du secret professionnel ».
Et voilà donc que Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur d’un président de la République pour lequel les « journalistes » ne sont là que pour véhiculer avec dévotion sa sainte parole venue d’en haut, s’en prend frontalement et brutalement à l’un des nombreux médias indépendants et de proximité qui, dans tout le pays, dans les villes et villages, souvent à base de bénévolat et d’autofinancement, tentent de faire vivre l’éthique journalistique sobrement résumée par Albert Londres dans une formule souvent citée : « mettre la plume dans la plaie ». Donc : déplaire, déranger, mettre le(s) pouvoir(s) face à ses contradictions, ses violences et ses failles, et donner voix à celles et ceux qui ne l’ont pas.
Cette demande de dissolution bafoue les bases constitutionnelles du droit d’expression et d’information des citoyens. Cette demande vient notamment, nous rapporte Nantes Révoltée dans son communiqué, de la responsable LREM de Nantes et de la présidente de la région Pays-de-la-Loire, qui se sont affirmées soucieuses de « ne plus laisser prospérer cette idéologie anarchiste et haineuse plus longtemps », affirmant que « depuis près de dix ans, des centaines de policiers et d’habitants ont été blessés au cours de ces manifestations violentes ».
L’équipe de Nantes Révoltée a dûment documenté, depuis des années, les violences policières exercées dans cette ville et remplit donc avec minutie et passion son rôle de contre-pouvoir médiatique local.Pire : Nantes Révoltée est accusée de nuire « à l’image et à l’attractivité de la capitale régionale ». Comme si le rôle de tout organe de presse était de relayer complaisamment la propagande municipale ; au moins, le propos est clair : médias, faites-nous de la pub’, ou bien disparaissez.
Gérald Darmanin, à la tribune de l’Assemblée Nationale, réclame donc la dissolution du média, sur la base semble-t-il de l’article L212-1 du Code de la sécurité intérieure, selon lequel « toutes les associations et groupement de faits qui provoquent à des manifestations armées ou à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens » peuvent être dissous par décret en conseil des ministres.
Problème : en tant que média documentant « les luttes sociales et environnementales », Nantes Révoltée, comme ils et elles le répètent avec insistance à chaque fois que cette accusation leur est faite, ne fait que relayer ces appels à manifester. Puis, en bon média local, ils se rendent dans ces manifestations afin de les couvrir et de rapporter ce qu’il s’y passe. En gros : Nantes Révoltée fait son travail.
C’est notamment Nantes Révoltée qui, le lendemain de la fête de la musique en 2019, avait publié les vidéos de la charge qui avait été fatale à Steve.
La dissolution pure et simple d’un média ayant simplement relayé des appels à manifestations et couvert ces dernières constituerait une atteinte directe aux droits fondamentaux, notamment à la liberté d’expression et à la liberté de la presse, et serait un précédent aussi dangereux qu’inacceptable.
Nous, médias indépendants, sans peut-être pour certains partager totalement la ligne éditoriale de Nantes Révoltée, ne pouvons accepter ni rester silencieux devant cette énième attaque du pouvoir macroniste qui piétine maintenant depuis cinq trop longues années les principes de la démocratie dans laquelle nous sommes censés vivre.
S’en prendre à la liberté de la presse, s’en prendre à ce média, c’est s’en prendre à nous toutes, à nous tous.
Signez la pétition en soutien à Nantes Révoltée.
Photo : Serge d’Ignazio
Premiers signataires :
MAČKO D. ET TOUTE LA RÉDACTION DU MENSUEL MOUAIS (NICE)
SIGNATAIRES (POUR SE JOINDRE À LA FÊTE : CONTACT@MOUAIS.ORG) :
LA MULE DU PAPE (MONTPELLIER)
YANNIS YOULOUNTAS, ACTIVISTE ANARCHISTE ET VIDÉASTE
MEDIACOOP (AUVERGNE)
CÉDRIC HERROU, ACTIVISTE ET PAYSAN, AUTEUR DE « CHANGER SON MONDE »
LE POING (MONTPELLIER)
RAPPORTS DE FORCE (MONTPELLIER)
LUDIVINE BANTIGNY, HISTORIENNE, AUTRICE NOTAMMENT DE « LA COMMUNE AU PRÉSENT »
LE NOUVEAU JOURNAL DU PAYS DE FAYENCE (FAYENCE)
CIAO VIVA (GRASSE)
PILULE ROUGE (NICE)
LES AUTRES VOIX DE LA PRESSE (COLMAR)
LA LETTRE À LULU (NANTES)
JEAN-PIERRE DUTEUIL ; ACTIVISTE ANARCHISTE ; ÉDITIONS ACRATIE
LE TRENTE-DEUX (TARN)
LE MONTE-EN-L’AIR (PARIS)
PRIMITIVI (MARSEILLE)
ZIN TV (BRUXELLES)
SMK VIDEO FACTORY (BOLOGNE)
RICOCHET (DRÔME)
LES PIEDS DANS LE PAF (LOIRE-ATLANTIQUE)
LA GUEULE OUVERTE (PARTOUT)
TV CITOYENNE (CHAMBÉRY)
DÉMOSPHÈRE ARIÈGE (ARIÈGE, DONC)
LE RAVI (MARSEILLE)
PHILIPPE MERLANT, JOURNALISTE ET CONFÉRENCIER GESTICULANT
PASCAL MAILLARD, UNIVERSITAIRE, MILITANT SYNDICAL ET BLOGUEUR MEDIAPART
GILDAS LOIRAND, UNIVERSITAIRE CONTRIBUTEUR ET INFORMATEUR OCCASIONNEL À NANTES RÉVOLTÉE
FRANÇOISE BOIREAUD, DÉFENSEURE SYNDICALE CNT-STP 26
DEMAIN LE GRAND SOIR, MÉDIA DE LUTTE
L’EMPAILLÉ, PRESSE LIBRE D’OCCITANIE
LE KIOSQUE DE LA TORTUE, DIFFUSION INDÉPENDANTE DOWNTARN
ZELIUM ÉDITIONS, JOURNAL SATIRIQUE / PRESSE ET BD
LE JOURNAL MINIMAL
L’INFOMNIAQUE, DIFFUSEUR & INFOKIOSQUIER TARN/CORRÈZ
LA CANSE, MÉDIA EN LIGNE ANTINUCLÉAIRE DU SUD-EST
PIERRE MEREJKOWSKY, ARTISTE MULTIMÉDIA
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